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sur 490 notes
C'est le récit de Skyler Rampike, 19 ans, qui a saisi sa plume, impérieusement, en une ultime tentative pour comprendre pourquoi il en est là, avec ses angoisses, ses médicaments, ses envies suicidaires, sa solitude…
Alors il va écrire, essayer de se remémorer son passé avec le souci obsessionnel du détail qui le caractérise un peu, même si tant de souvenirs se refusent à lui. Il va raconter son enfance et celle de Bliss, sa soeur cadette, de trois ans plus jeune que lui, la jeune championne prodige du patinage sur glace, retrouvée assassinée dans le sous-sol de la maison familiale.
Évidemment que traumatisme il y a pour l'enfant survivant, pour celui qui perd sa petite soeur, pour ce petit bonhomme de neuf ans à l'époque qui voit sa famille exploser. Mais de part l'étrangeté du crime, auquel la police répond rapidement par l'arrestation d'un coupable sans pour autant en apporter la preuve, mais également en raison de la notoriété déjà importante de la petite victime innocente, les médias s'en mêlent, les réseaux sociaux s'en emparent et voilà la famille Rampike vouée aux gémonies.
Et si c'était le père ? Un homme arriviste, carriériste, alcoolique, volage et menteur…
Et si c'était la mère ? Une femme frustrée, manipulatrice, socialement inadaptée et lourdement médicamentée...
Et si c'était le frère ? Un enfant caractériel, jaloux, déséquilibré et instable…
Toutes ces questions, les tabloïds s'en délectent, s'en repaissent, mais Skyler, lui, est perdu.
Serait-ce possible que ce soit l'un d'entre eux ? et si c'était lui…
Bienvenue dans son enfer.

Peu d'auteurs ont la capacité ou le talent de m'effrayer. Il est rare que je doive reposer un livre pour respirer, pour digérer, me reprendre ; avec le King, je l'avoue, ça m'arrive, ou Augustin Gomez-Arcos sur certains de ses romans. Mais là, celui-là, il m'a fait passer par tous les états : l'effroi, la colère, l'abattement, la peine, l'angoisse… Et pourtant, j'étais prévenue, dès les premières pages : « Les familles dysfonctionnelles se ressemblent toutes. Idem pour les survivants ».
Le décor était planté. Et je connais Joyce Carol Oates, elle n'épargne personne, ni ses personnages ni ses lecteurs, non par manque d'empathie, bien au contraire, mais mue par une volonté sincère de saisir une réalité au plus prêt, au plus intime.

Beaucoup de thèmes sont abordés dans ce récit  : l'ambition, la religion, le statut et l'ascension sociale, la psychanalyse, la médication... mais surtout, à mes yeux, la parentalité et l'enfance.
Ce roman, écrit à la première personne, contient la tentative de l'enfant devenu jeune adulte de découvrir qui sont vraiment ses parents, avec tout autant d'amour que de souffrance. Sa mère par exemple nous apparaît au prisme de son regard comme une femme dominatrice, voire manipulatrice, et prête à tout pour être sous les projecteurs, mais également comme une femme blessée dans son mariage et souffrant d'un manque de reconnaissance et de confiance en soi, en lien avec une enfance meurtrie. Son père, si impressionnant physiquement et socialement, l'ancien joueur de foot populaire devenu homme d'affaires redoutable, apparaît lui aussi handicapé relationnellement, incapable de nouer des relations avec ses proches, en lien apparemment avec la froideur de sa propre mère.
Quand un enfant, comme Skyler ou Bliss, se trouve ainsi connecté sur l'inconscient de ses parents, confronté à leurs problèmes en toute lucidité enfantine, et donc relié en quelque sorte à leurs enfants intérieurs, il sait sans en avoir conscience, il devine leurs besoins d'assistance, de réparation. Et c'est ce phénomène, que Joyce Carol Oates décrit admirablement, qui m'a le plus frappée et traumatisée : cette injonction que se donnent les enfants eux-mêmes à rendre leurs parents heureux et fiers, s'offrant comme en sacrifice à l'hôtel de la rédemption parentale.

Comme toujours, Joyce Carol Oates ne porte aucun jugement, ni ne nous donne la clef du paradis : elle "dissèque avec virtuosité la noirceur des âmes autant que la complexité des sentiments."
C'est dur. C'est violent. Mais c'est nécessaire.
Ce courage dans l'écriture, cette acuité dans l'analyse : la « Dark lady » ne cesse de me surprendre, de m'enseigner aussi. Me fait grandir.
Merci à elle.
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La petite Bliss Rampike n'a que 6 ans quand elle est retrouvée assassinée dans le sous-sol de sa maison. Qui s'en est pris à cette minuscule star des patinoires, connue dans le pays tout entier pour son talent sur la glace ? Il y avait trop d'admirateurs autour de la fillette. Il y a eu trop d'aveux, trop d'indices, trop de sources anonymes, trop d'incertitude. Neuf ans après le drame, Skyler écrit sur la mort de sa soeur, les années qui ont précédé, les jours qui se sont précipités avant la tragédie, l'odieuse couverture médiatique et la vie après tout ça. Alors qu'il n'avait que 9 ans, le garçon a été soupçonné d'avoir tué sa soeur, par jalousie et par rancoeur. Il a toujours clamé qu'il n'y était pour rien et le répète dans son texte. « Faites-moi confiance ! Je jure de ne dire que la vérité telle que je l'ai vécue. » (p. 25) Pourtant, tout porte à croire que Skyler n'est pas digne de confiance : drogué, malade, instable, le jeune homme a bien mal abordé le virage de l'adolescence après l'horreur qui a ébranlé sa famille. de souvenirs mêlés en chronologie malmenée, Skyler tente de rassembler des faits qui expliqueraient – peut-être – pourquoi Bliss a été assassinée. Il nous fait entrer dans l'intimité malsaine de la famille Rampike où le père est un géant adoré et craint et où la mère est aussi frustrée qu'angoissée. Betsey est obsédée par la réussite de ses enfants et par la reconnaissance sociale : elle est prête à tout pour être acceptée dans la bonne société de Fair Hills, et Bliss est le tremplin parfait pour cela. « Populaire ! En Amérique, y a-t-il autre chose qui compte ? » (p. 193) Chaque évènement que raconte Skyler fissure un peu plus le portrait de famille qui se racornit jusqu'à devenir un petit bout de charbon malodorant.

Le lecteur sait le drame avant même d'ouvrir le roman puisque la quatrième de couverture l'annonce sans ambages et que l'intrigue est plus ou moins inspirée de faits réels. le récit de Skyler nous fait tourner autour de l'assassinat, aller à rebours de cette mort atroce et anticiper la suite. « de ce jour, et pour toujours, ils vécurent tous horriblement et eurent beaucoup de tourments. » (p. 373) Dans ce conte de fées qui tourne au cauchemar, il faut être très attentif aux notes de bas de page dans lesquels Skyler se livre et se raconte sans masque, se voyant lui-même comme une note de bas de page dans l'histoire des Rampike. Ces annotations symbolisent la détresse d'un petit garçon qui a vite compris qu'il était le moins aimé des deux enfants de la famille. Alors, c'est certain, Skyler était délaissé et jaloux, mais surtout profondément malheureux. Et il a porté cette peine pendant des années, car comment vivre encore quand l'enfant chérie n'est plus ? À force de ressassements, de ruminations et de pardons, Skyler saura-t-il laisser tout cela derrière lui ? « Ta soeur est morte. Tu es vivant. Et alors, ensuite ? » (p. 646) Une fois encore, Joyce Carol Oates dresse un portait amer de la famille américaine moyenne et de la société des médias. Elle lance quelques coups de griffe bien acérés contre le business des enfants stars et contre le sacrosaint modèle du self-made-man à qui tout réussit. Ce long roman fend le coeur à plusieurs reprises et interroge habilement les relations au sein d'une fratrie. Chanceuse que je suis d'avoir grandie avec des frangins et des frangines à l'écoute, généreux et heureux !
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Bon, ben voilà : "Blonde" , de la même auteure, a trouvé un sérieux challenger. Jusqu'à présent, la fausse biographie de Marilyn était mon roman préféré de Joyce Carol Oates, mais celui-ci est bien parti pour se hisser à la première place ex aequo.

La grande force de Joyce Carol Oates réside en général dans la psychologie de ses personnages. Et une fois de plus, dans "Petite soeur, mon amour", elle ne déçoit pas les fans de son style.
L'auteure construit tout d'abord un personnage principal abîmé par la vie et, surtout, par ses proches, ce qui lui permet d'exploiter un énorme panel d'émotion : rage, solitude, dépression, ressentiment,...
Mais la force de ce roman ne réside pas seulement dans ce que Joyce Carol Oates écrit : ce qu'elle n'exprime pas est tout aussi fort. Ainsi, jamais l'auteure ne se pose-t-elle, par le biais de ses personnages, en juge de la conduite de la mère de Bliss. Pourtant, quand on lit l'histoire de cette petite fille, on se pose forcément une question qui nous revient de façon récurrente à l'esprit à la lecture de ce roman : une mère a-t-elle le droit de vivre par procuration à travers ses enfants ? Parce qu'elle-même a raté sa carrière de patineuse, a-t-elle le droit de transformer Bliss en enfant star du patinage artistique ?
D'autres éléments posent question : le fait pour la mère de quasiment ignorer son fils parce que celui-ci n'est pas la star de la famille ; le fait pour le père d'être constamment absent. Cette famille est profondément dysfonctionnelle et c'est cela qui provoque un bon nombre des problèmes dont Oates nous parle dans ce roman.

Encore une grande réussite de la part de cette grande dame de la littérature américaine. A découvrir au plus vite !
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Ça ne traîne jamais en longueurs avec Joyce Carol Oates; son immense talent d'écrivaine rend compte de façon toujours originale des histoires qu'elle se plaît à nous raconter. Petite soeur, mon amour, c'est le récit romancé d'un fait vécu, la mort violente et non résolue de JonBenét Ramsay, six ans, survenue à son domicile en 1996. Petite miss beauté américaine, elle est ici incarnée par Bliss Rampike, jeune patineuse artistique douée, entraînée à l'excès par sa mère dans une longue litanie de concours de performance. C'est la voix de son frère Skyler que l'on entend, se confiant au lecteur sur les événements funestes qui ont marqué sa vie à jamais. S'imaginant avoir été le tueur, le garçon, perturbé, connaîtra divers diagnostics de troubles mentaux traités par un grand nombre de psychotropes qui lui causeront une dépendance. Interné et confié aux soins d'écoles privées hautement spécialisées, Skyler passera difficilement le cap de l'adolescence . Au-delà de la résolution d'un meurtre horrifiant, Joyce Carol Oates pose un constat dur sur la parentalité déficiente et la surmédicalisation des problèmes de santé mentale chez l'enfant.
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Et voilà, elle m'a eu. Encore.
Pourtant cette fois, c'était pas gagné ! Pour commencer, ni le titre ni la couverture ne m'inspiraient vraiment. Quant à l'univers des mini-Miss et du patinage artistique dans lequel nous plonge le roman, il m'est complètement étranger et je craignais qu'il ne me passionne guère. Et pourtant, comme toujours disais-je, elle m'a eu.
Joyce Carol Oates est décidément très forte !

A l'image de l'excellent Truman Capote, décryptant dans le détail un quadruple meurtre survenu au Kansas en 1959*, JCO s'empare d'un fait divers sordide (en l'occurrence l'assassinat inexpliqué d'une fillette de 6 ans, future star du patin, qui en 1996 avait bouleversé l'Amérique), et le décortique en profondeur.
Elle tourne autour, s'en éloigne avant d'y revenir et s'attarde sur le pesant climat familial, en adoptant pour ce faire le point de vue de Skyler, le frère aîné de la victime. C'est justement cet angle d'attaque, l'omniprésence de cette voix-off très convaincante, l'ampleur de ce vrai-faux témoignage (d'allure un peu chaotique), rédigé dix ans après les faits comme un journal intime riche en digressions, en remises en questions, en souvenirs tantôt confus et tantôt terriblement précis, en renvois divers et autres notes en bas de pages, qui font toute la force et l'originalité du roman !

La construction, un peu déroutante au début, s'avère particulièrement efficace et confère au texte une grande crédibilité. Bien que les noms des protagonistes ainsi que quelques dates aient été modifiés, l'auteur reste fidèle dans les grandes lignes à la terrible réalité des faits, au point de rendre toujours plus poreuse la frontière entre fiction et documentaire.
Le résultat est particulièrement troublant, et de mon point vue très réussi !

Bien plus qu'une simple enquête journalistique ou policière, Joyce Carol Oates nous propose là une étude psychologique complexe et percutante, axée principalement sur le traumatisme immense de Skyler et le cauchemar qu'est devenue sa vie à la suite du drame (le pauvre adolescent, rongé par le doute et la culpabilité, voit dans son existence un "ruban de Möbius infernal").
Les investigations proprement dites, le volet judiciaire et même la petite victime semblent parfois passer au second plan tant le narrateur, l'intensité de son propos et le climat de plus en plus toxique au sein de la famille nous font forte impression.

Quelle hallucinante montée en tension, et quelle effarante emprise que celle exercée par Bix et Betsey Rampike sur leurs deux enfants !
Tout à leurs rêves de gloire et de reconnaissance, obnubilés par l'image qu'ils renvoient au sein de la petite communauté huppée de Fair Hills (New Jersey), ils font peser sur Skyler et Bliss tout le poids de leurs ambitions ratées... Puisqu'une blessure prématurée met vite fin aux projets sportifs de l'aîné, tous les espoirs sont reportés de facto sur sa cadette, alors tout juste âgée de 4 ans. C'est décidé, Bliss sera la championne de patinage artistique que maman a toujours rêvé d'être !
Entraînements intensifs, régime alimentaire drastique, scolarité adaptée, hyper sexualisation, surmédicamentation, staff pléthorique (coachs, diététiciens, préparateurs mentaux, conseillers en communication...) pour accompagner l'étoile montante vers le firmament promis : rien n'est épargné au petit prodige !
Tandis que son frère est mis sur la touche, Bliss se mue en marionnette complètement soumise aux caprices maternels, jusqu'à cette nuit fatale où son corps sans vie est retrouvé dans la chaufferie du domicile familial.
Atroce.

S'ouvrent alors en grand les portes de "l'enfer tabloïd", qui voit les théories et les rumeurs les plus folles fleurir dans la presse et sur la toile (le "cybercloaque"), quant à l'identité du coupable.
De plus en plus illuminée et prétextant une soudaine révélation divine, Betsey Rampike n'hésite pas à surfer sur cette vague de notoriété macabre en courant les plateaux télé pour faire étalage de son grand malheur et de la force de résilience qu'elle puise dans sa foi nouvelle (non sans commercialiser au passage une ligne de produits dérivés à la gloire de son petit ange de la glace trop tôt disparu).

Voilà donc l'histoire tragique que nous raconte Skyler, l'histoire de deux enfances sacrifiées, et d'une famille dévorée par de lourds secrets.
Une fois encore Joyce Carol Oates, avec l'immense talent qu'on lui connait, fait la lumière sur un pan d'Amérique nauséeux à souhait. Son texte sombre, tortueux et dérangeant, aussi remarquable sur le fond que sur la forme, n'a pas fini de nous interroger sur l'univers des concours de beauté pour enfants, la folie manipulatrice des adultes, les dérives de la psychanalyse ou le voyeurisme des medias.
Un roman glaçant.


* si ce n'est pas déjà fait, lisez vite "De Sang Froid" !
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Entamer la lecture d'un roman de Joyce Carol Oates me fait toujours ressentir un sentiment ambivalent. Je sais que la qualité littéraire sera au rendez-vous, je sais que je vais vivre une expérience de lecture incomparable. Mais je suis certaine aussi de m'aventurer sur un terrain mouvant sur lequel je vais être confrontée à la noirceur profonde des personnages, à la face glauque et répugnante de la société.
Et c'est exactement ce qui s'est passé avec Petite Soeur mon amour.
Dès les premières pages, l'autrice nous plonge dans un univers particulier dont subtilement mais implacablement elle met en exergue les travers. Et plus le récit avance, plus le dégoût vient au coeur du lecteur.
Pourtant, il semble impossible de le quitter car le style propre à l'autrice suscite la fascination morbide.
Pour des raisons personnelles, je n'ai pas été en mesure de lire ce roman en une fois, j'ai interrompu ma lecture à plusieurs reprises. Mais à chaque fois que je me plongeais dans cette histoire incroyable (tirée d'un fait divers, la fiction est très relative), je ressentais la puissance de l'angle adopté par Joyce Carol Oates.
Ce style si particulier est accompagné d'une typographie iconoclaste, mêlant les tailles de caractères avec des insertions de discours dans le récit. Ça donne le vertige et oblige à une lecture intense.
Si certains passages m'ont paru non indispensables, je suis ressortie de cette lecture encore plus enthousiaste et avec une envie décuplée de poursuivre la découverte de la bibliographie de cette autrice.
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Diabolique et envoutante Joyce Carol OATES !
 
Largement inspiré d'un fait divers qui a défrayé la chronique des années 90 aux Etats-Unis, l'assassinat, toujours non résolu à ce jour, de l'enfant « star » JonBenet Ramsey, ce roman est écrit du point de vue de Skyler, le grand frère de la petite victime, renommée Bliss dans le livre.
 
Ce récit n'aurait pu être qu'un nième roman traitant d'un crime célèbre, mais Joyce Carol Oates en a fait bien autre chose et le résultat est époustouflant.  L'auteure réussit ici, avec une précision qui fait froid dans le dos, une véritable opération chirurgicale, celle d'une famille (totalement toxique) et d'une certaine société (totalement dysfonctionnelle). Tout y passe : le culte de l'argent, la vanité du parvenu, l'hypocrisie du croyant, la toxicité du parent qui vit à travers sa progéniture et les travers d'une société qui semble valoriser et récompenser ces comportements.
 
Le récit du point de vue de Skyler, de son parcours chaotique et de ses sentiments ambivalents envers sa soeur décédée, saisit le lecteur et l'emmène dans les territoires terrifiants de l'horreur banale d'un quotidien où l'on se rend compte que le décès tragique de cette petite fille n'est finalement presque pas le pire. En effet, il n'y a pas beaucoup de lumière dans cette histoire, aucun personnage qui semble racheter l'autre, chacun étant perdu dans son propre individualisme, à se battre avec ses névroses. Parfois dur à lire, mais tellement réel et si bien écrit.
 
Il s'agit de mon roman préféré de Joyce Carol Oates (pour le moment…).
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Si comme moi vous restez souvent sur votre faim quand les caractères des personnages sont simplement efleurés, évoqués. Si vous avez envie de plonger dans l'infiniment petit et disséquer les subtilités des comportements humains et inhumains, ce livre est fait pour vous.

Quel bonheur de plonger dans le quotidien de cette famille épouvantablement américaine. Qui fait passer la réussite avant le bonheur. le paraitre est leur Graal.
Il y a le père, espèce de requin avec les dents bien blanches qui éblouissent sur les photos et rayent le parquet.
Il y a la mère, un peu trop molle, trop grasse, pas assez sûre d'elle, qui tente de se montrer à la hauteur à côté de son (trop) beau mari.
Tous les deux tentent de monter les échelons subtils de leur petite banlieue bourgeoise américaine.
Alors quand viennent les enfants, on ne cherche pas vraiment à les élever pour qu'ils deviennent des adultes heureux et équilibrés, on les élève pour qu'ils soient des faire-valoir de la réussite de leurs parents.
A tout prix.
Hélas, le grand frère n'est pas à la hauteur des attentes. Et pire, il se blesse. C'est moche pour les parents de se trimballer avec un enfant cabossé. Alors ils le planquent un peu. Beaucoup.
Mais heureusement, la petite soeur va vite l'éclipser. Une vraie petite merveille sur la glace. Ouf. Les parents, et surtout la mère, peuvent enfin tout miser sur elle. On la bichonne comme un caniche de concours. Elle est blessée, pas très en forme ? On la bourre de médocs.
Elle ne travaille pas très bien à l'école ? On change le prof particulier qui lui donne des cours.
Et même son prénom est changé, suite à un message divin reçu par la mère. Parce que Dieu parle à la mère. Il est là. Il la motive. Il lui donne la force de faire tout ce qu'il faut pour que sa fille réussisse.
On investit comme sur un pur sang. Les coachs sportifs, artistiques, médicaux. Les petits costumes sur-mesure et le maquillage, c'est mignon au début, ça penche un peu vers le vulgaire, vers le malsain.
L'univers des concours est clinquant, faux, dégoulinant de cette obstination de réussite. Avec ces mères frustrées qui tentent de réaliser leurs rêves au travers de leurs filles. Les présentateurs et certains spectateurs aux pensées plus libidineuses qu'artistiques.
Et puis un jour vlan, la petite princesse est assassinée. Dans la vraie histoire, puisque ce roman est basé sur un fait réel, on n'a jamais su qui avait tué la petite fille.
L'auteure prend parti. J'avoue, sans dévoiler l'histoire, que je partage assez son analyse.

Toute cette folie est racontée par le frère qui tente de grandir d'aimer, de se construire au milieu de ces drames : celui de naitre dans cette famille et celui ce survivre à sa petite soeur.
La partie après assassinat souffre de quelques longueurs, mais heureusement ou malheureusement, la mère est encore divinement inspirée et parvient à transformer l'assassinat de sa fille en évènement médiatico-commercial.

Alors faut-il le lire ? Oui. Un sacré roman qui pointe du doigt les èrements de notre société accrochée à la réussite, la consommation, le paraitre.
Et si on cherchait juste à être heureux ?




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II - Les années ont passé mais les soupçons sont toujours là. Décédée en juin 2006, officiellement d'un cancer des ovaires, Patsy Ramsey a emporté ce qu'elle savait dans la tombe. La fortune et les relations de son mari avaient permis, dès le début, d'empêcher toute implication officielle du couple dans le meurtre de l'enfant. Désir de conserver la face, bien légitime de la part d'innocents ? ou bien volonté de se préserver, en dépit de l'acte accompli ? Au-delà des interrogations de la police et des pressions qu'elle semble avoir subie, ne chose est certaine : si les Ramsey n'ont pas assassiné leur fille, ils ont cherché en tous cas à dissimuler des faits, indices ou autres, et à retarder la découverte du petit cadavre. Pour quelles raisons ?

Aux USA, l'Affaire JonBenét Ramsey est considérée par une bonne part de l'opinion publique et par certains intellectuels comme similaire à l'Affaire O. J. Simpson, de triste mémoire. Ce qui revient à dire que, aux USA, la justice est à deux vitesses : une justice pour le commun des mortels, en général privé d'argent et de relations, une autre pour ceux qui possèdent argent et entregent. Joyce Carol Oates ne l'envoie pas dire dans nombre de ses interviews sur son nouveau livre, "Petite Soeur Mon Amour", dans lequel, avec le prodigieux talent qu'on lui connaît et qu'on a déjà vu si souvent à l'oeuvre, elle reprend l'Affaire JonBenét Ramsey en tentant d'en donner une explication vraisemblable.

Avec Oates, la critique sociale et culturelle n'est jamais loin. La romancière déchire ici à belles dents la manie américaine du "paraître à tous prix" et cette volonté de compétition et de réussite à tous crins qui, plus encore à notre époque, est devenue le leitmotiv de nos amis d'Outre-Atlantique. Qu'elle ait transposé le drame de la petite JonBenét (Bliss dans le roman) de l'univers des Mini-miss à celui du patinage artistique, ne change rien à son côté sordide et glauque. Parents fortunés et avides de réussite, Bix et Betsey Rampike cherchent en fait à revivre, par l'intermédiaire de Skyler (leur fils aîné) et de sa petite soeur, Edna-Louise, rebaptisée Bliss par sa mère dès qu'elle commence à se faire remarquer sur la glace, ce qu'eux-mêmes n'ont pu, voulu ou su accomplir : l'un rêve d'une carrière de champion olympique pour son fils, puis, quand celui-ci se blesse - uniquement par la faute de son géniteur d'ailleurs - se détourne de l'enfant et le laisse tomber, comme on le ferait d'une chaussette trouée ; pendant ce temps, l'autre s'aperçoit qu'Edna-Louise ne patine pas trop mal et, du coup, déploie son propre rêve de gloire ...

Dans son réquisitoire, Oates réserve également une place de choix aux laboratoires pharmaceutiques, aux psychologues et aux psychiatres qui, aux USA, se spécialisent dans le traitement des angoisses enfantines. Elle en dresse un portrait tout bonnement hallucinant. Pas une seule fatigue, pas un seul désir enfantin qui ne soit immédiatement taxé de névrose, de TOC, de TED, etc, etc ... et traité à grand renfort d'anti-dépresseurs et d'anxyolitiques. Quand on sait que l'Europe - pourquoi ? on se le demande - a tendance à imiter les Etats-Unis en matière d'éducation, on ne peut que frémir et cauchemarder devant cette avalanche de drogues imposées, dans la plus stricte légalité, à des êtres si jeunes. Si les parents américains obéissent vraiment les yeux fermés au premier psy venu qui leur assure que leur enfant souffre de névrose, il ne faut plus s'étonner de voir le pays parcouru de tragédies comme la tuerie de Columbine ...

La ferveur religieuse très particulière des Américains - Betsey Rampike est présentée comme une fanatique qui assaisonne Jésus à toutes les sauces - et le comportement des medias sont tout aussi implacablement mis sur la sellette dans ce qui restera, selon nous, l'un des meilleurs livres de son auteur.

Oui, "Petite Soeur Mon Amour" est un roman à lire absolument, une réussite d'une rare maîtrise, aussi puissant et détonant que "Blonde" - et c'est de plus une très belle chanson funèbre, dédiée aux mânes perdus d'une petite fille à qui le désir des adultes déroba sa courte vie avant de la détruire définitivement. Délibérément, froidement - avec autant d'indifférence que si l'on écrasait une mouche.
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Pour moi le meilleur de Joyce Carol Oates. Une mère qui dirige totalement la vie mais aussi les désirs de sa petite fille, un père absent et un grand frère protecteur mais un peu jaloux. La tension familiale est grande. L'écriture est ciselée, les personnages complexes et assez attachants. Un suspens intenable à certains moments. un livre qui m'a beaucoup marquée.
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