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sur 1835 notes
Trois femmes puissantes, roman.
Sauf que ce n'est pas un roman à proprement parler, et que les femmes puissantes, on les cherche. À moins de comprendre « puissant » non dans le sens d' « autoritaire » mais comme « ce qui produit de grands effets ».
Car des effets, elles en produisent, ces femmes, qui transforment les hommes autour d'elles en bourreaux pathétiques, affolés par un misérable sentiment de culpabilité. le père, vrai salaud et vrai coupable, regrette que le mal fait à sa fille l'empêche de réparer le mal fait à son fils. le mari, pauvre type et salaud par omission, craint que le mal fait à sa femme ne le voue à la solitude et la détestation de soi. L'amant, vraie victime, se résout à devenir salaud quand il comprend qu'il a failli dans son rôle de protecteur.
Tous ces êtres, hommes comme femmes, analysent leurs sentiments d'impuissance et de déréliction dans un récit au plus près des sentiments, dans une zone d'infra-conscience... Mais bon sang, c'est bien sûr ! Nathalie Sarraute, sors de ce bouquin, avec tes tics de nouvelle romancière, ton « stream of consciousness », tes « tropismes », ton refus de l'intrigue et tes monologues narrativisés...
Comme c'est le premier roman de Marie NDiaye que je lis, je risque fort de dire des âneries, mais je n'ai pu m'empêcher de faire le lien entre cette écriture très « nouveau roman » et le thème même de ces « Trois femmes puissantes »: j'y vois dans les deux cas une réflexion sur les valeurs de l'Occident.
Car y a-t-il plus occidental que cette remise en cause de la littérature traditionnelle qui mise sur Proust pour critiquer Balzac et réfute l'individu au point de le réduire à sa conscience, bref qui crache dans une soupe à laquelle elle s'est largement abreuvée ? Or, c'est bien la relation à l'Occident qui constitue la trame essentielle de ce que l'auteur a appelé « roman » et non « nouvelles », ce qui oblige le lecteur à trouver une évolution de Norah à Fanta et de Fanta à Khadi. Norah vit en France et se refuse à penser qu'elle ait pu vivre en Afrique. Elle est avocate, a socialement réussi et souffre d'avoir un compagnon qu'elle estime certes aimant mais trop immature. le lecteur doit partager des états d'âme dont l'analyse subtile prend assez peu en compte toute l'ampleur du drame (meurtre et erreur judiciaire) qui se dévoile peu à peu. Fanta a quitté l'Afrique, épousant un Français qui l'entraîne dans son déclassement. Elle n'existe que dans le monologue intérieur de son époux. Khadi, sans famille, veut rallier l'Europe et connaît les affres et souffrances d'une migrante dont personne ne veut. Et son périple est transcrit de façon beaucoup plus factuelle que les histoires précédentes.
Je vois dans ce livre une double progression: vers l'extériorité, de l'auto-analyse apitoyée à l'affirmation de soi; vers la gravité, des problèmes de couples fantasmés à la perte de tout. Et l'Occident devient un lieu où l'on se perd parce qu'il faut s'y inventer des problèmes pour exister, s'enfermer dans des ratiocinations complaisantes pour ne pas voir l'horreur que vivent les opprimés qui nous assiègent.
Pleurons donc sur notre sort de nantis, nous dit Marie NDiaye. Ouvrons de grands yeux lucides sur nos souffrances intérieures. Mais cela ne suffira bientôt plus à contenir les damnés de la terre.
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La solitude de ces femmes est particulièrement émouvante, elles n'ont pas de soutien, doivent faire appel à leur courage pour survivre, en se battant seule pour préserver leur dignité, dans la détresse d'une existence qui leur a échappé. le courage est aussi dans la résignation, ces femmes survivent, elles sont puissantes.
Le sujet de la maternité m'intéresse beaucoup, moi qui ne souhaite pas avoir d'enfant, elle est ici représentée dans toute sa complexité: difficile voire impossible, obstacle entre un mari et sa femme.

J'ai beaucoup aimé ce roman car il m'a bouleversé. le personnage de Khady Demba m'a particulièrement impressionnée par sa force quand le personnage de Rudy m'a exaspéré par ses incessants questionnements existentiels.
L'utilisation par l'auteur à travers tout l'ouvrage de l'oiseau comme symbole de liberté, d'échappée, m'a fait penser à l'écriture de Boris Vian dans L'Ecume des Jours, dans cet usage du concret pour représenter l'abstrait, l'intériorité.
J'ai bien apprécié cette écriture à la limite du surréalisme par moment.

Ma seule réserve à l'égard de cet ouvrage serait la façon dont les personnages masculins sont représentés, le fait qu'ils soient systématiquement responsables du malheur m'a semblé un peu facile, j'aurais apprécié qu'ils se retrouvent moins diabolisés, dans un soucis de réalisme car je suis persuadée que si ces personnages sont devenus aussi ignobles ce n'est certainement pas sans raisons. Mais je comprends bien que l'auteure n'a pas voulu s'éparpiller, son sujet était les femmes et elle les a parfaitement représentées, les a parfaitement raconté.

En tout cas, je vous recommande chaleureusement cette lecture profondément féministe et qui aborde aussi les thèmes de l'exil et de l'immigration, sujets importants et particulièrement d'actualité.
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Trois femmes, trois portraits avec des allers-retours, des échanges, des confrontations entre Sénégalaises et Français (je fais référence aux cultures et non aux passeports). Trois refus d'admettre ce qui est imposé. Trois résistances. Trois tragédies.

L'écriture, comme marquée par la tradition orale, avec des répétitions et des éléments ou des situations oniriques, ajoute au mystère de la narration. le symbolisme est parfois clair, par exemple celui de l'oiseau de mauvais augure tournoyant comme une obsession au-dessus de l'homme, parfois abscons comme ce père qui dort régulièrement dans un flamboyant. On comprend la tension quasi haineuse entre la fille vivant en France et son père resté "au pays", la déception (en creux) de l'épouse sénégalaise ayant suivi son mari venu s'établir en France après avoir vécu "là-bas", et, avec plus de précision dans le troisième récit, le calvaire de la Sénégalaise contrainte malgré son refus de boire jusqu'à la dernière goutte le calice de l'émigration.

Est-ce à dire que l'Européen est, pour une Africaine, la source d'une malédiction irrévocable ?

le "pourquoi" de ce roman n'est pas clair et son "comment" l'est encore moins. Est-ce pour traduire la complexité des relations inter-culturelles que le style utilisé est si alambiqué ? On s'attendrait à boire de l'élixir après la lente distillation de phrases longues et souvent alourdies d'apartés entre parenthèses. Mais non. On a affaire à un embrouillamini d'approches psychologiques que l'auteur nous étale en vrac et où c'est au lecteur de faire son marché, de conforter la structure de chacun des trois récits (sauf peut-être celle du dernier) et de deviner, car on suppose qu'elle existe, la cohérence de l'ensemble.

Est-ce un message d'avertissement adressé au femmes africaines ? le constat de l'échec inévitable d'une relation durable entre des êtres de deux continents ?

Ce qui sauve ce livre et ce qui lui a valu sans doute d'être distingué par le jury du Goncourt, c'est sans doute l'adéquation du style à la complexité des situations présentées.
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Trois récits, trois femmes qui disent non.
Elles s'appellent Norah, Fanta, Khady Demba. Chacune se bat pour préserver sa dignité contre les humiliations que la vie lui inflige avec une obstination méthodique et incompréhensible. L'art de Marie NDiaye apparaît ici dans toute sa singularité et son mystère. La force de son écriture tient à son apparente douceur, aux lentes circonvolutions qui entraînent le lecteur sous le glacis d'une prose impeccable et raffinée, dans les méandres d'une conscience livrée à la pure violence des sentiments.
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Les romans de Marie Ndiaye sont exigeants et s'adressent à un public de lecteurs, surtout pour les dernières parutions. Dans "Trois femmes puissantes", l'auteur va au bout de sa technique d'écriture (de longues phrases prolongées par des successions d'ellipses et de propositions relatives) , ce qui peut dérouter le lecteur. En plus, les histoires sont plutôt glauques avec leurs personnages décevants, minables, vicieux. Ce ne sont pas tant des histoires de femmes puissantes que de types minables.
Des 5 romans que j'ai lus de Marie Ndiaye (avec La sorcière, Un temps de saison, La cheffe, Ladivine) "Trois femmes puissantes" est le plus difficile à lire, surtout dans la 2e histoire (sur les 3 qui composent ce roman - les 3 histoires ont un lien ténu entre elles). Pour cette 2e histoire, je dois dire que j'avais hâte qu'elle se termine: c'est la plus longue, le rythme du récit est lent, il ne se passe pas grand chose, les personnages sont détestables et on se mélange les pinceaux avec leurs noms.
La 3e histoire surclasse les 2 autres à mon avis: elle est plus concise, et l'itinéraire de cette femme est bouleversant.
J'ai préféré le roman "La Cheffe" (publié en 2016) pour l'histoire, mais nous retrouvons dans ces Trois femmes la petite musique littéraire virtuose de Marie Ndiaye. Cela reste un livre qui a remporté le prix Goncourt 2009, tout de même !
Celà dit, si vous deviez ne lire qu'1 seule histoire sur les 3, privilégiez la dernière, celle de Khady Demba, de loin la plus touchante.
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Je viens de relire entièrement ce récit. Bizarrement, il ne m'en reste que la fin, l'histoire de Khady Demba qui m'a paru horrible. C'est pourtant bien écrit et l'auteure se met bien dans la peau de ses personnages. Les descriptions du Sénégal sont belles et poétiques : "dans l'obscure quiétude du flamboyant son coeur battait alangui et son esprit était indolent". Beaucoup de misère et de tragédies dans un si petit roman où peut-être trois femmes en sortent victorieuses encore que pour Khady, elle devient "un oiseau aux longues ailes grises" et c'est finalement c'est ce qui pouvait lui arriver de mieux. Au final, je ne pense pas que ces trois femmes, Nora, Fanta et Khady étaient si puissantes que cela, juste brisées par un destin cruel.
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Prix Goncourt 2009

Le roman est en fait un recueil de trois nouvelles, d'une centaine de pages chacune.
A chaque fois une femme africaine sera le centre d'une histoire tragique parfois. Lecture difficile au départ par l'enchevêtrement des pensées mais qui, au fil des pages, nous dresse trois portraits inoubliables, Norah, Fanta et Khady Demba, femmes face à l'adversité !
Un grand roman, qui a mérité son prix.
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Ce livre est constitué uniquement de trois chapitres, trois longs chapitres racontant chacun le destin d'une femme, Norah, Fanta et Khady.
Trois femmes au destin plus ou moins tragique mais qui restent debout dans la plus grande adversité.
Une belle écriture, des personnages attachants qui forcent le respect et un parfum d'Afrique, de sa terre, de ses fleurs, de ses légendes.
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quel livre ! je ne l'ai pas lâché!
des récits à la prose, un livre puissant.
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Comme le dit le quatrième de couverture, dans ces nouvelles, il s'agit de « trois femmes qui disent non ». Elles sont reliées à l'univers africain.

L'élégance du style de ces nouvelles névrotiques explore les profondeurs de l'âme de personnages se battant avec leurs démons angoissés. Ils vivent des malaises qui les poursuivent, des conflits qui les obsèdent, ils pensent à des disputes dont ils ont oublié la cause. de vieux traumas familiaux remontent depuis l'enfance, des rêves de départ les attendent.

Cela se termine à chaque fois par un petit paragraphe intitulé « contrepoint » qui déplace le point de vue et donne une originalité supplémentaire au récit. La nouvelle qui conte l'histoire de l'errance d'une jeune africaine voulant prendre le bateau avec d'autres migrants est bouleversante. Cette littérature au style fort est assez facile à lire. Une belle découverte.
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