Octobre 2010, l'ancien maire de Hammond, John Earle McClaren, surnommé Whitey, soixante sept ans, propriétaire d'une société prospère, tente de ramener à la raison 2 policiers brutalisant un homme à la peau foncé sur le bord de la route. Il est sauvagement agressé à son tour à coups de Taser. Après un AVC et un long coma suivi d'un rétablissement douloureux, une infection foudroyante va le tuer. Cette mort va provoquer un séisme dans cette famille qui semblait très soudée autour de ce père, véritable patriarche, et faire apparaître les ressentiments de chacun.
L'auteure nous fait pénétrer dans l'intimité de ses personnages et nous brosse un portrait psychologique poussé et subtil. Leurs réactions et leurs attitudes à proximité de la mort : « tout adulte n'est qu'un enfant quand l'un de ses parents meurt ».
Jessalyn, veuve de Whitey, épouse et mère exemplaire, a toujours vécue au second plan, dévouée à son mari. Elle s'abandonne à son chagrin et semble ne pas trouver la force nécessaire pour vivre. « Pauvre femme, elle doit avoir plus de soixante ans et sa vie est finie. »
Thom, le fils ainé, beau garçon, solide successeur de son père à la tête de l'entreprise, perd ses repères et s'éloigne de sa femme et de ses enfants.
Beverly, l'ainée des filles, mère de famille, femme au foyer, fidèle épouse d'un mari qui l'est moins, se console dans la boisson.
Loren, célibataire, proviseure d'un lycée coté, entièrement consacrée à ses responsabilités, fait preuve d'abus de pouvoir vis à vis des professeurs et des élèves et sombre dans la dépression.
Virgil, le vilain petit canard de la famille, artiste, poète, à la relation tendue avec son père, rejette le modèle américain de ses parents, vit dans une communauté et cherche un sens à son existence.
Sophia, l'intellectuelle qui veut réussir, jeune femme ambitieuse désireuse de faire carrière, finit par lâcher prise et abandonne un poste prometteur dans un laboratoire.
Puis, contre toute attente, celle qui vivait comme une somnambule dans le souvenir exclusif de son mari, fait une rencontre qui va bouleverser sa vie et devenir une véritable histoire d'amour avec un homme « cubain, communiste », poète et photographe de talent, complètement opposé et different de son mari. A-t-elle droit à un nouveau bonheur ? Peut-on encore aimer quand on est vieux ?
Les réactions des enfants face à cette nouvelle situation seront pour certains violentes, considérant cette relation comme une
trahison à la mémoire du père. Leur mère ne réagit pas comme une veuve le devrait. Sa vie leur appartient : « si notre mère devient quelqu'un d'autre , nous ne saurons plus qui nous sommes ».
Dans ce roman,
Joyce Carol Oates nous montre avec réalisme l'épreuve douloureuse du deuil, du chagrin provoqué par la disparition de l'être aimé, l'expérience du veuvage et les difficultés de retrouver goût à la vie. Elle explore la dislocation d'une famille, les jalousies, les rivalités et les ressentiments entre frères et soeurs. Elle fait un portrait sans concession et sans démagogie d'une certaine Amérique, d'une société bourgeoise suffisante, dénonce les violences policières, le racisme et l'homophobie. «
La nuit. le sommeil. La mort. Les étoiles » est un grand et beau roman (924 pages, et quelques longueurs) que l'on quitte à regret.