J'aime particulièrement cette capacité qu'à
Joyce Carol Oates de nous faire entrer dans la peau d'un personnage en adaptant son style : c'est beaucoup le cas ici au tout début du roman. Elle arrive, par ailleurs, parfaitement bien à rendre les interrogations qui secouent le héros, et la différence entre ces interrogations, et son apparence placide.
Sa relation avec M. Tracy est effectivement assez ambigüe : étant élevé dans un milieu où les préjugés sur l'homosexualité, et la peur d'en être, sont nombr
eux, il est effectivement très perturbé par le désir qu'il semble deviner dans les y
eux de son professeur, et éprouve un certain dégoût pour ce qu'il suscite auprès de certains hommes. En ce sens, il peut être vu, par une petite phrase qu'il a prononcé contre M.Tracy lors d'une virée avec ses amis, comme l'un des déclencheur de la calomnie qui s'abattra sur lui. Il a en même temps un certain sens de la justice, qui l'amène à condamner l'acte de ses amis : diffuser de fausses accusations de pédophilie contre le professeur, ce qui contribuera à l'isoler. le dilemne attendra son paroxysme lorsqu'il se retrouve devant des officiers de police, prêts à tout pour obtenir des preuves de la culpabilité de M. Tracy... alors que rien ne s'est réellement passé entre le professeur et ses élèves, si ce n'est des regards.
Le regard de
Joyce Carol Oates sur les "petites mentalités" de cette Amérique profonde est assez implacable : elle décrit le dégoût de l'homosexualité, la peur de certains parents d'avoir un enfant aux traits trop féminins, au caractère trop doux, d'être corrompus par
eux. Comme dans d'autres romans, elle n'hésite pas à visiter la part la plus sombre de ses personnages et à aborder de façon frontale des sujets tabous dans nos sociétés.