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3,45

sur 125 notes
On ne connaîtra jamais le prénom de la jeune héroïne et narratrice de ce roman. Pesant 10 kilos à la naissance, elle a continué à prendre du poids de façon exponentielle. Il n'en fallait pas davantage pour que ses "copains" de classe l'affublent du surnom de "la Couenne", entre autres gentillesses. Elle-même ne se voit que comme un "éléphanteau rose", et ses parents ne l'aident guère à se construire une identité : sa mère, jolie femme à la taille mannequin, s'enfuit quelques mois après la naissance, horrifiée par ce bébé monstrueux et ce qu'il menace de devenir. Quant à son père, persuadé que sa fille a dévoré sa soeur jumelle in utero, il ne s'adresse à elle qu'au pluriel et se dévoue corps et âme à nourrir "ses chéries, ses princesses" de mets aussi savoureux que caloriques, en dépit de tout bon sens ("Le plus grand don que mon père pense pouvoir me faire est celui de moi-même. Il veut me rendre l'amour de mon corps en le nourrissant. Mais à la fin, cela revient à une seule chose : il me fait don d'un élargissement dont je n'ai nul besoin"). La jeune fille, pas dupe ("Père : mon adorateur ; mon bourreau"), joue le jeu de la dualité pour ne pas peiner son père. Et malgré sa lucidité et la culpabilité qu'elle ressent, ne peut s'empêcher de manger sans fin, avec une faim insatiable, parce que "l'acte de manger est orgasmique". Alors elle continue à grossir et, forcément, dans un monde soumis aux diktats de la minceur et de l'apparence, à subir les humiliations et le harcèlement de ses condisciples, qui publient des photos d'elle sur les réseaux sociaux, jetant sur elle une opprobre planétaire.

Puis arrive un jour, vers 15-16 ans, où elle est incapable de sortir de chez elle, de s'extraire de son lit, de passer la porte de sa chambre. Un isolement forcé qui la met à l'abri des moqueries mais qui n'occulte pas la catastrophe imminente, celle qui la condamne, telle une baleine échouée, à mourir écrasée sous son propre poids... Avant une fin qu'elle sait inéluctable, le Bonheur daigne cependant lui rendre une visite aussi inattendue qu'improbable sous la forme de l'Amour, d'un homme providentiel qui lui fera découvrir les plaisirs de la chair et de la passion.

Manger pour se sentir vivante, pour exister, pour s'anéantir, manger sa soeur jumelle dans le ventre de sa mère, se faire bouffer par cette soeur imaginée qui lui bourre la tête de belles idées impraticables, être rongée par la cruauté du regard des autres démultiplié par l'Oeil d'Internet, être reniée par une mère lâche et un père qui la voit double, la gave et la gâte (dans tous les sens du terme) et l'assassine à feu doux à coup de plats en sauces et de gâteaux au chocolat, se perdre dans une montagne de nourriture, dans la montagne de chair qu'elle devient, puis dans la folie d'un amour passionnel, l'héroïne de "Manger l'autre" questionne son identité, son humanité jusqu'à l'auto-destruction.

Avec un dernier twist inattendu et une fin nauséeuse à la limite du supportable, voici un conte tragique, un texte fort porté par une écriture riche et sensuelle, dont la noirceur totale est (heureusement) tempérée par une certaine auto-dérision corrosive. Sur les thèmes de l'acceptation de soi et du regard des autres, "Manger l'autre" est un roman dérangeant, interpellant, dans lequel on oscille sans cesse entre répulsion et empathie.  Si vous décidez de "consommer" cette histoire, oubliez toute modération.

En partenariat avec les Editions Grasset via le réseau Netgalley.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Pas vraiment aimé. Dérangeant et terrible. Une jeune fille de 16 ans qui pèse près de 200 kgs (10 à la naissance). Comment survivre aux moqueries de ses camarades d'école ? Comment ne pas être à la mode comme le corps longiligne et beau de sa mère qui a quitté le foyer ? Tandis que son père, travaillant dans le culinaire, va la nourrir, l'admirer. Mais un jour, elle ne peut plus passer la porte... Sur les dangers des réseaux sociaux où la haine est déversée. Sur l'uniformisation de l'être humain.
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Manger l'autre est l'histoire terrifiante d'une jeune fille hors norme qui se livre sans fard ni pudeur devant l'oeil avide d'internet.
Elle a 16 ans et raconte comment depuis sa naissance elle ne cesse de grossir, habitée par un appétit d'ogre qui la pousse à manger sans fin et l'enferme dans un corps de presque 200 kg.
Son obésité morbide lui interdit de vivre d'abord normalement puis de vivre tout court. Elle meurt à petit feu. Abandonnée par sa mère, gavée par son père, humiliée et stigmatisée par les autres, elle se retrouve piégée dans une immense solitude jusqu'à ce qu'on lui offre la possibilité de porter un autre regard sur elle même. Mais cela suffira-t-il à la délivrer du poids de son énorme souffrance...
Ce roman qui dénonce "le gonflement grotesque de l'inutile" et la tyrannie du regard de l'autre qui juge tout en incitant à s'exposer d'avantage, est une lecture coup de poing. Elle risque de heurter les natures délicates par le caractère horrifique de son propos mais l'écriture sensuelle d'Ananda Devi l'adoucit et la rend totalement addictive. Elle sait tellement bien mettre en appétit avec la description de nourritures succulentes que vous pourriez céder à la tentation de satisfaire vos papilles gustatives mises en émoi . Au risque de le regretter...
J'ai dévoré cette histoire d'une traite et ne peux que vous conseiller d'en faire de même. C'est tout simplement éblouissant !
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Après avoir lu un roman sur Francis Bacon, « le peintre de la chair », voici un roman où la chair de l'héroïne déborde de tous côtés, sa peau, ses plis, ses bourrelets, un corps énorme, hypertrophié, qui vaut à sa « propriétaire » horreur et abandon de sa mère, moqueries et quolibets de ses camarades de classe, adoration et déni de son père. La narratrice est née en pesant déjà dix kilos, sa mère n'a jamais su comment la prendre « à bras le corps » si je puis me permettre le jeu de mots et s'st enfuie, épouvantée, dévorée par ce bébé hors-normes. le père accrédite la théorie que sa fille a mangé sa soeur jumelle dans le sein maternel et nourrit « ses filles » avec une dévotion épuisante, hors de tout bon sens. Un jour, elle a tellement grossi qu'elle ne peut plus quitter la maison et reste la plupart du temps couchée. Elle sa sait condamnée à mourir jeune, baleine, éléphanteau échoué dans son lit. Mais l'amour va s'inviter chez elle, malgré tout, et lui faire connaître le bonheur puis l'enfer, avant une fin… hallucinée.

Manger l'autre est un conte cruel sur le corps, l'image de soi, le regard des autres, la dictature du paraître, et interpelle notre société de consommation et ses excès (consommation de nourriture et d'images). C'est à la fois cruel et très sensuel, fort et provocant. Implacable. D'Ananda Devi, j'avais déjà apprécié Eve de ses décombres. Voici ici un texte très différent, que j'ai tout autant apprécié.
Lien : https://desmotsetdesnotes.wo..
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Manger l'autre de Ananda Devi Nirsimloo m'a été envoyé par net galley et les éditions Grasset.
Je l'ai fini il y a quelques jours et j'avoue avoir du mal à le chroniquer ! Que dire de ce roman ? Ai je aimé ? Ai je détesté ? Je ne sais pas trop en fait !
Manger l'autre, c'est l'histoire d'un bébé de 10 kilos, notre narratrice, dont nous ne saurons jamais le nom. Choquée par ce bébé obèse sa mère les quitte, son père et notre narratrice, dès que possible. le père est persuadé que sa fille a mangée sa jumelle dans le ventre de sa mère, et quand il leur parle il dit mes filles...
Evidemment elle se met à manger encore et toujours plus, grossissant encore et toujours plus...
Elle subit de nombreuses moqueries, car les enfants peuvent être très cruels...
Et elle grossit et... je n'en dirais pas plus, pour savoir la suite, à vous de le lire ;)
C'est un roman dérangeant tout en étant facile à lire, et honnêtement j'ai eu du mal à le lâcher une fois commencé.
C'est cruel, comme la vie peut l'être parfois.
C'est dur à lire par moment, car certains passages sont forts, mais c'est bien ficelé et dans l'ensemble, ça m'a plu.
Je l'ai lu sans savoir à quoi m'attendre et je ne regrette pas ma lecture.
Je n'ai pas eu de coup de coeur, et j'ai parfois eu du mal à m'attacher à la narratrice, mais il est sur que je n'oublierais pas ce roman de sitôt.
C'est pour ça que je mets quatre étoiles :)
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Un roman dur, dérangeant, miroir de notre société.
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Nous suivons une adolescente obèse, à sa naissance, elle faisait 10 kg, elle demandait toujours le sein, voulait manger toutes les heures, sa mère prit peur et partit. le père aime sa fille plus que tout mais son amour devient malsain quand il raconte à sa fille qu'elles étaient deux à l'origine mais que cette dernière a mangé sa jumelle. A partir de ce jour, le père s'adresse à "elles", fait à manger pour deux, il ne voit pas la détresse de sa fille, son mal-être, le harcèlement qu'elle subit au lycée, sur Internet à travers cet Oeil qui la guette, la scrute. Un jour, la jeune fille de seize ans connaît le toucher d'un homme, voit le désir qui s'allume dans ses yeux, elle expérimente de nouvelles sensations, apprivoise son corps, se sent belle, puissante. Mais lui autorise-t-on le bonheur ?
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Ananda Devi use de son écriture poétique et grinçante pour nous livrer une histoire intime, où le corps est sujet principal. L'envie, la surconsommation mène au vide, au néant. Internet est le lieu où la rancoeur, la jalousie, la méchanceté s'épanouissent et prennent des proportions effroyables. La douleur de cette jeune fille m'a bouleversé, j'ai dû faire plusieurs pauses dans ma lecture tant le récit est dur et peut rendre mal à l'aise.

Un roman essentiel et bouleversant
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Dès sa naissance, la narratrice était obèse. Devant une telle monstruosité, la mère a fui, cédant la place au père qui a commencé une gigantesque entreprise de gavage tant de nourriture préparée avec amour que de mensonges. Il raconte en effet à sa fille qu'elle a dévoré in utero sa soeur jumelle, ce qui expliquerait son poids.
Harcelée, cyber-harcelée, la jeune femme connaîtra pourtant, lors d'une deuxième naissance symbolique, un homme qui sera son exact opposé et lui fera découvrir les beautés de son corps. Mais Éros et Thanatos sont intimement mêlés et dans une société du paraître, se faire voir peut entraîner de douloureuses conséquences.
Roman de de la dévoration, de l'abondance ,de l'excès , Manger l'autre charrie, comme un fleuve furieux, les métaphores et tend à notre société un miroir à peine déformant. Oui, nous vivons dans un monde où certains ont accès à la nourriture déversée sur nous comme d'une corne d'abondance mais où on nous enjoint la minceur, voire la maigreur.Nous nous gavons d'images mais ne jetons pas un regard sur les exclus de la société et nous acharnons sur ceux que nous considérons comme hors-normes.
Un roman au rythme soutenu, à l'écriture tantôt rabelaisienne, tantôt sensuelle, qui ne tombe jamais dans le voyeurisme ni le pathos, soulignant toutes les ambiguïtés des personnages et des relations qu'ils entretiennent entre eux. Une allégorie puissante et roborative. Un grand coup de coeur !
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Il y a quelque temps, j'ai été contacté par les Editions Grasset pour être invitée au lancement d'un nouveau livre. Malheureusement pour moi, étant déjà prise ce jour-là, je ne pouvais m'y rendre. Après confirmation reçue peu après par mail, ce ne sera que partie remise !


Je les remercie cependant dans l'instant et très sincèrement de m'avoir proposé l'envoi de plusieurs livres. Ceci était dans le but d'en réaliser un service presse. C'est avec grand plaisir que j'ai accepté comme je le fais depuis toujours et ce peu importe la notoriété de l'établissement.


Dans cet ouvrage, on suit une jeune fille qui souffre d'obésité. Sur Internet, en direct, les gens de son collège et lycée en font le souffre-douleur de tout le monde. Par méchanceté, ceux-ci publient des photos d'elle sur le net afin d'assouvir leur "rage destructrice".


L'on ne connaîtra jamais son nom mais l'envie d'humilier la narratrice est évident. Elle est différente et ne correspond pas au culte de la minceur.


Celle-ci nous montre bien le danger que peut avoir l'impact de l'avis des autres ainsi que les réseaux sociaux sur nous. Il est facile de faire des commentaires sur le net de façon totalement anonyme. Certains ne se gêneront pas d'ailleurs, d'autant plus qu'il est facile de penser "personne ne sait que c'est moi, donc je peux dire et écrire ce que je veux."


Le sujet reste vraiment d'actualité et bien que j'ai apprécié la lecture et la plume de l'auteure, j'ai eu beaucoup de mal personnellement avec certains passages et surtout la fin du livre. Il vous suffira de le lire pour comprendre la raison de mon opinion.


Je pense que je vais essayer d'autres livres de cette auteure mais dans l'instant, je vais me laisser un peu de temps.
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Ce livre audacieux et provocateur d'Ananda Devi est une plongée profonde dans les abîmes de l'âme humaine.
À travers une écriture incisive, l'autrice nous transporte dans un univers trash, glauque voire gore sur la fin.

Cette histoire dérangeante nous confronte, entre autre, à la part de notre inhumanité dissimulée derrière les pseudos des réseaux sociaux dans un monde où règne la jouissance sans prix ni limites.

En refermant ce livre, je me suis senti mal à l'aise, secoué par cette lecture troublante. L'autrice a clairement cherché à attirer notre attention sur ce que nous refusons de voir : les aspects les plus tristes de notre nature. Elle nous pousse à ressentir la puanteur des comportements toxiques qui se cachent derrière l'anonymat des réseaux sociaux, et à prendre conscience de notre propension à valoriser la jouissance à tout prix dans nos sociétés matérialistes en occultant les personnes différentes, obèses,sdf,...

Pourtant, je reconnais qu'il y a une certaine beauté dans cette exploration audacieuse de l'obscurité humaine à travers son style d'écriture percutant et sa plume acérée ce qui m'a quand même retenu jusqu'au point final.

Bien que troublé, je suis intrigué par l'audace et la provocation de cette autrice, et je me demande si je ne serais pas prêt à me plonger dans une autre de ses oeuvres à l'avenir.
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Je viens de le finir et...cette lecture ne laisse pas indifférent. Une écriture crue, incisive sur le rapport à soi, au regard des autres à cet âge où il compte tellement. L'ogresse qui narre son histoire peut être vu comme étant victime ou bourreau. Les deux regards sont possibles : l'adolescent qui n'en a jamais assez, la société qui nous entoure et qui nous consomme toujours plus.
Pas de mélo, pas de pathos. Des mots actuels pour des maux actuels.
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