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EAN : 9782081375864
286 pages
Flammarion (13/01/2016)
3.6/5   10 notes
Résumé :
29 juin 2014, à la grande mosquée de Mossoul, Abou Bakr al-Baghdadi proclame le califat. L'homme qui se prétend descendant du Prophète est encore inconnu du grand public. Il est pourtant le chef d'une organisation djihadiste qui fédère des milliers de partisans dans une région plongée dans le chaos depuis plusieurs décennies. Al-Baghdadi promet aux fidèles la domination universelle s'ils pratiquent le djihad et respectent la charia. Désormais, tous les émirats et Et... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Voilà un petit livre d'histoire et d'actualité, publié en 2016 par un spécialiste français chercheur au CNRS, bien utile à lire pour resituer les informations quasi quotidiennes du journal de 20H sur Daech, l'état islamique, al QaÏda et le parcours de jeunes de notre pays, et d'ailleurs, qui jugent bon d'aller faire la guerre en Syrie, faire des enfants à des hommes inconnus ou se faire tuer en répandant la mort autour d'eux.

Il ne s'agit pas de comprendre les motivations individuelles des radicalisations mais de replacer dans une histoire de longue durée et de comprendre la signification dans l'univers historique, politique et religieux de l'islam du Califat. En 270 pages sont traités, forcément rapidement, les systèmes politiques de l'Orient depuis l'Antiquité, et surtout depuis Muhammad, la création et l'évolution du concept et de la pratique du Califat depuis les premiers compagnons, les Omeyyades, les Abbassides, les Ottomans et les pouvoirs locaux dans les zones périphériques.

Les mouvements djihadistes contemporains sont traités uniquement dans le dernier chapitre. Leur filiation intellectuelle et matérielle avec le Wahabisme est retracée mais aussi l'importance du mouvement des Frères musulmans, de l'invasion de l'Afghanistan par les Russes, de l'Irak par les Américains en 2003 et des révolutions de 2011-2012.
Si je résume très rapidement ce que j'ai pu en comprendre, le concept politico-religieux de califat a évolué au cours du temps et a pu être assez différent selon les époques, les penseurs et les contextes politiques, tant sur l'ampleur de son pouvoir terrestre et spirituel que sur les qualités qu'il doit avoir ou sur la manière dont il est désigné mais il correspond toujours à l'idée d'une figure de l'unité de la communauté des Musulmans sous l'autorité d'un calife, sorte d'imam suprême de tous les musulmans. Pour cela, ce titre a été revendiqué a bien des reprises par les leaders du monde arabo-musulman.

La narration de 2000 ans d'histoire sur 270 pages est forcément rapide. Elle montre bien malgré tout comment le concept est réinventé en fonction des contextes historiques et des enjeux bassement politiques, même et surtout lorsque les défenseurs du califat affirment vouloir revenir à la pureté originelle supposée des premiers califes "bien dirigés" selon l'expression consacrée. Al-baghadi inscrit une nouvelle page dans cette histoire de longue durée en proclamant le califat dans l'espace syro-irakien que ces troupes occupent ; créant un espace de rupture symbolique et physique avec l'environnement extérieur impie pour tous les musulmans prêt à le rejoindre. le processus suit un plan en trois étapes : la démoralisation et l'épuisement par le harcèlement continu de l'ennemi avec des attaques et des attentats spectaculaires ; la deuxième étape est "l'administration de la sauvagerie" sur les territoires en pleins chaos mêlant violence extrême (tout est permis pour servir la cause) , bonne gestion des régions soumises et propagande. La troisième étape est la proclamation du Califat, proclamation faite par al Baghdadi en 2014.

L'auteur pronostique l'échec de l'entreprise, espérons qu'il ait raison et cela à court terme.
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Avouons nous y être perdu. L'histoire de l'islam, pour un occidental, semble une longue succession de conflits internes, de luttes d'influence, de discussions en légitimité et de guerres. L'islam, affirme ce livre, cherche à retrouver le temps mythique des califes bien guidés, les quatre premiers, chefs religieux et politiques qui auraient été des exemples à suivre. Bien sûr, il s'agit d'une légende, mais on s'accroche aux légendes et dès lors les califes ont déçu, au point de devenir de simples pions sans pouvoir puis de disparaître totalement lors de la chute de l'Empire Ottoman. Ceux qui renaissent aujourd'hui des cendres d'un monde musulman en crise, en croyant faire renaître un paradis perdu, bâtissent un enfer. L'histoire tue les légendes et les légendes tuent les hommes.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
L’Empire ottoman sort de la Grande Guerre diminué et humilié. L’immense majorité de ses territoires est sous occupation. Cette nouvelle réalité est entérinée par le traité de Sèvres, qui n’octroie à Mehmed VI (r. 1918-1922) qu’une partie de l’Anatolie tout en prévoyant l’autonomie des Kurdes. Le sultan-calife accepte le fait accompli pour sauver son trône. Confiné dans son plais d’Istanbul, il encourage mollement le mouvement de résistance qui fait son apparition au cœur de l’Anatolie. Plusieurs groupes de différentes tendances combattent pour obtenir l’indépendance et l’intégrité territoriale de ce qu’ils appellent la « Turquie », une entité-identité en germe depuis plusieurs décennies. Après plusieurs mois d’efforts, l’énergique général Mustafa Kemal (le futur Atatürk) parvient à fédérer un grand nombre de personnalités et de groupes autour de son projet de libération nationale.

Tout en critiquant le comportement de la monarchie ottomane durant et après la guerre, Mustafa Kemal ne remet pas en cause l’institution dans un premier temps. Il essaie même de se servir d’elle pour obtenir le soutien des musulmans du monde. Autrement dit, il veut réactiver le panislamisme, dans l’espoir de faire pression sur les Occidentaux. A cet effet, il fonde, dès l’automne 1919, une société secrète appelée al-Muvahhidîn (les Monothéistes), dont l’objet est de créer une fédération d’États islamiques sous l’égide du califat. L’entreprise est un échec. Méfiant, Mehmed VI refuse de la patronner. Cette attitude est interprétée comme un rejet de la résistance. Le « sultan-calife des Anglais » est désormais considéré comme un traître par le général et une partie non négligeable de ses hommes. (pp. 189-190)
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On lit dans la plupart des écrits consacrés aux Ottomans l’affirmation suivante : les monarques de cette dynastie ont hérité le califat directement des Abbassides. L’histoire est toujours la même. Salîm Ier s’empare du sultanat mamelouk. Arrivé au Caire en 1517, il met la main sur le calife abbasside al-Mutawakkil et l’envoie en résidence surveillée à Istanbul. Une fois sur place, ce dernier abdique en sa faveur lors d’une cérémonie officielle. Ainsi, le souverain ottoman et ses descendants deviennent les califes légitimes de l’islam.

Ce récit est très séduisant, dans la mesure où il permet d’expliquer simplement les revendications des maîtres d’Istanbul. Or il pose énormément de problèmes. Premièrement, il est très tardif. Il n’existe aucune trace écrite de cet événement avant 1788. Deuxièmement, le califat abbasside n’a pas été aboli par le sultan ottoman. Après le départ d’al-Mutawakkil, celui-ci a été remplacé par son père al-Mustamsik (r. 1498-1506 et 1517-1521). De retour au Caire en 1521, le calife exilé reprend son titre jusqu’à sa mort, en 1541. Troisièmement, Salîm Ier n’a jamais réclamé le califat de son vivant. D’ailleurs, les deux principaux titres qu’il adopte après la conquête des territoires mamelouks sont le Serviteur des deux lieux saints (khâdim al-haramayn) et le Soutenu de Dieu (al-Mu’ayyad min ‘ind Allâh). Toute porte donc à croire que ce récit a été inventé de toutes pièces par les autorités ottomanes et leurs thuriféraires pour donner une profondeur historique au titre califat qu’ils ont officiellement pris en 1774.

Les monarques ottomans se considèrent dès le XVIe siècle comme les plus grands souverains de l’univers, ainsi que le montre le système de légitimation mis en place. Par exemple, Soliman le Magnifique (r. 1520-1566) se voit comme le représentant de Dieu infaillible auquel tous les potentats de la terre doivent se soumettre. Il se fait appeler, entre autres, césar, sultan des sultans, imâm, calife, maître des sept planètes (sâhib al-qirân), mahdî, grand roi (pâdishâh) et souverain (khân). Le plus célèbre des Ottomans croyait sans doute que le califat était trop étroit pour contenir toute sa soif de grandeur. Sans être à sa hauteur, ses successeurs immédiats reprennent en partie son système. Certains d’entre eux utilisent la rhétorique califale dans le but de gagner de nouveaux territoires. C’est le cas de Murâd III (r. 1574-1595), qui essaie de persuader les sultans du Maroc de lui prêter serment d’allégeance en tant que chef incontesté de la communauté. Chose qu’il n’a obtenue qu’entre 1576 et 1578. (pp. 168-169)
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Malgré la popularité des idées ‘al-Bannâ’ et de Qutb et leur adoption par un certain nombre de groupes radicaux dans les années 1960 et 1970, notamment en Egypte et en Syrie, elles souffrent d’un problème structurel : leurs auteurs ne sont pas des oulémas dépositaires d’une tradition séculaire, mais de simples intellectuels et militants islamistes, une catégorie qui n’a pas encore trouvé sa place dans le champ politico-religieux musulman. Plusieurs groups djihadistes (Shabâb Muhammad, al-Jihâd, al-Takfîr wa al-Hijra) essaient durant les années 1960 et 1970 de remédier à ce problème en utilisant à souhait des références classiques, particulièrement les écrits d’Ibn Taymiyya et de son disciple Ibn Qayyim al-Jawziyya. En vain.

L’invasion soviétique de l’Afghanistan en 1979 va enfin permettre au djihadisme de se doter d’une doctrine théologique et juridique bien établie : le wahabbisme. Grâce aux pétrodollars de l’Arabie Saoudite, cette tradition a pu s’imposer dans le champ islamique comme une nouvelle orthodoxie. (pp. 248-249)
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