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3,78

sur 454 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Les désarrois de l'élève Törless est un roman que je me promettais de lire depuis un bon moment. Je m'y suis enfin attelé. Mon opinion a changé à plusieurs reprises au cours de ma lecture, que j'avais entrepris comme un roman d'apprentissage. le début m'a intrigué : dans une Autriche du début du 20e siècle, le jeune et fragile Törless raconte son arrivée à un pensionnat élitiste, les attentes de sa famille, les nouvelles amitiés qu'il développe au collège. En particulier avec Reiting et Beineberg. C'est une histoire cent fois racontée, que celle d'un adolescent sensible mais confiné dans l'atmosphère austère d'un internat, entouré d'autres garçons et de tout ce qui vient avec, c'est-à-dire les émois sentimentaux (incluant quelques pulsions homosexuelles), le besoin de camaraderie, celui de se démarquer, de se sentir apprécié par ses ensignants, jouer au favori, etc.

Passé le premier tiers, je me demandais où l'auteur Robert Müsil m'amenait, son histoire me semblait tourner en rond. Törless explore les mathématiques, la religion, la philosophie, cela m'intéressa un instant seulement. Et les nouvelles amitiés du garçon me paraissaient ordinaires, des aventurettes de collégiens sans lendemain, rien de plus. Erreur ! Ces jeunes garçons cherchent leur place dans le monde, parfois au détriment des autres. Puis, l'un d'entre eux, Basini, commet l'erreur de voler dans les casiers puis s'attire la rancoeur de Reiting et Beineberg. C'est le début d'une longue phase de méchanceté, de cruauté. Tous s'acharnent sur Basini, même Törless s'efface devant ses amis tortionnaires. Tellement que ça en devient lourd à supporter pour le lecteur. Est-ce que la dernière centaine de pages ne sera que le récit d'une longue persécution ?

Heureusement, non. Törless commence à penser que tout ça va un peu trop loin. Punir quelqu'un pour ses mauvaises actions est une chose, le harceler et le dégrader de façon continue, c'est autre chose. En fait, c'est de l'intimidation. Aujourd'hui, c'est un sujet chaud, sur les bouches de tous les parents et les professionnels de l'éducation, mais il y a cent ans… le jeune garçon se trouve dans une position délicate : les bourreaux sont ses amis et il ne veut pas qu'ils se retournent contre lui. Mais la souffrance de Basini résonne chez Törless, lui-même exalté par la poésie et le mysticisme, troublé par des questionnements existentiels, il cherche la solution à son dilemme. La finale est tout à fait appropriée, sombre, comme la vie peut l'être. Les désarrois de l'élève Törless est un roman encore d'actualité (même si le style et le contexte ne le sont plus autant), que je regrette ne pas avoir lu alors que j'étais adolescent moi-même.
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C'est d'un pas lourd que l'on pénètre dans le pensionnat W situé aux confins orientaux de l'Empire austro-hongrois.
Les portes se referment sur de jeunes adolescents, la future élite de l'empire.
Törless jeune Viennois d'abord solitaire, finit par nouer des liens avec deux meneurs violents, Reiting et Beineberg. Une attirance malsaine faite de crainte et de répulsion. Des vols sont commis. L'auteur est un jeune et faible élève, Basini. Plutôt que de dénoncer le coupable, Reiting et Beineberg vont en faire leur tête de turc et le contraindre à des sévices physiques et sexuels.
Törless, en proie au désir de justice et à la curiosité, s'associe à leurs exactions. Il sera témoin plus qu'acteur. Un témoin passif qui enregistre et engrange, mi-horrifié, mi-satisfait par l'excitation mentale procurée. La violence est décrite et argumentée, les sévices sexuels demeurant flous.
L'internat, le huis-clos, le corps enseignant manifestement dépassé, les parents hors circuit, la mise en scène de l'enchaînement pervers de la violence sur des faibles, tout un univers qui résonne en nous comme un témoignage d'une époque, témoignage maintes fois repris par d'autres écrivains.
Mais le désarroi de Törless est aussi celui du lecteur. le roman est troublant à plus d'un titre. Troublant devant la violence gratuite des deux forts-à-bras, troublant aussi devant l'attitude de Törless. On assiste impuissant, quasi complice et voyeur à l'humiliation de Basini. Loin de s'en émouvoir personnellement, Törless se retranche intérieurement et s'en dissocie pour des raisons intellectuelles. le détachement de Törless est raisonné. La compassion n'est pas son propos. Pour lui les désirs coupables enfouis en nous peuvent être refrénés par une discipline toute intellectuelle.
Ce fut pour lui essentiellement une expérience formatrice répondant à ses questionnements philosophiques et un besoin d'aller au-delà du visible. Ce qui lui importe c'est de décoder ce brouillard, cette confusion qui règne en lui. Sa conviction «que notre pensée seule [est] parfois insuffisante» et «que quelque certitude plus intime nous fît en quelque sorte franchir l'abîme » en fait une expérience personnelle qui nous interroge.
Ce court roman se lit aisément, l'intrigue factuelle maintient l'intérêt. Ce n'est pourtant pas un roman facile. J'ai tenté de suivre Törless dans sa démarche. Elle est hésitante, foisonnante, complexe, à la limite du compréhensible. Un roman à lire et relire avant peut-être d'être en mesure de l'accepter.
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Les désarrois de l'élève Törless emmène le lecteur sur les chemins obscurs de l'homme de la nuit. Dans ce court roman de jeunesse - son premier - Musil expose le trouble et les errances du jeune Törless dans une école réservée au gratin de la jeunesse autrichienne. Heurté de plein fouet par la fragilité de l'âme, l'explosion des désirs et des peurs, et la porte inconnue de l'âme au-delà des mots et de la raison, Törless est entraîné dans diverses voies - philosophie, mysticisme, mathématiques - dont le coeur est l'expérience de la douleur, la souffrance et la cruauté. C'est l'élève Basini qui devient alors son miroir. Alors que ses camarades l'humilient par pure cruauté - certains y auront vu les prémisces de la barbarie nazie, il cherche à savoir ce qui se passe dans cette âme, bien plus que dans ce corps, soumis à la souffrance. Et ainsi trouver lui-même la voie d'équilibre entre la raison et les rêves de la nuit.
Un livre qui manifeste s'il en est besoin l'importance de la littérature autrichienne de langue allemande.
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Roman sur le harcèlement, la pression psychologique et la cruauté exacerbée par la dynamique de groupe dans une institution scolaire réputée d'Autiche où trois adolescents en tourmentent un plus jeune.
Törless assiste avec complaisance à ces violences en retirant la fascination et la jouissance perverse de la découverte des travers obscurs de l'humain et l'apprentissage de la sexualité (la victime étant soumise à des abus) et d'une homosexualité non assumée.
Ce récit inspiré de la propre expérience d'internat de Musil dans un lycée militaire, explore la complexité de l'adolescence en quête identitaire avec ses perversions pubertaires, où la personnalité en fusion cherche une voie d'expression entre conformisme et rébellion avec une ambiguïté des actes qui fascine et répulse. Il explore les tensions internes du futur adulte, ses "désarrois" dans son apprentissage du moi et des autres, ce qui semble être le chemin exigeant et indispensable de l'accès à la lucidité et à son âme "L'homme ne peut parvenir à posséder son âme que d'une seule manière : en s'abimant en soi".
Musil a une écriture d'une exceptionnelle qualité proche de celle de Proust, qui fait de ses écrits une lecture exigeante. En synthèse, je dirai de ce roman qu'il est une éthologie de l'adolescence dépeinte à travers l'esthétique littéraire d'un voyage intérieur.
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Ce qui frappe immédiatement dans ce roman c'est la rigueur de la construction et la précision au scalpel des descriptions qui évitent la poétisation et créent un univers mental obsessionnel où la rigueur implaccable du récit (simple et très prenant malgré sa violence morale) sert de prétexte à l'exploration des "désarrois" d'un adolescent qui cherche inlassablement de façon circulaire à donner du sens aux perceptions et émotions qui l'envahissent. le vrai sujet du livre étant à mon sens l'impossibilité de rationaliser et de réduire par le langage ce qui relève de l'expérience sensible et aussi de la sensualité.

On retrouve, sans la dimension poétique, l'observation méticuleuse du flux de conscience d'une Virginia Woolf par la volonté de rendre compte de la façon la plus méticuleuse possible de ce qui constitue la richesse et la complexité de l'interaction entre nos pensées et nos émotions. C'est cette dimension de quête fondamentale de sens, illusoire et sans fin, qui donne cet aspect lancinant et aliénant, parfois étouffant ou lassant (?) qui peut faire décrocher du récit mais qui lui donne aussi toute son incroyable puissance (Musil avait 25 ans en écrivant son roman!!!). Les échanges avec le professeur de mathématiques donnent quelques clés pour comprendre le développement philosophique de cet adolescent peu ordinaire qui anticipe probablement le futur "Homme sans qualités". J'ai lu tous ces passages lentement et à voix haute et c'est une expérience grisante et troublante. En gros il finit par montrer que rien ne peut avoir de sens à partir du moment où les prémices de départ sont remis en cause, quelque soit le domaine qu'on explore. Ici comment rendre compte de ce que provoque un tel trouble à la fois sensuellement "excitant" et moralement intolérable face à la soumission effrayante de Basini par Reiting et Beineberg? La plupart des auteurs décrivant un tel "fait divers", réel ou fictif, auraient adopté un point de vu moral, narratif... Musil déplace le problème sur le plan dialectique et abstrait en provoquant une sorte de dissolution du réel et donc de la "responsabilité". Törless concluant que cette histoire aura finalement été une étape constructive et presque libératoire...

Et pour ceux qui auraient peur de toutes ces considérations abstraites, il faut rappeler que cette histoire est d'abord intense et prenante du début à la fin. On peut s'accorder quelques glissements dans la lecture quand les préoccupations obsessionnelles de Törless refont surface. Mais l'interaction des deux en fait un livre unique et fascinant.
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Törless est comme un oiseau en cage qui finirait par trouver les clés de la liberté en lui. Roman publié en 1906; l'on sent bien la brutalité, la bestialité, le goût pour la torture et l'insensibilité qui seront tous des bases nécessaires pour l'avènement de l'on sait quoi une génération plus tard et au paroxysme de l'inhumanité. Musil n'est pas un voyant, mais simplement très intelligent. Plume subtilement perturbatrice. Méditation assurée.
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Les désarrois de l'élève Törless raconte les mésaventures de Törless, jeune autrichien, dans un internat huppé du pays. Mis là par ses parents fonctionnaires qui ont beaucoup d'espoir pour lui, il fait les découvertes de tout adolescent, mais dans un cadre austère et souvent hostile : l'adversité, l'admiration pour un professeur, la plongée maniaque dans une matière qu'on estime essentielle. Mais il fait la connaissance de matières très peu scolaires : les émois, hétéro comme homosexuels, mais aussi le sentiment de domination, et celui de honte. Comme entraîné par deux camarades, Reiting et Beineberg, la vie de Törless à l'internat prend des chemins très aventureux.

Musil signe avec son premier ouvrage un véritable roman d'apprentissage. On y retrouve non seulement la séparation d'avec les parents et la découverte d'un monde inconnu, mais aussi tous les doutes qui assaillent le jeune homme dans cette école a priori très austère. Si les premières aventures se font à l'extérieur, à l'étage d'une auberge avec une jeune fille, ce sont très vite le grenier et les moindres recoins de l'internat qui deviennent les lieux de jeu de Törless. En particulier cette petite pièce sous les combles, tendues de tapisseries, où les trois amis se livrent à tous les jeux, y compris les plus barbares.
Lien : http://livres-et-cin.over-bl..
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J'avais écouté Alain Damasio parler de Philippe Jaccottet, et plus tard apprenais que ce dernier avait traduit une partie de l'oeuvre d'un certain Robert Musil...L'autre jour, j'entends à la radio Matthieu Amalric, acteur que j'affectionne, citer ce même Robert Musil. Intrigué, je me décide à lire "l'homme sans qualités" .
Je me rends à ma "boîte aux livres" préférée, impatient de découvrir ce soit-disant chef-d'oeuvre de la littérature du XXème siècle et tombe sur "les désarrois de l'élève Tôrless". "L'homme sans qualités" étant momentanément épuisé je me rabats sur le premier roman de l'auteur aux dimensions plus modestes.
Au premier abord, il s'agissait d'une histoire d'adolescents dans un internat en Autriche, des descriptions de premiers émois sensuels, des premiers éveils esthétiques d'une âme sensible. Finalement, j'ai cru discerner autre chose dans cette écriture, comme une envie de partager une étrangeté au monde, une perception de l'existence très personnelle et sans concession.
L'élève Tôrless nous invite à mettre son monde de fin du XIX siècle entre parenthèses, à suspendre notre jugement, à oublier nos passions, notre culture, nos opinions, autant d'obstacles à une forme supérieure du sentiment, pour mieux percevoir cet autre univers, indicible, aux contours incertains, aux lueurs troubles fascinantes...
Tôrless préfigure Ulrich parait-il...
Maintenant j'ai hâte de découvrir la suite!

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Tout d'abord c'est un roman novateur pour l'époque et provocateur qui plonge dans les profondeurs de l'âme humaine, explorant les complexités de la jeunesse, de la sexualité et du pouvoir.

Musil présente une histoire qui se déroule dans un pensionnat militaire austro-hongrois, où l'élève Törless est témoin des relations sadomasochistes entre ses camarades de classe. le récit met en lumière les tourments intérieurs de Törless alors qu'il navigue entre la fascination et le dégoût pour ces événements. À travers le personnage de Törless, Musil explore les thèmes de l'aliénation, de l'homosexualité, de la culpabilité et de la recherche de soi.

La façon dont Musil dépeint les conflits intérieurs des personnages est une des forces du roman. Törless est confronté à des dilemmes moraux complexes alors qu'il tente de comprendre ses propres désirs et ses réactions face à l'injustice et à la cruauté qui l'entourent. Musil utilise également l'histoire pour examiner les dynamiques de pouvoir et de soumission, mettant en lumière les tensions sociales et psychologiques qui sous-tendent les interactions humaines.

C'est aussi un roman sombre et dérangeant. Les scènes de violence et de perversion peuvent être difficiles à lire, et certains lecteurs pourraient être rebutés par le ton nihiliste et désabusé du récit.

"Les Désarrois de l'élève Törless" est un roman complexe et stimulant qui mérite d'être lu pour sa profondeur psychologique et son exploration audacieuse des thèmes universels. Bien qu'il puisse être troublant, il reste un témoignage puissant de la condition humaine et de la recherche perpétuelle de sens dans un monde chaotique.
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Le premier roman de Musil est logiquement un roman d'apprentissage. Törless incarne un jeune homme intelligent mais perdu au milieu de toutes les connaissances ou manières de se comporter qu'on lui propose : comment considérer la vie ? est-on dans la vie tant qu'on n'a aucune conviction ferme qui serve de moteur ? Törless vit une crise de type existentielle - l'impression de néant derrière les représentations mentales - qu'on retrouvera de manière semblable chez Sartre (La Nausée) ou Camus (L'Étranger). La crise se manifeste également par une incertitude sexuelle, dont le rejet violent et le tabou peuvent aussi faire penser à L'Enfance d'un chef de Sartre, en tant que constituant essentiel de l'identité virile et nationaliste des élites. le récit et le style tiennent encore clairement de la nouvelle réaliste, bien que déjà entrecoupés de séquences analytiques et philosophiques typiques de L'Homme sans qualité. Musil, à mi-chemin entre Schopenhauer et Proust, décortique l'humain, attaquant de front le sadisme et l'érotisme des adolescents. Ce livre a paru scandaleux. Ce qui a sûrement perturbé particulièrement, c'est que cet univers de perversion dévoilé soit celui des jeunes des classes aisées et non des pauvres dont on s'explique traditionnellement les mauvaises moeurs par mauvaise éducation, déséquilibre, proximité avec les marges (ou pourrait faire le parallèle avec Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée... qui a choqué parce que le phénomène touchait aussi bien les pauvres que les classes moyennes ou supérieures). Perturbant parce que cette perversion leur serait naturelle et non le fruit de mauvaises fréquentations, niant ainsi la fable réconfortante du conditionnement, ou alors justement que cette perversion serait une propriété constitutive des classes supérieures (et les jeunes s'initient à écraser le faible pour renier tout questionnement existentiel en eux ; comme les mafieux qui n'appartiennent au groupe qu'après leur premier assassinat qui les mouille et les insensibilise)... En réponse à cet inconfort, à ce trouble de la nature humaine, au vide, l'âme ne constitue pas un mensonge pour les naïfs mais une architecture magnifique de la pensée qui permet de continuer son chemin en terre incertaine.
Lien : https://leluronum.art.blog/2..
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