Bergerie
Le berger plein de coccinelles
A fait deux pas dans sa chaumine ;
L’horloge qui le suit de près
Commence à ronfler doucement.
Le feu reprend mais tourne au bleu.
L’horloge hésite à regarder
Les mains calleuses de cet homme
Qui coupe un pain dans la marmite,
Qui fait la soupe de minuit,
Qui plante son vieux coutelas
Dans le bois de la table rêche.
L’horloge a peur de se tromper.
C’est pour cela que bat plus vite
Son balancier de vert de gris.
La flamme parvient à glisser
Sa langue au fond de la marmite.
Le berger prend son écuelle
Et parmi ses moustaches mauves
Il boit lentement son passé
Qui sent le mouton enragé.
Pour l’amour
À Jo et Miche
— Allons, debout, squelette, on ressuscite.
Assez dormi. Lève-toi vertement.
Reprends ta chair, elle est là qui crépite,
Hop, c’est le jour du dernier jugement.
— Eh, dit le mort, à chacun ses idées,
Baller encore et par vaux et par monts?
Zut, j’aime mieux le confort du limon
Où je savoure un orteil d’orchidée.
Moi, me lever, pourquoi? Pour comparaître
Sur un plancher qui sent fort l’échafaud.
Corbleu, dis-leur que je préfère d’être
Tout simplement condamné par défaut.
Debout ! criait l’archange des tempêtes,
Remets ta peau, Dieu va la dorloter,
C’est pour l’amour que sonne ma trompette,
C’est pour l’amour qu’il faut te recharner.
J’endosserais comme un jeune costume
Ce corps tout neuf qui vient de regermer
J’enlacerais quelque tendron posthume.
Si je reviens, ce n’est que pour aimer.
JEHAN L'ADVENU**
À Robert et Marie-Hélène Vigneau
Puis il revint comme il était parti,
Bon pied, bon œil, personne d'averti,
Aux dents, toujours la vive marguerite,
Aux yeux, toujours la flamme qui crépite.
Mit sur ta lèvre, Aline, son baiser,
Mit sur la table un peu d'or étranger.
Chanta, chanta deux chansons de marine,
S'alla dormir dans la chambre enfantine.
Rêva tout haut d'écume et de cavales,
S'entortilla dans d'étranges rafales.
Puis au réveil, quand l'aube se devine,
Chanta, chanta deux chansons de marine,
Fit au pays son adieu saugrenu
Et s'en alla comme il était venu.
** Chanson interprétée par Georges Brassens sur une musique de Jacques Yvart.
Jeanne Moreau - Chanson à Tuer
Plante ce couteau, minette
Mais droit au coeur s'il te plaît
La besogne à moitié faite
Et les meurtres incomplets
Font horreur à l'âme honnête
Qui n'aspire qu'au parfait
Qui n'aspire qu'au parfait
Parfait, parfait, parfait
Les couteaux à cran d'arrêt
N'ont cure des pâquerettes
L'homme dort comme un boulet
Plante ce couteau, minette
La nuit saoule de planètes
Ne se souviendra jamais
Ne se souviendra jamais
Jamais, jamais, jamais
Droit au coeur, au coeur discret
Qui dans son profond palais
Sait mourir sans chansonnette
Plante ce couteau, minette
La nuit saoule de planètes
Ne se souviendra jamais
Ne se souviendra jamais
Jamais, jamais, jamais
Ne se souviendra jamais
Paroles: Norge
Musique: Michel Philippe-Gérard
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