Vous êtes belle. Vous êtes démoniaque.
Sterpenich ! Quand je pense que vous m'avez forcée à le lire en première année !
Le Professeur. Ne me dites pas que vous l'avez vraiment lu.
Marina. Mais si, professeur. Je n'ai jamais été assez intelligente pour faire semblant d'avoir lu un livre. J'ai lu tout Sterpenich.
Le Professeur (se tournant vers Daniel). Vous vous rendez compte, Daniel ? Nous avons des étudiants qui lisent des livres que nous leur demandons de lire ! Si j'avais su, j'aurais eu quelques scrupules en dictant les listes de lectures obligatoires ! Ma pauvre petite, je suis désolé.
La nature est injuste. Les hommes ont toujours été moins frileux que les femmes. Grâce à la guerre, j'ai compris que c'était ça la plus grande différence entre les sexes.
LE PROFESSEUR: Vous vous imaginez que je vous désire ? (Silence) Désolé de vous décevoir je ne vous désire pas du tout. (Silence. Il retourne s'asseoir.) Vous êtes trop maigre pour susciter le désir.
L’évêque Remi baptisait Clovis en disant : « Brûle ce que tu as adoré, adore ce que tu as brûlé. » Cette phrase m’a toujours fasciné. Elle est devenue mon emploi du temps.
Oui. Et puis c’est si confortable de continuer à salir la réputation d’un livre. Aucun risque que le bouquin se venge : c’est ça qui est bien avec la littérature. On peut tout se permettre. Vous me dégoûtez, Professeur !
Laissez-moi deviner : vous vouliez que ce soit vous, le méchant, n’est-ce pas ? Vous vouliez que ce soit moi, la victime ? Le problème, c’est que je n’ai pas du tout envie d’être la victime, et que j’ai même très envie d’être la méchante. Et c’est ça qui vous déplaît, n’est-ce pas ? Eh bien moi, si ça vous déplaît, ça me plaît encore plus ! (Elle est à présent le long de son corps, elle a un sourire démoniaque. Il reste de marbre.)
Depuis le temps que je suis en enfer, comment ne serais-je pas devenue démoniaque ? L’enfer, c’est le froid, et si vous saviez combien le froid s’est installé au fond de moi ! Un corps glacé, ça n’a qu’une seule idée, c’est de trouver quelque chose de chaud, n’importe quoi, et de s’y agripper, d’absorber sa chaleur, de la lui prendre. Ces quelques degrés qui ont creusé un tel gouffre entre vous et moi, qui font de vous un être humain et de moi un animal en enfer.
Je m’arrangerais pour avoir toujours chaud, mais je ne ferais rien de ma vie. À cause de cette guerre, je n’aurai jamais envie de construire quoi que ce soit. Ce qui me fait rêver, c’est la chaleur, pas la vie. Comment pourrais-je tenir à la vie, depuis que je connais sa vraie nature ?
Y a-t-il, dans ce sujet, ce verbe, ce complément, cet adverbe, y a-t-il quoi que ce soit qui vaille une belle flambée au cœur d'un poêle ? Le sens profond (ou supposé tel) de cette phrase est-il plus nécessaire à ma vie qu'un degré de plus dans cette pièce ?