J'avais lu avec plaisir le précédent ouvrage de Ph. Morin, un recueil de nouvelles consacré à Indochine intitulé "
Vos Célébrations", paru à l'occasion des 40 ans du groupe. Comme l'auteur l'a indiqué dans un podcast, le sujet ici est tout autre et n'a absolument rien à voir avec la formation rock née au début des 80's.
Le format aussi, d'abord. "
Désordre établi" est une novella. le texte s'ouvre sur une citation des "Garçons sauvages" de Burroughs plaçant immédiatement le lecteur dans le ton.
Sur un peu plus de 80 pages, c'est en effet un déferlement de violence qui va s'abattre sur une enclave paisible et opulente rappelant les prospères micro-États du Lichtenstein, de San Marin et surtout de Monaco (l'action se déroule au bord de la mer dans le sud de la France mais l'État n'est pas nommé).
Par l'entremise des réseaux sociaux où circulent d'étranges appels au raid entrecoupés de consignes strictes, des meutes de jeunes des quartiers sensibles alentours se coordonnent et déferlent au même moment sur les quelques kilomètres carrés de ce territoire favorisé.
Face à une telle submersion, les maigres effectifs de police sont quasi instantanément débordés. Problème supplémentaire : le puissant voisin français se retrouve dans l'impossibilité d'envoyer des secours, les émeutiers ayant pris soin de bloquer tous les accès routiers, occasionnant une pagaille monstre se répercutant dans l'ensemble de la région. Tout a décidément été bien préparé, mais par qui ?
Ph. Morin ne donne pas de réponse car l'essentiel est ailleurs : dans la critique de notre société contemporaine où cohabitent les ultra riches et les autres, qui n'étaient séparés jusqu'alors (on s'en rend compte avec effroi grâce à ce livre) que par un sentiment de sécurité se révélant au final purement fictif.
Les assaillants peuvent désormais assouvir leurs envies de luxe et de vie facile attisées par la téléréalité et les mirages véhiculés par les réseaux sociaux. Leur revanche, extrêmement brutale, sera proportionnelle à leur frustration, emmagasinée pendant plusieurs générations.
En voisins,
J.G. Ballard et
Pierre Bourgeade observent tout ça depuis "
Super-Cannes" et "
Ramatuelle", sans doute horrifiés de constater que leurs pires prédictions sont dépassées.