Vous voulez perdre du poids ?
Une seule solution : perdre l'appétit.
Comment ? en lisant
Surtensions, d'
Olivier Norek.
Non seulement vous n'avez pas le temps de manger, mais, mieux encore, cela vous paraît futile, tellement vous êtes pris par la trame à la fois proche du terrain, puisque Norek a appartenu à la SDPJ 93 * , par la réflexion sur notre temps, en tenaille entre le droit à respecter et les malfrats qui sont aidés dans leurs crimes par ceux qui connaissent la loi et savent donc l'utiliser ou la détourner, enfin par les petites remarques légères qui avec intelligence nous font sourire ( et oublier l'assiette de jamon serrano).
C'est ma deuxième lecture, et je crois que je remarque plus encore ces remarques légères, comme par exemple lors du discours de prise de retraite, où toute sa vie est évoquée, l'intéressée craint qu'un bouton marche/arrêt se bloquant sur marche ne s'arrête pas et aille jusqu'à sa mort., ces discours retraçant une vie de policier ayant des intonations d'oraison funèbre.
C'est l'histoire de Yacine, dont Norek nous présente la famille, la mère, dépassée par tout ce qui bouge, le petit frère, qui commence à dépasser la ligne et que le grand frère redresse sauvagement, bien que lui même prépare un enlèvement d'otages.
Norek sait parfaitement comment , en une phrase, décrire « la porte d'entrée enfoncée, l'ascenseur aux portes toujours ouvertes, les poubelles éventrées que plus personne ne prend la peine de descendre », milieu de cette famille comme tant d'autres. le père avait désamianté les facs de Paris, mais les médecins n'ont pas réussi à désamianter ses poumons. Exit le père, et le fils ainé doit faire vivre sa famille. Comme il peut.
On partage le désespoir du petit frère Saïd « abandonné, comme seul sur la planète, étranglé par la culpabilité, il s'assit par terre et pleura doucement » ,et celui de Coste, le héros à la Harry Bosch.
Et aussi celui d'un innocent qui n'aura pas le temps d'être blanchi du meurtre dont on l'accuse, à cause des manigances compliquées des avocats voulant en sauver d'autres, mais sans qu'aucun soupçon ne soit levé, et celui d'un braqueur qu'
Olivier Norek nous montre à la fois innocent et un peu idiot, s'offrant comme victime incapable de se défendre et dont on va pleurer le sort déjà écrit.
En plus des kilos perdus grâce à cette lecture que je n'ai pas réussi à abandonner, j'ai appris plein de choses sur le milieu pénitentiaire, pas très enclin à l'empathie, l'apathie de la mairie de Seine Saint Denis, la fatigue de la police, la jungle de violence qu'est la prison, vraie école du crime.
Il souligne l'ironie qui fait que beaucoup de détenus le sont pour des délits relatifs à la drogue, mais qu'elle soit tolérée à l'intérieur.
Et puis le jeu des avocats de la défense dont la piscine et l'Audi TT ont été payés par un clan corse.
Enfin, l'impunité de certains hommes politiques dont les délits seront légèrement jugés légers, et puis les surveillants de cette prison dont la préoccupation principale est de rentrer chez eux en un seul morceau, laissant les détenus se battre, se droguer, violer et faire du commerce.
Surpopulation et coupes budgétaires ont rendu leur tache quasi impossible. Laisser faire et couvrir.
Livre complexe, par les rapports inattendus et parfois pas connus des intéressés, par l'évocation du milieu corse, et par la morale qui s'en dégage : préférer son homme en dénonçant une mère de jeunes enfants certes coupable? ou ne pas le faire ?
Peut on mieux faire une étude sociologique de notre société ? tous les éléments sont là, toutes les carences qui ne font que s'accentuer, tous les torts de chacun, avec comme point commun la violence et le mensonge, mais présentés avec l'humour de quelqu'un qui a vécu tout cela.
* Service départemental de la police judiciaire de seine Saint Denis