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En ouverture du roman, un homme est à terre, victime de violences policières. Mais cet homme est un homme blanc, John Earle McClaren, un notable en retraite, citoyen exemplaire, qui s'est interposé entre la police et un jeune homme indien qui se faisait tabasser. Avec son assurance de Blanc respectable et ses manières courtoises. Sauf que la violence est aveugle, que les policiers sont déchaînés et hors de contrôle. Et, victime des brutalités, il va mourir.
C'est alors une histoire de famille qui va se mettre en place. Car Joyce Carol Oates excelle dans l'art de disséquer les dysfonctionnements de la cellule familiale, d'autant qu'elle se compose de 5 enfants adultes, très différents les uns des autres, emplis de ressentiments et de jalousie. Sans le patriarche, la famille se retrouve décapitée, désorientée .

L'épouse d'abord, celle qui incarnait l'épouse et la mère idéale, idolâtree comme une poupée fragile mais compétente. Elle va sombrer dans la dépression et la culpabilité, s'adressant à son mari comme s'il était encore présent, se négligeant et negligeant enfants et petits enfants. Désorientée, Jessalyn va finir par s'apercevoir qu'elle peut survivre à son mari et même connaître à nouveau l'amour, d'abord celui d'un vieux chat borgne et agressif, puis celui d'un homme d'un milieu social complètement opposé au sien.

Tour à tour, la narration se distribue, laissant la voix aux cinq enfants. Tous souffrent à leur manière de la disparition du père. Mais chacun a un rôle et une personnalité à assumer. Les aînés sont les plus mal lotis. Thom, heritier modèle de son père, veut tout gérer au point de prendre des décisions lamentables. Beverly essaie de reproduire le modèle maternel de l'épouse américaine mais échoue totalement. Lorene, qui voulait tant être admirée de son père, se comporte de manière abjecte dans son rôle de proviseur de lycée, n'hésitant pas à accomplir les pires abus de pouvoir.
Les deux derniers, Virgil et Sophia, sont plus proches de leur mère et acceptent davantage son changement de vie. Virgil est artiste, plutôt marginal, indigne de confiance selon ses aînés qui le détestent et plus occupé à découvrir son homosexualité Sophia, plus passive, s'éprend de son directeur de labo, bien plus âgé et envisage de reprendre ses études.

Comme dans tous ses romans, Joyce Carol Oates accorde beaucoup d'importance à la psychologie de ses personnages qui ont une véritable épaisseur et qui, malgré tous leurs terribles défauts, sont capables de susciter, si ce n'est de l'empathie au moins un peu d'indulgence tant elle décortique toutes les aspérités de leur personnalité.
Mais elle ne se cantonne pas au cercle familial et pose de véritables questions de société : le racisme, le sexisme, les violences policières, l'homophobie, l'hypocrisie sociale sont au coeur de ses romans qui prônent la tolérance sans la moindre démagogie ou opportunisme.
Un seul petit bémol à ce très bon roman : le dernier chapitre aux Galapagos ne m'a pas convaincue même si l'intention de l'auteure était de mettre en scène les sentiments ambigus de Jessalyn au cours de sa reconstruction, dans un eco- système qui révèle l'insignifiance des vies humaines. Un chapitre en trop à mon sens !
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Le 18 octobre 2010, John Earle « Whitey » McClaren (soixante-sept ans) ancien maire de Hammond (New-York) – et donateur des bonnes oeuvres de la police – est victime d'une violence aveugle (notamment à l'aide d'un taser …) de la part de deux policiers. Pris pour cible, après avoir voulu défendre le Docteur Azim Murthy (d'origine indienne) médecin à l'hôpital pour enfants de Saint-Vincent, lui-même agressé tout à fait gratuitement. Un homme coupable d'avoir une peau un peu trop « foncée », au goût de policiers racistes … John Earle McClaren décèdera le 29 octobre (onze jours plus tard) alors qu'on le croyait pourtant sorti d'affaire …

Ses cinq enfants (Thom, Beverley, Sophia, Virgil et Lorene) vont spontanément se rendre dans la maison familiale (au 99 Old Farm Road) auprès de leur mère (Jessalyn) une femme âgée de soixante ans, totalement effondrée …

La version officielle des forces de l'ordre : « un AVC au volant de sa voiture. Heureusement, les deux policiers se trouvaient (comme par miracle !) présents sur la bande d'urgence où Whitey s'est arrêté … Ils ont ainsi pu alerter les secours, lui sauvant (momentanément) la vie … » Justice sera-t-elle rendue à ce brave père de famille, mort prématurément suite à un tabassage en bonne et due forme ? …

Lors de la succession, la division en parts égales entre chaque enfant de la fortune de John McClaren va provoquer jalousie et rancoeur chez les trois ainés, persuadés d'avoir plus de droit (?!…) que leur deux cadets. Une fratrie désunie, dont chaque membre a ses démons (et ses faiblesses cachées …) L'auteure nous livre une étude – et une analyse – des habituels « non-dit » patriarcaux fort pertinentes. de la régulière difficulté à faire accepter son droit à la différence par ses proches, à la relation (trop souvent destructrice) au sein d'une cellule familiale quasi dévorante … de la souffrance des blessures (non refermées) de l'enfance, à la légitimité du droit au bonheur – ou à un nouvel amour – après un deuil douloureux … du respect (justifié) de tous les jardins secrets … En un mot comme en cent : de l'inextricable complexité des rapports entre des individus issus d'une même « couvée » …

Une sublime « comédie humaine » intimiste et contemporaine, brillamment orchestrée par la non moins fabuleuse Joyce Carol Oates ! Un roman foisonnant (901 pages) et une écriture d'une justesse éblouissante !
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Que c'est bon de retrouver Joyce Carol Oates ! Et comme il y en a pour 924 pages, c'est bon et c'est long. Mais jamais on ne s'ennuie.

En décrivant les effets de la mort soudaine de Whitey père de cette famille blanche aisée du nord de l'Etat de New-York sur les membres de la famille, l'autrice non seulement creuse le sillon intime de notre relation à la mort d'un être cher, mais scrute avec une acuité lucide une société sclérosée dans ces certitudes protectrices.

On suit le parcours de Jessalyn, l'épouse et ses cinq enfants (adultes). La mort de Whitey va faire basculer tous les solides appuis qui maintenaient cette famille en place. Chacun à sa façon va connaître le boulversement. Chacun dans ce naufrage va se raccrocher à ce qu'il peut, chercher sa bouée.

Et Jessalyn qui passera de l'état d'épouse à celle de veuve en sera l'exemple. Magistral de description, d'analyse et de pertinence dans la transcription évocatrice. Ce n'est jamais superficiel, jamais évident.

Avec brio, l'autrice joue avec les préjugés et les contradictions de chacun. Et si la chute de cette pierre angulaire, n'était finalement qu'un acte de destruction libérateur ?

Une super lecture.

Lien : http://animallecteur.canalbl..
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La famille McClaren a tout de la famille idéale. le père, ancien maire de la ville de Hammond, notable respecté et sa femme, appréciée pour sa gentillesse et sa générosité. Whitey et Jossalyn ont eu 5 enfants aujourd'hui adultes : Thomas l'aîné a repris l'entreprise familiale, Beverly la deuxième, est mariée à un banquier fortuné à qui elle a donné deux enfants, Lorene la troisième, est devenue une jeune proviseure de lycée, le quatrième Virgil est artiste dans une communauté hippie (toute famille qui se respecte se doit d'avoir un canard boiteux) et enfin Sophia la dernière est dans la recherche scientifique.
Jusqu'au jour où en rentrant chez lui, Whitey s'arrête sur le bord de la route, apercevant un homme de couleur tabassé par la police et reçoit en retour quelques coups de taser et de pieds. Emmené à l'hôpital (officiellement pour un AVC), Whitey McClaren est entre la vie et la mort. Un événement qui va complètement bouleverser la famille. La vie de chacun, épouse et enfants va être bousculée.
Et là, Joyce Carol Oates n'y va pas avec le dos de la cuillère, utilisant même une arme rare chez elle, l'humour ! Elle décortique passé et présent de chacun des membres de la famille “parfaite”, tous plus ou moins névrosés. Et que dire, quand quelques mois après le décès, débarque un homme prêt à séduire Jossalyn ! D'autant plus que celui-là est portoricain (donc plutôt bronzé), artiste et l'exact contraire de Whitey !
Par le portrait de cette famille, l'autrice décrit la société américaine actuelle, avec ses déboires, ses failles, ses tares. Un racisme systémique, un police violente et limite mafieuse, un dieu argent censé régler tous les problèmes, des communautés qui vivent les unes à côté des autres tout en s'ignorant, une judiciarisation de tous les épisodes de la vie, un égoïsme et un égotisme grandissants…
Dans cet ample roman, difficile parfois de suivre la famille McClaren dans ses aventures, tellement ceux-ci sont souvent insupportables. Mais Joyce Carol Oates manie avec sa plume avec tellement de talent que l'on ne s'ennuie pas une seule seconde, prenant du plaisir à les détester ! Délicieux.
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Je suis une adepte des livres de Joyce Carol Oates et là encore j'ai dévoré ce livre. Fine observatrice, Joyce Carol Oates décrit minutieusement l'onde de choc, le chaos créé par le décés d'un membre de la famille, le père' qui avait une place primordiale pour sa femme et ses enfants. Tout est parfaitement décrit : les étapes du deuil, les différentes passages de la veuve (rêves, présence du défunt d'où le souhait de solitude pour vivre encore avec lui....), les réactions outrancières des enfants, les points de vue, les comportements. Une famille qui vole en éclats, les névroses et traumatismes des enfants apparaissent selon la place dans la famille et la grandeur de l'ombre du défunt. Les sujets suivants : statut de veuve, le racisme, le couple, la place de la femme, l'âge, le second mariage, le carriérisme ou le renoncement aux biens matériels, la position sociale, les abus policiers qui s'insèrent tout au long du récit décrivent une société minée par les apparences . Les toutes dernières pages sont magnifiques, bouleversantes.
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Lorsque John Earle McLaren - l'époux, le père, le patriarche, l'idole, la référence, le fondateur, Whitey pour les intimes - meurt a l'hôpital après avoir été passé a tabac par la police d'Hammond, il laisse derrière lui une famille abasourdie, qui doit tenter de se reconstruire, malgré tout. Sa femme, Jessalyn, doit faire face a l'onde de choc qui l'assaille. D'une violence dont elle ne soupçonnait même pas l'existence. Quant à ses cinq enfants, ils gèrent leur deuil chacun à leur manière.

Cette histoire, c'est l'histoire de leur reconstruction et de leur envol. Car si chacun aimait profondément Whitey, nul doute qu'il jouissait d'une ascendance sur tous ses proches, même de façon inconsciente. À commencer par sa femme qui, bien que profondément amoureuse, se rend compte à soixante ans, que cela fait des années qu'elle ne vivait qu'à travers la dévotion qu'elle portait à son mari. Aujourd'hui, alors qu'elle ne rêve que de solitude et de temps pour elle, les cartes sont redistribuées et elle se retrouve, bien malgré elle, le nouveau pilier de cette famille endeuillée.

Cela va sans dire, JCO explore la psychologie de chacun des personnages avec une grande finesse. Sa façon de décrire les relations au sein de la fratrie, les jalousies et conflits qui s'y jouent sont incroyables de justesse. Elle maîtrise l'art de dire beaucoup en peu de mots à la perfection.

Pourtant, à mon sens, le roman souffre de quelques longueurs et redondances qui desservent le récit, notamment sur la fin. Étalée sur plus d'une année, la reconstruction de la famille McLaren s'essouffle peu à peu… et la dernière partie du roman est, à mon sens, de trop.

Cependant, JCO décrit avec beaucoup de justesse les douleurs psychologiques d'une famille face à la perte brutale et injuste de leur pilier et dresse un portrait sans concession d'une génération qui se veut bien sous tous rapports et qui, pourtant, accumule les préjugés sans gêne.

Une lecture intense, bien qu'un peu prolixe par certains côtés. J'en garde, cependant, un très bon souvenir.
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Quand je lis un livre de JCO, c'est comme si je rentrais à la maison. Je ne sais comment expliquer cela : paix, chaleur ...
Ce dernier roman est encore une fois une splendeur : il a l'ampleur de "Eux" ou de "Nous étions les Mulvaneys". C'est l'histoire d'une famille ou plutôt sa désintégration et sa reconstruction à partir du moment où le patriarche, à la forte personnalité, décède. Soudainement, tous les rôles sont redistribués, plus rien n'est sûr.
La veuve, femme discrète, qui semble basculer au moment du décès, déploie ses ailes. Les aînés, voient leurs certitudes basculer, leurs univers respectifs s'effondrer. Les deux plus jeunes, ceux qui tenaient le second rôle, se révèlent : leur empathie n'est plus synonymes de faiblesse, leur capacité à se remettre en cause est un atout.
Que devenons-nous lorsque nous perdons notre "nord" familial, émotionnel, personnel ? Pouvons-nous dépasser le "marquage" de l'univers social dans lequel nous évoluons ? Comme bien souvent, JCO parle de nous, d'elle, des autres et c'est encore ciselé.
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Ouvrir un roman de Joyce Carol Oates augure toujours de belles promesses. Sous ce titre étrange, ce cache un grand roman de famille. Même si il fait plus de neuf cent pages, ce roman ne déçoit pas. L'autrice y raconte l'onde de choc provoquée par la mort du père au sein d'une famille de cinq enfants. Un roman intime mais traversé par les grands débats qui déchirent les États-Unis.

John Earle McClaren, l'ancien maire de Hammond, dans l'état de New York, est un homme respecté. Père de cinq enfants, il est admiré par sa famille dont il est le pilier. En octobre 2010, alors qu'il revient d'une soirée municipale, il est témoin d'une agression faite par deux policiers contre un jeune homme à la peau foncé. Il tente de s'interposer mais reçoit des coups de taser qui l'envoient au sol. Son AVC, puis son décès, sont un choc pour sa famille. Il était ce qui les reliait tous les uns aux autres. Jessalyn, sa femme, se retrouve seule. Les cinq enfants accusent les coup chacun à leur manière. Pendant plus d'un an nous les suivons dans les étapes de leur deuil et dans leurs tentatives de renaître après une perte si terrible. Progressivement la dislocation de la famille se met en oeuvre, peut-etre pour recomposer un nouveau schéma.

Jessalyn a toujours vécue dévouée à son marie. Dans son ombre, chéri par celui-ci, elle n'avait pas de decision à prendre. Mise presque sous cloche, la chère épouse, demeurait en retrait. La mort de son mari laisse donc un vide immense. Elle peine à trouver comment rebondir et ses enfants, préoccupés, ne cesse de lui dire quoi faire. Elle devient une petite chose à protéger. Jessalyn est le personnage central du roman. L'absence redéfini la place de chacun et elle devient le noyau de la famille bien malgré elle. Alors qu'elle aspire à la solitude pour mieux se reconstruire, ces enfants ne cessent de vouloir lui dicter sa conduite afin qu'elle demeure la femme que leur père aimait et uniquement cela. Ses errances, ses hésitations et ses angoisses sont finement traduites. Malgré quelques longueurs dans les chapitres la concernant, nous découvrons une femme qui progressivement tente une émancipation. La mort détruit tous les schémas prédéfinis et l'oblige à penser pour elle et à elle.


Les cinq enfants, adultes et préoccupés par leurs propres vies, peinent à s'entendre. Ils sont tous très differents et vivent leur deuil chacun de leur coté. Chacun à dans la famille a une place défini et tous vouent une admiration sans borne pour leur père. L'équilibre qu'ils s'étaient construit s'effondre avec la mort de ce dernier. Ils doivent faire face à eux même. L'autrice, dans son écriture arrive à nous retranscrire leur état d'esprit. La colère, le désespoir ou l'angoisse passe au travers de ses mots et viennent percuter le lecteur. La plume de Joyce Carol Oates s'adapte à l'état d'esprit de ses personnages et nous entraîne dans leur intimité la plus profonde.

Le roman alterne entre les divers personnages sans logique apparente. Progressivement nous en apprenons plus sur chacun d'entre eux et des révélations se font jour. Les points d'orgues du romans sont les moments où toute la famille se retrouve, comme lors de l'ouverture du testament ou pour Thanksgiving. Ces scènes sont saisissantes, elle mettent à jour certains mécanismes et certaines habitudes qui structurent la famille.

Le roman est globalement pessimisme car on assiste au délitement d'une famille incapable de partager une peine commune. Unis en apparence, ils n'arrivent pas à faire bloc dans l'intimité. Mais l'espoir ce fait jour par moment grâce à des quelques épiphanies. L'autrice, qui nous a habitué à des romans bien plus noirs, ménage une issue à ses personnages. En toile de fond on trouve également la question des violences policières. A travers le parcours des enfants, Joyce Carol Oates questionne aussi la notion de réussite et l'hypocrisie qui entoure ce concept. le sexisme et l'homophobie jalonnent aussi son récit et l'ancre dans une société pleine de contradictions.

Les McLaren m'ont accompagnée pendant dix jour et refermer ce lourd roman a presque été un déchirement. Je suis encore une fois impressionnée par le talent de Joyce Carol Oates pour disséquer les dysfonctionnements des relations entre les humains. Elle nous offre un portrait de famille crédible où tous ont de l'épaisseur et de la chair. Encore un incroyable moment vécu grâce aux mots de la grande Joyce.
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Pavé de 924 pages au bout duquel je suis arrivé avec un peu de la satisfaction du devoir accompli. J C Oates est un auteur prolixe, c'est peu de le dire, et ce roman en est une illustration. Malgré ses indéniables qualités, qu'aurait-il perdu à un sérieux travail d'élagage ? Il s'agit, il est vrai, de raconter comment toute une famille (la mère et cinq enfants adultes) réagit à la disparition brutale (brutale à plusieurs points de vue) de l'époux et père, surnommé « Whitey », le grand homme, la référence, le fondateur. C'est sur le cas de Jessalyn, l'épouse endeuillée, que JC Oates s'attarde le plus. Plongée redoutable dans l'abîme d'une désolation qui malgré un retournement de situation final laisse nécessairement des traces, ce qui élève le roman jusqu'à une vue philosophique saisissante, ni pessimiste ni béate, justifiant (selon moi) la dernière partie située aux îles Galapagos. Au bout de ces centaines de pages, la famille Mc Claren nous devient complètement familière, criante de réalisme. Et pourtant…. Pourtant l'analyse paraît stagner, se répéter ad nauseam, incitant à sauter des passages qu'on a l'impression d'avoir déjà lus plusieurs fois. Et puis ces personnages sont-ils si vraisemblables que ça ? On les voit stagner dans leur détresse ou leur profond malaise, interminablement, et puis le ciel se dégage brusquement, sans logique certaine (peut-être qu'il n'y en a pas dans la vie réelle, en effet, mais dans les romans?) Paradoxalement, le personnage qui prend le plus de réalité pour le lecteur, finit par être …. le disparu lui-même, qui ne manque pas d'ambiguïté ! Pour être complet, certains passages sont au contraire d'une remarquable densité, et méritent la plus grande attention. Les pratiques d'une certaine police aux USA sont dénoncées de façon magistrale et glaçante, tout comme le cloisonnement d'une société américaine (Blancs, Noirs, Hispaniques) toujours bien réel ; on apprend plein de choses étonnantes sur le rôle d'un proviseur de lycée, et l'avant-dernière partie du roman se termine par une description d'une journée de Thanksgiving digne d'anthologie.
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Sans Whitey, son mari, si grand, si fort, si apprécié de tous, si bon père, si aimant Jessalyn n'est plus qu'une fragile petite chose.
Certes cette mort est tragique, d'autres s'étendront à ce sujet. Je dirai seulement qu'il est question de racisme dans ce livre. Car il est tellement foisonnant que l'on ne peut tout traiter. Je choisis l'angle familial.
Joyce Carol Oates écrit des phrases sublimes sur les états d'âme de « la veuve ». On sait qu'elle-même a vécu le veuvage deux fois et qu'elle sait donc de quoi elle parle. Mais son talent est si grand qu'elle sait parler de tout avec légèreté mais aussi gravité!
Jessalyn, donc, ne vivait qu'à travers son mari et ses cinq enfants, dans une famille qui semblait très unie tant que le Pater Familias était là. Tous sont dévastés et c'est surtout leur vie d'après que raconte le livre en alternant les points de vue.
Jessalyn se réfugie dans la maison de famille, et ressent toute visite, même celles de ses enfants comme intrusive. Ceux -ci rivalisent pourtant d'initiatives pour l'entourer, la protéger, car c'est de cela dont elle a besoin, pensent ils tous ou presque.
Du fils ainé, Thom, brillant fort et sûr de lui qui était promis à succéder à son père aux deux filles cadettes, Beverly et Lorene, toute deux un peu hystériques et surtout très attachées à la norme ils s'entredéchirent sur la bonne façon d'entourer leur mère, et, surtout, de ne pas la laisser s'écarter de « ce qu'aurait dit Papa ».
Les deux derniers ont un peu plus de recul ; surtout Virgil le jeune frère qui n'a pas suivi la trajectoire tracée par son père et qui se sentait désapprouvé. Artiste, au style de vie « hippie », il n'était soutenu, en secret, que par sa mère. Sophia quant à elle, est un perdue entre ses ambitions professionnelles et sa dévotion à un homme beaucoup plus âgé qu'elle. Ces deux là portent un regard plus nuancé sur la nouvelle vie de leur mère.
Le tsunami que représente la disparition de leur père va leur faire remettre à tous, sauf Virgil, leur vie en question.
Je ne veux pas non plus raconter la renaissance de Jessalyn, qui a elle seule ferait un roman.
La façon de raconter les choses de est tellement vivante, tellement proche des sentiments que nous pouvons tous ressentir, tellement reliée à notre monde, qu'elle nous « scotche » au récit !
Après « Un livre des martyrs américains » son dernier roman, JCO nous offre encore un magnifique roman sur les problèmes de la société américaine (la nôtre aussi) et les relations inter familiales.
Cette femme a un talent fou !


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