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4,32

sur 1117 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Emerveillement - exaspération - Emerveillement
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Très dur de parler d'un roman qui nous a fait passer par plusieurs états opposés.
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On part sur un roman noir (ne surtout pas s'attendre à un roman policier) : la femme de Wahhch Debch s'est faite tuer d'une façon aussi atroce qu'originale, laissant penser que, décidément, l'Homme soi-disant civilisé n'est rien de plus qu'un animal sauvage… Mais en réalité, l'Homme n'est-il pas plus sauvage que l'animal ? La noirceur de son âme se révèlera en effet plus barbare que celle de nos amis les bêtes. C'est le constat que nous ferons dès que Wahhch se lancera à la poursuite du meurtrier, grâce au mode de narration choisi par l'auteur qui fait toute l'originalité du récit. Car sa quête nous sera contée par…? Les animaux qui observent chaque scène ! En tentant de reconstituer les personnalités et actions des personnages pour avoir le fin mot de cette histoire, nous ne pourrons que comparer leur innocence et leur relative bienveillance envers l'humain, face à la violence gratuite que nous infligeons à notre propre espèce - et aux autres.
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Bien sûr, nous introduire dans les pensées supposées et imaginaires d'animaux bienveillants demeure un parti pris anthropomorphiste de l'auteur. C'est néanmoins assez réussi, à la fois apaisant et ludique : les chapitres portent le nom latin de l'animal qui raconte ; le narrateur animal change tout au long du livre selon quelle espèce assiste à chaque scène, allant de l'abeille au loup en passant par la chauve-souris, le chat, le corbeau, la fourmi, le cafard, ou même le singe etc… On peut s'amuser à deviner quelle espèce raconte rien qu'aux tics de langage ou aux indices d'attitudes ou de mouvements que l'auteur nous glisse dans son verbiage. J'ai par exemple souri au poisson qui oublie ce qu'il vient de vivre trois secondes plus tôt, au canari qui ne cesse de chanter, au corbeau qui lorgne sur le cadavre lors de l'enterrement etc… J'ai également adoré la pédagogie de chaque animal nous contant des scènes humaines avec, somme toute, une grande bienveillance alors même qu'il ne saisit pas tout. J'ai même eu un coup de foudre pour le passage avec les chauves-souris dans la grotte, tout à fait incroyable.
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L'auteur met une belle sensibilité dans ces récits. Ces moments, que j'ai failli qualifier de bourrés d'humanité alors que le compliment serait peut-être plutôt de les dire bourrés d'animalité, vont délicatement parvenir à faire passer au second plan les horreurs qui sont commises par les hommes ou, du moins, à les atténuer par la perception de chaque animal qui ne va pas focaliser sur l'horreur mais décrire tout ce qui l'entoure et constitue chaque scène. C'est à la fois un point positif, parce que ça rend ce roman lisible même aux plus sensibles ; Mais en même temps, c'est peut-être à cause de cela que le roman ne m'a pas toujours passionnée. L'action est lente, atténuée, comme ouatée par le prisme de chaque animal et la fragmentation du récit, qui font qu'on n'est jamais pris dans la tension d'une seule personne qui subit tout et nous ferait tout ressentir : à chaque chapitre on repart où l'animal précédent s'était arrêté, avec un nouveau narrateur frais et dispo qui ne subira pas toute l'horreur, mais un bout seulement, et n'est que l'intermédiaire des sensations du personnage, dont il nous protège en faisant écran. Je trouve que ça épargne le lecteur, mais est-ce que ça ne l'épargne pas un peu trop ?
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Le personnage principal n'est pas désagréable, et son humanité nous paraît d'autant plus palpable qu'elle est décrite à chaque scène sous la perception d'un animal différent. Certains d'entre eux sentent parfaitement l'animal blessé en lui, ce qui peut laisser le doute planer habilement quant à son innocence ou non concernant les faits survenus. Mais il ne transperce pas totalement la vitrine derrière laquelle le place la narration, même si nous avons opportunément parfois son propre ressenti lors des dialogues rapportés, et que nous apprenons à l'apprécier à travers les bêtes qui nous le décrivent plus ou moins tendrement. Alors, quand il retrouve le meurtrier et que l'histoire continue quand même, j'ai ressenti une vraie grande lassitude et l'envie de fermer le livre. Vous savez, comme la lecture de Chaos me l'avait fait. Je me suis dit : On sait qui a tué, on sait ce qu'il est devenu, on ne sait pas pourquoi il a choisi cette victime mais visiblement on ne le saura pas et Wahhch a ce qu'il voulait… Alors vers quoi et où repart-on ? Et j'avoue, dans ce moment de décrochage découragé, j'ai lu en diagonale les passages sur les reconstitutions de guerre, qui prouvent encore une fois la folie des hommes, puis cette histoire d'exposition de photo miraculeuse. J'ai vraiment cru en avoir fini avec le plaisir de lecture et cette histoire. J'avais la sensation que l'auteur voulait raconter trop d'histoires en une, traiter trop de sujets (même s'ils sont tous absolument liés), y rajouter trop de symboles. Overdose ?
Pour ne rien arranger, détail mais qui peut avoir son importance : une partie de l'intrigue se déroulant au Canada, les personnages parlent aussi bien anglais que français dans les dialogues. Certes, c'est de l'anglais basique, mais il y en a pas mal alors si vous n'y pipez mot, ce qui n'était heureusement pas mon cas, ça risque de devenir plus ennuyeux.
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Et puis d'un coup voilà, la fin est de nouveau très bien racontée par le chien, intense mais douce, émouvante, très symbolique. Et je recolle à l'ensemble, les morceaux bougent et se réassemblent pour former un tout plus harmonieux que prévu. Les révélations finales font exploser la bulle dans laquelle nous avait confortablement placés l'auteur et nous achève en nous plongeant dans l'horreur la plus totale. Ames sensibles, vous êtes prévenues.
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Bref, malgré des coups de mou dans cette lecture, et des péripéties finales qui m'ont parues plutôt hasardeuses sur le moment, je le note relativement bien car, finalement, j'en garde un bon souvenir même si ce n'est pas le coup de coeur que j'attendais à la lecture de mon amie Brooklyn. Il me laisse dans le coeur une infinie tendresse bienfaisante. Merci pour cette jolie découverte que je n'aurais pas faite sans toi, l'histoire d'une quête qui en cache finalement une autre, moins évidente, plus profondément enfouie, mais tout aussi salutaire !
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« Je suis né d'un massacre il y a longtemps, ma famille a été saignée contre le mur de notre jardin (Les 16,17 et 18 septembre 1982, après l'assassinat du président Bachir Gemayel, les miliciens chrétiens, appartenant aux Forces libanaises, sont entrés dans les camps palestiniens de Sabra et Chatila et ont commis des atrocités) et aujourd'hui, des années plus tard, à des milliers de kilomètres de là, la mécanique du sang semble s'être remise en marche. Je revis un à un les meurtres qui m'ont vu naitre. C'est comme un macabre jeu de piste qui se joue sur la terre d'Amérique où d'autres que moi, Indiens, colons, nordistes ou sudistes, ont traversé les mêmes carnages ».

Ce terrible jeu de piste commence par le meurtre de la femme de Wahhch. Eventrée, et violée dans la plaie. Quand Wahhch rentre chez lui et découvre l'ignominie, il s'effondre. Puis il s'en va, sur la piste de l'horrible auteur de ce fait.
Et c'est là que la narration nous entraine dans les yeux des animaux que Wahhch croise au fil de son périple qui l'emmène bien loin de chez lui, jusque dans les réserves indiennes du Canada.
Originalité, sensibilité, poésie, finesse du propos, profondeur des sentiments, terrible dichotomie de l'individu et de l'universel où la cruauté côtoie le désir d'aimer : voilà ce qu'est ce roman extraordinaire, « Anima ».

Si j'ai mis 4 étoiles, c'est parce que j'ai eu quelquefois des difficultés à continuer à lire, tellement c'est dur. Etre immergée des jours dans ces bas-fonds de l'humanité, même si des gens bienveillants brillent par moments, c'est difficile.

Mais je le répète, « Anima », c'est atypique et exceptionnel.
« Ce n'est pas fini parce que ça continue à hurler et ça semble m'appeler de plus en plus, ça semble me nommer par mon propre nom ».
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Je suis toujours touchée quand je sens à la lecture d'un roman que l'auteur y a mis toute sa tripe, qu'il a été au bout de sa plume pour dire au mieux tout ce qu'il avait à dire, bref quand se ressentent l'authenticité et la densité de l'intention, quitte à y perdre un peu en unité ou à surinvestir le propos.
C'est un peu l'effet que m'a fait "Anima", dont la bestialité surexposée éclaire l'intensité avec laquelle l'auteur a porté cette histoire en lui, montrant à quel point il lui était important de la dérouler, quitte à multiplier les vecteurs narratifs en partant du polar, en le troublant rapidement d'éclairs animistes, s'orienter vers le thriller pour bifurquer au final sur un drame psychologique trempé dans une douloureuse page d'histoire.
Même si l'effet de répétition finit par être un peu lourd, j'ai adoré les pas de côté apportés par la vision tour à tour du chat, du poisson rouge, de la fourmi, du papillon, du rapace en miroir de la bestialité dénaturée des hommes. La lente renaissance à soi du héros et la profondeur du travail psychanalytique fait sur lui-même, à la faveur d'un événement d'une rare violence, pour se reconnecter à son histoire personnelle, est par ailleurs extrêmement troublante.
Il n'est peut-être pas parfait mais ce roman multiculturel, "multi-espèces" et multigenre a quelque chose de fascinant, il laisse sa trace et touche son lecteur de la manière la plus... animale.
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un livre fort, violent et dérangeant. raconté par plusieurs animaux, un.par chapitre, ou presque car la narration du chien reste majoritaire, on suit le parcours d un homme dévasté par le meurtre horrible de sa femme et de l enfant qu elle portait, et de la brèche qui s ouvre alors sur son passé. Road movie infernal, recherche effrénée d une identité perdue, entre le Canada, les États-Unis et le Liban, ce livre est un voyage halluciné, animal (!) parfois cru et très violent, de vengeance, d amour, de guerre, de massacre et de rédemption. malgré qq faiblesses parfois, à mon avis bien sûr, l auteur nous prend aux tripes jusqu au terme de cette quête hors norme. une fois terminé (500 pages en poche) il subsiste un sentiment étrange. Un livre à découvrir, trop sensibles s abstenir.
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Ça commence avec une scène de meurtre épouvantable comme on peut en trouver dans les romans policiers de Pierre Lemaître ou de Camilla Grebe. Mais on est dans un style un peu plus littéraire pour ne pas dire érudit; une construction même un peu trop sophistiquée à mon goût (je pense à la façon que l'auteur a de nous montrer les scènes du point de vue d'une animal qui change avec les chapitres et dont le nom nous est donné en latin). Bref, je me suis laissé happer par la lecture, propulser dans la suite des événements pour le moins hors de l'ordinaire. Il s'agit d'un roman policier mais le lecteur apprend très vite qui est l'auteur des crimes (oui, il y en a plus qu'un). Et on suit l'enquête du héros au nom imprononçable de Wahhch qui cherche à rencontrer l'assassin alors qu'e ce dernier, bien qu'il soit un dangereux pervers, semble protégé tant par la police que par sa communauté. Cette quête improbable, tant elle semble dangereuse a priori, amène Wahhch de Montréal à la réserve de Kanawake puis à passer les « lignes » pour traverser les États-Unis et finir au Nouveau Mexique. Je me suis sentie, à plusieurs reprises, proche de l'univers de Louise Erdrich; mais notre héros est d'origine libanaise et ce détail a une grande importance: on comprend au cours de son long périple du nord vers le sud que cette quête désespérée de Wahhch pour comprendre le meurtre de sa bien-aimée se double d'une quête de sa propre identité, ce qui amènera un dernier meurtre… C'est impossible à résumer tant il se passe de choses et tant les destins s'entrecroisent. C'est complexe et j'ai eu parfois l'impression que l'auteur voulait traiter trop de choses à la fois, trop de symboles, trop de caractères et de situations extrêmes. Certes l'effet émotionnel est au rendez-vous mais on ne sait finalement plus quel est le thème principal du roman… J'y ai trouvé des passages envoûtants mais je suis restée souvent en retrait, en train d'évaluer si telle situation était vraisemblable ou encore si telle autre était nécessaire au récit. C'est pourquoi il m'en reste une impression d'une oeuvre non aboutie qui m'a amenée à ne pas accorder plus de trois étoiles et demie.
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Pfiou ! Quelle lecture ! J'ai été très vite embarquée, séduite par l'idée de confier la narration à des animaux. L'inconvénient, c'est que c'est un peu long car on ne voit pas très bien ce que cherche le héros ni où il nous emmène. L'intérêt s'émousse jusqu'à la confrontation avec le tueur. Et là, j'avoue que j'ai failli refermer le roman définitivement. Je n'ai pas aimé ce passage, je n'ai pas compris. J'ai quand même persévéré et je ne le regrette pas. La deuxième partie du roman m'a vraiment intéressée même si elle n'a pas tout éclairé. L'auteur m'a donné envie d'en lire plus sur Sabra et Chatila. J'ai un peu honte, c'est la première fois que j'en entends parler. Au programme des prochaines réjouissances "Valse avec Bachir" et "Le quatrième mur". Après cela, j'aurai certainement besoin d'une lecture bisounours.
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« Ils ont parlé de force, de sauvagerie, de puissance et de bestialité ancienne ».

Je trouve que cette phrase résume assez bien l'esprit de cette oeuvre originale et personnelle de l'auteur.
Cela commence par un meurtre mais ce n'est un polar car on sait dès les premières pages qui est le meurtrier.
C'est pourtant bien une enquête ou plutôt une quête de soi-même, thème cher à l'auteur. Cette recherche de sa propre identité s'accompagne à chaque fois de beaucoup de sacrifices personnels et de sang versé.

Cette aide va venir des animaux mais la violence s'écrit aussi dans la nature. Car les bêtes sucent gobent broient mordent arrachent tuent pour leur propre survie. Vie et mort sont entremêlent.
Car si Anima, en latin veut dire l'âme, le dérivé animalis, est ce qui prend vie.

C'est comme une sorte de road trip transformé en tour de Babel. Car après le latin, le français viennent l'anglais et l'arabe parfois pour des insultes d'autres fois pour des poèmes. Là aussi violence et douceur se croisent.

Très belle oeuvre, dense et sombre, je lisais comme en apnée. Car la violence reste la violence qu'on la raconte ou non en propos poétiques.
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Le roman, Anima, s'ouvre sur un crime atroce. Cela aurait pu être un roman policier. Qui peut être capable d'une telle sauvagerie? On découvre dans les premières pages l'identité du meurtrier. Cela aurait pu être le roman noir de la traque du mari, traque dans les forêts canadiennes, les grands espace de l'Ouest américain, Illinois, Missouri, Nouveau Mexique....road movie...
C'est un roman choral. Les voix des témoins, les animaux, nommés par leur nom latin, animaux sauvages, moufette ou corbeau, animaux domestiques, chien, chats mais aussi, abeille araignée ou luciole, s'entremêlent et racontent la traque. L'intervention des animaux m'a interpellée. J'ai d'abord vu un regard diffracté, un peu comme l'oeil à facettes des insectes, une manière de faire intervenir des odeurs, l'odeur de la peur colorée pour le chien, les signaux de détresse perceptibles par les animaux, auxquels nous sommes insensibles/



Puis, j'ai pensé que ces animaux répondaient à la forêt canadienne, à la culture des Mohawks.

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Cette explication ne tient pas longtemps, la plupart des animaux qui interviennent sont des animaux domestiques (si une araignée ou une abeille peut être considérée comme domestique....)

Enfin, cherchant une explication au titre Anima, l'âme, en contrepoint, j'y ai trouvé la présence des animaux, dont nous nions la possession d'une âme (sauf les Indiens justement). le corbeau qui dévore les entrailles et les embryons d'un rongeur écrasé sur la route, la mouffette qui protège l'homme en projetant ses sécrétions puantes, sont-ils moins doués d'une âmes que les humains qu'on rencontre dans le roman? le loup, qui choisit de deviner chien de l'homme qu'il a sauvé, est-il l'âme d'autres "loups pour l'homme" bien bipèdes et capable de parole?

Anima est un roman borderline, entre humanité et animalité, entre crimes monstrueux et solidarité, traversant les frontières géographiques comme celles des civilisations ou des religions, des exils indicibles. Fraternité inattendue des nations autochtones et des Palestiniens de Sabra et Chatila. Il traverse aussi les langages, passant du français canadien, qu'on a envie de lire avec l'accent québécois, à l'anglais et à l'arabe libanais.


Le meurtre a réveillé le souvenir d'autres meurtres, d'autres massacres, et par delà la poursuite s'ensuit une quête de la mémoire de l'exilé. Il n'est pas possible de résumer en quelques lignes ce roman complexe : il faut le lire.
Lien : http://miriampanigel.blog.le..
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Livre sombre, très sombre, dans lequel perlent quelques éclairs d'humanité. Ou plutôt d'inhumanité, puisqu'on frôle la misanthropie parfaite.
Le parti pris de choisir des animaux de tous types, de toutes espèces n'est à mon sens pas extraordinairement réussi, on ne peut pas ne pas anthropocentrer leurs propos, mais bon, disons que ça passe. Ce qui est clair, c'est que certains de ces points de vue touchent profondément au coeur, l'expression d'une tendresse certaine envers l'humain souffrant, l'humain sincèrement souffrant, et amical...
Au-delà de la bestialité qui peut paraître à la fois cruelle, à la fois naturelle, nécessaire, magnifique et horrible.
L'humain a-t-il vraiment le choix de ne pas être un tueur. Un tueur de sa propre espèce...
On à ici un livre qui est à la fois un thriller, un polar, un livre presque d'éthologie et d'anthropologie, sociale, culturelle et naturelle.
L'auteur étant d'origine et de langue diverses, le livre est traversé ces langages, une strate en plus.
Une strate en plus à ce travail qui sans être parfait, est une bonne ébauche à des réflexions tout aussi multiples que majeures.
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Je suis encore sous le coup de ce roman puissant et brutal et m'en viens donc donner mon tout petit avis sur la chose. Oui, je sais, je ne serai que le ...(ah oui quand même) 169ème à donner mon point de vue, mais que voulez-vous, j en ai besoin!

Wahhch Debch en rentrant chez lui trouve sa femme monstrueusement assassinée et la sideration  est telle que son âme le déserte, comme échappée de son crâne fêlé par la vision de cette violence inexplicable. Désormais corps inhabité, in-animé, il décidera de se confronter au meurtrier de sa femme dans une longue course à travers l'Amérique du Nord. Aux innombrables animaux et insectes croisés le long de son périple de prendre en charge le récit de son périple et de sa quête qui le mèneront plus loin que prévu, jusqu à ses origines enfouies. Accompagné d'un animal-totem transmigré et d'une paumée presque-soeur, peut-être arrivera-t-il à retrouver son souffle, et son âme.

Force et brutalité sont les deux premiers mots qui me viennent à l'esprit, et cette brutalité qui m'a malmené tout au long de la lecture est sans doute ce qu'il y a de plus admirable dans ce roman, cette absence de tranquillité et de confort, cette parole donnée aux animaux tout en instincts, fondamentaux plus que primaires, un état de nature dépourvu de toute cruauté. Non, la cruauté, la violence sont l'apanage des hommes, jusqu'à quelques moments insoutenables mais vitaux à entendre.
Tout néanmoins n'est pas peint d'un noir d'encre et Wahhch trouvera sur son chemin quelques personnages sensibles; eux aussi instinctivement; à sa quête. Les animaux monologuent tour à tour, loin d'un anthropomorphisme malvenu mais en tirant le récit vers le conte métaphysique, entités oscillant entre fascination, indifférence et répulsion face au destin de Wahhch. La poésie du style entrechoque une trivialite organique avec l'empathie la plus douce, l'agressivité avec une mélancolie infinie.

Ainsi, nous ne connaîtrons jamais réellement les pensees de cet homme perçu uniquement à travers ces yeux animaux, mais notre manque face à cette absence d'intériorité le rapproche d'un mystère profond venu du fond des âges, d'une bête incompréhensible et pourtant d' une proximité troublante. Un homme comme un animal parmi d'autres.

Au milieu du roman, une cassure. La quête désordonnée change de but, Wahhch reprend peu à peu les rênes de son errance jusqu'à découvrir ce que nous préssentions, le hiatus de son origine. La révélation, le fondement, le vrai coeur décentré de ce roman nous envoie, à notre corps défendant, jusqu'aux portes de l'enfer. Je crois avoir rarement lu des pages comme celles-ci, qui vous demandent de poser le livre et de chercher votre souffle, de vous remettre du choc. J'en aurais voulu à beaucoup d'auteurs et pourtant ici, tout est juste, percutant, necessaire.

Et alors, au moment où l'homme sait enfin d'où il vient et reprend douloureusement possession de son histoire, le temps est venu de retrouver son anima et de reprendre la route, en quittant la nuit.
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