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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Je suis étonnée de ne pas lire plus de critique à propos de Lettres à Anne, et y ajoute donc ma plume. Vu les 1200 pages, j'ai pour le moment lu les trois premières années seulement. Faute de temps et aussi car cette oeuvre se déguste lentement. Il faut en apprécié chaque mot.
Allons droit au but, ce sont pour ma part les plus lettres d'amour jamais lues en littérature jusqu'ici. Et les plus beaux mots d'amour. C'est sublime.
F. Mitterrand écrit l'amour fou, l'amour obstination (Anne Pingeot va se refuser longtemps à lui), l'amour absolu. Il est nourri par elle, par cet amour et vidé à la fois. Il a besoin de tout dire tout raconter, tout décrire, tout disséquer.
Alors au-delà de ses déclarations amoureuses sans cesse réinventées, c'est un homme qui se raconte entre 1962 et 1995, un homme simplement, un homme cultivé et érudit (ses sorties en librairie sont des moments de grande liberté pour lui), mais aussi un homme public et un homme d'état.
Le dévoilement est ainsi multiple et renforce la fascination pour ce livre. Ces lettres aujourd'hui rassemblées et publiées font de ce corpus, Lettres à Anne, un chef-d'oeuvre littéraire et historique.
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Lorsqu'ils se sont rencontrés pour la première fois, au début des années 1960, sur la plage estivale d'Hossegor, François avait 46 ans et Anne, 19. N'était leur amour commun pour la littérature, ils ne se ressemblaient guère.

L'encore jeune socialiste Mitterrand avait déjà une partie de sa carrière derrière lui (il avait été douze fois ministre, il était sénateur de la Nièvre); la très jeune, ravissante et bourgeoise Mlle Pingeot avait toute sa vie devant elle. Lui avait une femme, Danielle Gouze, épousée en 1944, et deux fils adolescents, Jean-Christophe et Gilbert. Lorsqu'elle ne vivait pas chez ses parents, Anne logeait, à Paris, dans un foyer de jeunes filles.

Dans la première lettre qu'il lui envoie, le 19 octobre 1962, depuis le palais du Luxembourg, François Mitterrand s'engage à lui trouver le volume sur Socrate dont ils avaient parlé, un soir, à Hossegor. Suivront plus de 1200 autres lettres, que l'on découvre aujourd'hui avec stupéfaction.

Cette Correspondance amoureuse, par sa longévité, son intensité, son exclusivité, sa clandestinité et surtout sa qualité littéraire, défie en effet la raison politique. Si elle confirme le talent singulier du Mitterrand écrivain, qui fut notre dernier président à vénérer la langue française, user du subjonctif passé, connaître le chromatisme des métaphores et pouvoir écrire, comme ici, de vibrants poèmes d'amour, elle corrige, en le réévaluant à la hausse, en lui ajoutant soudain un tremblé inédit, le portrait doré à l'or fin du monarque florentin, volage, infidèle et cynique.

Car oui, François Mitterrand a follement aimé, et jusqu'à son dernier soupir, Anne Pingeot, qui avait la grâce, la foi et le goût des beaux-arts. Elle fut sa passion fixe. Elle fut aussi son grand regret: quel gâchis, suggère-t-il au moment où la maladie l'emporte, d'avoir caché une si belle flamme pendant plus de trente ans et d'avoir condamné à l'ombre sa «femme-fille-fleur-fruit-beau soleil».

Mais quelle chance, aussi, de lui avoir épargné les rigueurs du protocole et le poids de la charge présidentielle, d'avoir empêché cette figure poétique de tomber dans la prose de l'exécutif : car si Anne ne fut pas la première dame, elle fut sans conteste son grand amour.

Un amour que, dès le début, François Mitterrand, lecteur de Barrès et de Drieu, inscrit avec lyrisme dans la durée. Même s'il est marié (il n'envisagera jamais de quitter sa femme), il n'imagine plus sa vie sans celle qui pourrait être sa fille et dont l'âge, à lui seul, est une promesse d'avenir, comme une revanche sur sa propre finitude. 15 novembre 1964:
"Je t'ai rencontrée et j'ai tout de suite deviné que j'allais partir pour un grand voyage. Là où je vais, je sais au moins que tu seras toujours. Je bénis ce visage, ma lumière. Il n'y aura plus jamais de nuit absolue pour moi. La solitude de la mort sera moins solitude. Anne, mon amour.» "

S'il lui écrit de si longues lettres, avec d'incomparables descriptions des paysages et des ciels d'une France dont Anne serait l'incarnation idéale, ce n'est pas seulement pour la séduire, pour la conquérir, c'est aussi pour tenir, en secret et en marge de l'histoire officielle, le journal de son grand destin (on a ici une nouvelle fois la preuve que cet homme avait beaucoup d'ambition et qu'il ne se détestait pas): à son «Anne chérie», sa «Nannon aimée», son «canard à l'orange amère», sa «Nannour», son «Animour», il raconte dans le détail ses tournées de député, les débats houleux à la Chambre, le propos des articles et des livres qu'il rédige, sa première candidature à la présidence de la République, les coups qu'il reçoit, ainsi que les innombrables parties de golf qui ponctuent, avec autant de trous, son long parcours politique – «Quel chemin à gravir !» (septembre 1965).

En lui écrivant, il s'écrit aussi à lui-même, et tout laisse à penser ici qu'il envisageait une publication posthume de cette Correspondance.

Mais, pour tenir dans le temps, cet amour clandestin connaît de nombreuses crises. Même si ce volume ne contient pas les lettres d'Anne Pingeot (quelques très rares apparaissent, à partir de 1981, où elle l'appelle «Mon univers Anchois Pommier», «Mon créateur de joie» ou «Mon très très cher amour»), on mesure, en lisant celles de François Mitterrand, que la jeune femme ne s'accommode pas d'être sans cesse dissimulée, demande à partager sa vie, ou alors de pouvoir jouir de sa pleine liberté, ce qu'il ne supporte guère, et qu'elle veut bientôt avoir un enfant de lui. Mazarine naquit le 18 décembre 1974, à Avignon, et ce fut le plus beau jour de sa vie.

A partir de cette date, et plus encore après son élection à la tête de l'Etat, les lettres de François Mitterrand sont moins nombreuses. C'est qu'ils ont désormais tous les trois, entre Gordes, Souzy-la-Briche et la rue de l'Université, une vraie vie de famille, fût-elle encore officieuse. Mais ni sa fonction élyséenne ni le calvaire de la maladie ne mettront fin, au contraire, à l'expression de son amour fou pour celle à qui, en juillet 1967, il écrivait: «T'aimer est en soi une oeuvre passionnante» et, en août 1969, à la manière du maître en théologie Abélard se brûlant pour sa jeune et pieuse élève Héloïse: «Notre amour me donne le sentiment de l'éternel.»

Cette Correspondance, qui se termine le 22 septembre 1995 par ces mots d'un homme au seuil de la mort: «Tu as été ma chance de vie. Comment ne pas t'aimer davantage?», Anne Pingeot la plus que discrète a donc fait le choix de la publier. C'est l'Institut Mitterrand, présidé par Hubert Védrine et au conseil d'administration duquel siège Mazarine Pingeot, qui lui a proposé de la rendre publique. Comme elle a eu raison d'accepter et d'y ajouter, en épigraphe, cette phrase de Montaigne: "Qui me demanderait la première partie en l'amour, je répondrais que c'est savoir prendre le temps; la seconde de même et encore la tierce: c'est un point qui peut tout.» "

Car ces lettres ne dessinent pas seulement le meilleur autoportrait de François Mitterrand, ce conservateur contrarié, elles composent aussi, en creux, le plus éclairant portrait de l'invisible Anne Pingeot.
Lien : https://bibliobs.nouvelobs.c..
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J'ai mis deux ans avant de lire ce livre. C'était un vrai repoussoir pour moi cette histoire d'adultère avec une personne publique. J'étais choquée à la pensée de ce que Madame Mitterand avait dû ressentir à la publication de ce livre (après, je me suis rendue compte qu'elle était décédée en 2011 et ça m'a soulagée).
Bref, un jour, à la bibliothèque municipale, sur un mouvement impulsif, j'ai sauté sur cet énorme volume, sans réfléchir.
Petit à petit, au fur et à mesure que j'avançais dans sa lecture mon avis a changé.
Naturellement, en premier lieu, le style classique de François Mitterand m'a amadouée, moi qui suis allergique aux auteurs qui écrivent comme ils parlent (je ne cite pas de noms mais si vous insistez, je balancerai avec plaisir !).
Puis, moi qui ne suis pas la politique particulièrement, j'ai été intéressée par la description de la vie d'une homme politique. Cette description est faite par petites touches, presque diaphanes mais souvent souvent nettes et cinglantes. Que la vie qu'a menée François Mitterand était fatiguante ! On voit bien aux en-têtes des lettres et aux dates qu'il passait rarement deux jours de suite dans la même ville. Il a véritablement silloné son territoire - sans compter les pays étrangers !
Ensuite, c'est un formidable portrait de l'auteur par lui-même et là, c'est poignant. Il se torturera jusqu'aux derniers moments d'avoir mal aimé Anne Pingeot, il voudra toujours l'aimer d'avantage et il souffrira de la faire souffrir.
Car en effet, même si ce n'est pas une correspondance dans la mesure où nous n'avons pas les réponses à ses lettres, un portrait "en creux" d'Anne Pingeot se dessine.
On lit entre les lignes sa souffrance de concubine cachée, de devoir toujours se plier à l'emploi du temps de François Mitterand (on s'aperçoit vite que c'est toujours lui qui décide, il ne fait jamais de proposition). Et puis, en tant que croyante, cet amour interdit a dû être un crève-coeur. Sans compter le contexte social de l'époque. On mesure le sacrifice qu'a signifié ce lien (relation, histoire ne me paraissent pas des mots adaptés).
J'ai vraiment eu de la peine hier soir en lisant les derniers mois de François Mitterand. Même si on sent le temps qui a passé, la nature même de son amour est resté le même jusqu'à son dernier souffle ... comme il l'avait écrit dans ses premières lettres.
Oui, c'était un grand amour, un amour passion et ce livre vaut vraiment la peine d'être lu.
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Plus de 600 lettres écrites par François Mitterand à l'amour de sa vie, donc à sa maîtresse Anne Pingeot.

Où l'on découvre un tout autre aspect de François Mitterand en étant, au début en tout cas, presque gêné par cette intrusion dans son intimité (intrusion néanmoins souhaitée par Anne Pingeot à l'origine de la publication des lettres, qu'elle voulait de son vivant afin d'éviter toute déformation).

Une fois la gêne passée cela devient rapidement passionnant, en particulier quand il évoque son évolution et ses contacts avec d'autres plus ou moins grands de ce monde. Mais pas seulement…

Les lettres d'amour sont aussi magnifiques qu'enflammées ; l'évolution de sa relation avec Anne Pingeot est très intéressante ; leur choix après de longues hésitations d'avoir un enfant (Mazarine) superbement évoqué. Et ses dernières lettres, quand l'heure de la déchéance physique puis de la mort a sonné, sont absolument bouleversantes!

À lire donc. Vraiment! Non seulement pour l'Histoire, mais également pour de nombreux autre aspects bien plus subtils qu'on ne pourrait le croire avant la lecture.
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