Je remercie Babelio et les éditions Belfond pour le roman «
Hamnet » de Maggie O'Farrell, reçu à l'occasion d'une masse critique spéciale.
Après «
L'étrange disparition d'Esme Lennox » et «
I am I am I am » que j'avais beaucoup appréciés, ce fut pour moi un réel plaisir qu'on m'offre la possibilité de poursuivre ma découverte des romans d'O'Farrell.
Que le titre de ce dernier roman ait la sonorité proche de l'une des plus grandes tragédies de
Shakespeare n'est pas du tout fortuit.
Hamnet était en effet le fils de
Shakespeare, mort en 1596, à l'âge de 11 ans.
Et comme beaucoup d'autres ont pu l'être, l'auteure irlandaise, intriguée par la similitude entre le prénom du fils et la célèbre pièce de théâtre (dont la 1ère représentation de la tragédie aurait eu lieu entre 1598 et 1601), en a tiré une histoire romancée. Si le dramaturge a pu être inspiré par d'autres oeuvres ou légendes pour écrire cette pièce, on peut tout autant imaginer que cette oeuvre théâtrale est en partie un hommage à son fils défunt.
Avant de commencer ce récit, je n'ai pas résisté à l'envie d'aller fouiller un peu dans la biographie de
William Shakespeare pour dénicher les (rares) informations sur sa famille ou sur la mort de son fils (dont la cause de l'épidémie de peste reste hypothétique).
William est le fils d'un gantier de Stratford-Upon-Avon. le renom de ce dernier est un peu en berne (mais il n'en est rien pour son côté buveur, violent et arnaqueur).
Une des hypothèses émise est que le jeune William va rencontrer sa future femme Agnès (ou Anne) Hathaway alors qu'il est précepteur et entretenir alors avec elle une liaison secrète. On sait en effet qu'ils vont se marier rapidement en 1582 (William n'ayant que 18 ans), car Agnès attend un enfant. le couple aura 3 enfants : Susanna née en 1583 et les jumeaux
Hamnet et Judith nés en 1585.
On sait également qu'en 1592, une épidémie de peste se déclare et
Shakespeare doit quitter Londres, du fait de la fermeture des théâtres (Ici, toute ressemblance avec notre période actuelle est purement fortuite…)
L'auteure a commencé à tisser une toile autour de la mort d'
Hamnet en remontant jusqu'à l'origine, à savoir la rencontre entre
Shakespeare et sa femme. L'histoire imaginée par O'Farrell alterne entre 2 périodes : celle de la rencontre entre le jeune
Shakespeare et sa future femme, leurs premières années de leur mariage et celle plus sombre annonçant la disparition d'
Hamnet.
Et pour une fois, ici,
Shakespeare est seulement William, pour ne pas dire seulement le mari d'Agnès. Car, dans ce roman, c'est surtout le personnage d'Agnès qui est mis en avant. Déjà, par la nature autoritaire du père, William est plutôt un adolescent effacé. Plus tard, il brillera par ses absences prolongées du fait de son travail de dramaturge nécessitant de résider à Londres. Au point que j'ai parfois eu du mal à me représenter
Shakespeare dans les traits de William. M'attendant à ce que l'homme célèbre soit au-devant de la scène, j'ai fini par trouver qu'il manquait d'envergure comparée à sa femme, tel un spectre au sein de sa famille.
L'amour entre les deux jeunes gens ne fait pas de doute (au moins dans cette histoire). Elle est charnelle, presque fusionnelle. William est très attiré par la beauté et la singularité de cette jeune femme. Tous deux sont attentionnés l'un vis-à-vis de l'autre (avant que le théâtre ne prenne tout le temps du dramaturge).
Agnès est une jeune femme différente des autres depuis son enfance. Elle a des dons de voyance, elle pratique l'apiculture et l'herboristerie et aime tout ce qui est en rapport à la nature. Ses particularités ajoutées à sa beauté et à sa nature solitaire font qu'elle est souvent rejetée jusqu'à être parfois considérée comme une sorcière. de par sa sensibilité aigüe, la mort de sa mère alors qu'elle était jeune (et pour avoir subi les animosités de ses belles-mères – la seconde femme de son père, puis de la mère de son mari), elle aime les membres de sa famille -son mari, ses enfants et son frère- au plus profond de sa chair.
Par une description minutieuse, Maggie O'Farrell a su recréer l'ambiance de l'époque et cette période d'épidémie. Et si le style d'écriture m'a parfois dérouté dans la première partie du roman, elle a ensuite réussi à m'embarquer grâce au personnage intéressant d'Agnès.
Sa façon quasi sensorielle de nous raconter les évènements l'est plus encore lorsqu'elle fait le portrait d'Agnès. Nous nous sentons physiquement proche de la jeune femme au point d'avoir la sensation de se retrouver en plein coeur de ses intuitions, ses interrogations, ses émotions. Au fil des pages, on éprouve un attachement de plus en plus vif pour cette femme hypra sensible, douce, ayant parfois des intuitions difficiles à gérer. A travers cette histoire, Maggie O'Farrell nous offre vraiment un beau portrait de femme.
Ce roman nous confirme, s'il en était encore besoin, ses qualités de conteuse. Et si l'histoire racontée n'est pas biographique ; si certains faits sont peut-être loin de la réalité (la connaitrons-nous avec certitude un jour ?), l'histoire d'amour entre les deux jeunes gens et surtout les personnages d'Agnès et
Hamnet sont si émouvants qu'on a envie d'y croire, ne serait-ce que le temps d'un roman.