Nous ne confondions pas les coups avec le battement de nos cœurs, on n'était pas idiots, mais les coups accéléreraient le battement, ils faisaient battre le coeur plus fort : les coups, riches et variés comme ils étaient nous faisaient cet effet. Chaque jour, chaque soir et à toute heure (ou presque), on se laissait entraîner par ceux qui faisaient taper, cingler, tonner les coups et qui, non sans raison, pouvaient être nommés causeurs-cogneurs, phraseurs-frappeurs et hâbleurs-castagneurs.
On se plaisait à ces coups, qui taillaient dans nos vies. Nos n'aurions pas su dire comment, mais nos vies se trouvaient modifiées, aiguisées, bonifiées par les coups. Nous (ce que les faisaient de nous) nous en trouvions mieux, plus contents et plus nerveux. Les coups nous apportaient une consolation et une remotivation : on reprenait des forces rien qu'à l'écoute des coups.
Tout le monde disait le rap mais pour nous c'était les coups. Avec Gilles on disait le rap, pourtant on pensait les coups. On écoutait du rap mais on entendait les coups. Nous on n'entendait que les coups les coups les coups.