Le goût du motchi (un petit gâteau à base de riz pilé qu'on mange habituellement grillé pour le Nouvel An) narre les souvenirs et le quotidien d'Ayako, adolescente de Tokyo, entre les derniers mois de la guerre avant la défaite jusqu'à 1952. Durant cette période, le Japon est sous occupation américaine, le général McArthur à la tête du quartier générale. Les bombardements acharnés des B29 ont laissé une grande partie de la capitale dévastée. Les Japonais, désastres et peurs de ces attaques, faim, privations et nationalisme jusqu'au-boutiste effondré par la capitulation, ressortent exsangues et déboussolés de ces années bellicistes. le manque d'approvisionnement oblige à recourir au marché noir. Une partie des mentalités change avec le bouleversement des événements et les idées nouvelles apportées, et imposées pour certaines, par les Américains.
C'est un peu tout cela que raconte Mishima Aïko, dans un roman qu'on devine largement autobiographique. Elle dépeint également les relations à l'intérieur de la famille Ishikawa. Atala, petite dernière avec trois soeurs et un frère s'est toujours sentie sur la réserve. Son père, avant-guerre, était souvent en déplacement pour sa firme. Quant à sa mère, elle se montre froide et lointaine envers ses enfants. Heureusement pour la fillette puis l'adolescente, il y a Fumi-san, la bonne, qui lui offre écoute et affection qui lui manquent. Jusqu'à ce que, l'argent venant à manquer, la famille s'en sépare et la renvoie dans sa région natale.
C'est pourtant vers cette même Fumi-san qu'Ayako va se ressourcer trois ans après la fin de la guerre. C'est avec cette femme bonne, simple et malicieuse que la jeune fille intègre enfin le concept de paix. Paix pour son pays et paix relative pour son esprit qui renâcle face au destin que lui trace ses parents perclus dans leurs stéréotypes bourgeois d'avant-guerre: pas d'études universitaires, pas travailler (que diraient les voisins!!!!!) et mariage via une entremetteuse (le "miai", qui a toujours court d'ailleurs aujourd'hui...). On comprend qu'Ayako, franche, observatrice et intelligente, sente monter en elle le vent de la protestation et la remise en cause d'un système qu'elle juge obsolète. Autant de réflexions qui ne se font pas sans atermoiements car, parfois, il apparaît si confortable, moins énergivore et source de conflits, de se couler dans le moule, comme ses soeurs, mariées et mères.
Mishima Aïko, née à Tokyo en 1928, quoique déjà enseignante de japonais dans son pays, le quitte en 1958 pour venir étudier le français et la littérature hexagonale à la Sorbonne. Restée en France où elle a travaillé pour une entreprise nipponne, elle s'est mise à l'écriture à sa retraite seulement. Comme Mizubayashi Akira, elle écrit directement en français. Si son style ''raccroche'' un peu parfois et manque de liant, ses anecdotes et récits du quotidien de l'occupation américaine permettent de mieux comprendre cette période, les difficultés matérielles de tous genres et un changement de mentalités qui s'annonce.