C'est l'anti '
Biographie de la faim". Là où dans ce dernier,
Amélie Nothomb relatait sa longue descente dans l'enfer de l'anorexie, vécu (et ce n'est probablement pas un hasard) aux États-Unis, l'auteur revient vers ce pays mais sur la voie de l'autofiction, et non du roman autobiographique.
La différence ? Cette fois-ci, le personnage d'Amélie entretient une correspondance avec un soldat américain pathologiquement obèse, qui vit dans la nourriture l'expiation morbide de ses crimes de guerre.
La maladie s'inscrit dans son corps, mais en relief - paradoxal, si on pense aux divers sens du terme "dépression". Ce roman épistolaire permet dès lors de tracer un parallélisme entre la jeune fille vivant l'Amérique comme un exil de son enfance japonaise, obsédée par sa propre maigreur, devenue une écrivaine qui s'affame et se nourrit de vide ; et le soldat américain exilé en Irak, tourmenté par son poids démesuré, artiste malgré lui grâce à la poésie inattendue de ces lettres fictives.
"In cauda venenum" : sous ses abords de fiction sympathique, le propos s'avère extrêmement corrosif, sans pourtant jamais frôler l'anti-américanisme primaire. C'est une belle réflexion que tisse là la prolixe écrivaine, avec son style inimitable qui réussit à trouver le comique dans la plus absurde des tragédies, celle de la guerre.