Recension du 5 mai 2021.
Bayard jeunesse a eu la bonne idée de rééditer ce roman en vente depuis le 5 mai 2021 dans cette version revue et augmentée. Et comme pour chaque réédition de ses livres, l'autrice avait demandé à relire son texte. Non seulement elle l'a relu, mais elle a voulu savoir comment un jeune d'aujourd'hui pouvait recevoir ce texte. C'est sa fille Constance, 26 ans, qui lui a servi de panel de consommateur et de public test. Celle-ci lui a fait deux remarques : « où sont les femmes ? » ; « il y a des mots qu'un jeune d'aujourd'hui ne connaît pas ».
C'est ainsi qu'il a été décidé d'ajouter au texte initial un chapitre qui mettrait des femmes en scène et un court glossaire. C'est la rencontre entre Jésus et les deux soeurs de Lazare, Marthe et Marie qui a été choisie par Constance. Et Marie-Aude a dit à sa fille : « Écris-le, toi ! ». Il y a donc quatre pages supplémentaires de ce que l'autrice invitée a appelé elle-même un morceau de fanfiction biblique.
La commande initiale que Bayard avait adressée à
Marie-Aude Murail était de raconter l'histoire de Jésus à des jeunes qui n'en avaient jamais entendu parler. de rendre le texte des évangiles accessible à des 8-12 ans. Après avoir écrit une première version de son texte à la troisième personne, qui ne la satisfaisait pas, Marie-Aude a décidé de tout réécrire en adoptant le point de vue d'un disciple, Pierre en l'occurrence, qui est le narrateur. Pierre n'est pas présent partout dans les évangiles, il n'a qu'une vue partielle des événements. Cela permettait à l'autrice d'alléger le récit des évangiles et de donner plus de netteté à la narration qui est construite comme une analepse (ou flashback si on préfère l'anglais) : tout commence par la fin, le tombeau trouvé vide par des femmes et l'interrogation de Pierre et Jean qui vont vouloir vérifier immédiatement leurs dires. C'est ainsi que le premier chapitre est intitulé Disparu ! et le dernier Vivant. D'une émotion à l'autre.
Le choix de Pierre comme témoin direct, contemporain, fait que les évangiles de l'enfance, notamment, sont absents de son récit.
Marie-Aude Murail avait cependant écrit quelques années auparavant l'histoire de Noël, parue dans J'aime Lire en décembre 1988 (n° 143) et rééditée par Bayard sous le titre L'or des mages, illustrée par Boiry.
Pour le lecteur ou la lectrice familière des évangiles,
Jésus comme un roman fourmille de références aux textes originaux. Mais pour qui ne sait rien de cette histoire, elle se lit… comme un roman. Sur la quatrième de couverture, Marie-Aude a écrit une sorte d'envoi : « Tu peux croire en Dieu, ou pas. Ce que cet homme – ce Jésus – a dit, ce qu'il a vécu il y a plus de 2000 ans, n'est pas pour moi qu'une question de foi, mais aussi une question d'actualité. Réfléchir sur son message peut infléchir notre vie et bousculer notre façon d'aimer. »
Ajoutons que cette nouvelle édition augmentée, est présentée sous une épaisse et solide couverture cartonnée d'un rouge vif qui ne passera pas inaperçu.
Recension précédente (2 juillet 2018)
L'avantage, avec la littérature pour la jeunesse, bien des auteurs vous le diront, c'est que les livres ne disparaissent pas du jour au lendemain des rayonnages des libraires.
Jean Delas, l'un des confondateurs de l'école des loisirs, aime à répéter qu'il n'édite pas des best-sellers mais des long-sellers, des titres qui restent au catalogue et qui se vendent sur 5, 10 parfois 20 ans. C'est particulièrement vrai dans le cas des albums. Car il n'est pas rare que des jeunes parents rachètent à leurs enfants ceux qui les ont bercés quand ils étaient eux-mêmes tout-petits. Mais c'est aussi vrai pour certains livres destinés aux premiers lecteurs voire aux adolescents.
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Comme c'est la rentrée des KT et des aumôneries, je veux vous parler d'un de ces « long-sellers ». Publié par Bayard il y aura bientôt vingt ans,
Jésus comme un roman est le résultat d'une commande passée par l'éditeur catholique à
Marie-Aude Murail, l'auteur pour la jeunesse bien connue. A l'époque, Bayard souhaitait offrir aux jeunes lecteurs quelque chose qui n'existait pas : une sorte de biographie de Jésus destinée à ceux qui, vierges de toute éducation ou culture religieuse, ne savent strictement rien du fondateur du christianisme. Nous en croisons tous les jours.
Marie-Aude Murail a relevé le défi, constatant d'emblée que les quatre évangiles, « avec leur narration en patchwork, leurs nombreux personnages et un contexte historique mal connu sont d'une lecture peu accessible aux jeunes d'aujourd'hui. »
Après quelques essais et tâtonnements, l'auteure a décidé, plutôt que de raconter une énième « vie de Jésus », de plonger le jeune lecteur dans un récit d'aventures qui commencerait par où les évangiles se terminent, à la manière d'un roman policier construit en flashback : « un cadavre a disparu, qu'en ont-ils fait ? ». Tout en restant au plus près du texte des Ecritures, elle a choisi l'apôtre Pierre comme narrateur de cette histoire. C'est donc un récit inédit au « je », l'écrivaine s'étant glissée dans la peau du plus tourmenté des disciples. En
22 courts chapitres tendus, conclus par un épilogue, nous suivons Pierre sur les clairs chemins de
Galilée, du premier qui s'intitule Disparu ! au dernier : Vivant.
Au moment de la sortie de son livre,
Marie-Aude Murail a raconté à France Inter les circonstances particulières dans lesquelles elle avait composé cette histoire : « Je l'ai d'abord écrite, disait-elle, parce que ma mère était en train de mourir et que j'avais besoin de m'entendre dire : « N'aie pas peur ». Je l'ai écrite aussi parce que les enfants, mes enfants, nos enfants, peuvent à leur tour avoir besoin un jour que quelqu'un, sur la route, les accompagne et leur redise les mots d'amour d'un certain Jésus. Si ce quelqu'un, c'était moi, je n'aurais pas été écrivain jeunesse pour rien. »
Dès sa sortie,
Jésus comme un roman a reçu le prix jeunesse 1998 du syndicat des libraires de littérature religieuse. Il a été traduit en allemand, en espagnol, en néerlandais et en italien.
Écouter cette chronique et le premier chapitre lu :