Le soir de la Saint-Sylvestre, quelques minutes avant que l'on bascule dans la nouvelles année: c'est le moment que choisit Floki pour annoncer à sa femme son homosexualité et son intention d'aller vivre avec son collègue et amant, prénommé également Floki, après onze années de mariage et la naissance de jumeaux. Pourtant, le couple semblait vivre un bonheur sans nuages. Alors pourquoi?
Désireuse de comprendre si elle a raté un épisode dans leur vie conjugale, Maria procède à une "enquête" en prospectant parmi ses souvenirs de leur vie commune afin de déterrer d'éventuels indices de l'homosexualité de son mari. Les questions envahissent son esprit: "Comment cela a-t-il pu arriver, c'est incompréhensible, j'étais heureuse en ménage, mère de deux enfants, Floki était mon meilleur ami, tout le temps à me dire des mots gentils..." (Page 23)..."Ai-je été aveugle? Ai-je été trop crédule?(...) Je ne soupçonnais rien." (Page 41)
Tout le roman montre les différentes phases par lesquelles Maria passe: d'abord l'incrédulité; ensuite, l'attente: il va se rendre compte de son erreur et revenir; toute cette histoire n'est qu'un affreux malentendu: "Il se tiendrait là, sur les marches déneigées, dans le vent du nord, un coeur sanguinolent offert dans sa main tendue et il dirait: -Pardon, Maria, c'était un malentendu. Pouvons-nous oublier tout ça?" (Page 53). Puis, tout en laissant l'opportunité à son mari de réintégrer le domicile conjugal à une date indéterminée, elle maintient le dialogue avec lui et lui pose de nombreuses questions sur son passé, sur leur passé.
Elle en arrive au constat qu'il est rare que l'on connaisse vraiment les personnes qu'on aime et avec lesquelles on vit; son père biologique, qui sait de quoi il parle, déclare: "Les gens ne correspondent pas toujours à leur apparence(...) On a tous un secret quelque part." (Page 163).
Malgré un mari qui fait son "coming out" la laissant se débrouiller avec leurs jumeaux âgés de 2 ans 1/2; un père biologique qui débarque de l'étranger sans crier gare pour mourir inopinément dans sa chambre d'hôtel, lui laissant le soin de rapatrier ses cendres dans son pays d'origine, Maria prend du recul et relativise sa situation en la considérant avec une froide et brutale lucidité qui remet les choses à leur juste place : "Par comparaison avec les souffrances auxquelles je suis confrontée lors de mes pérégrinations à l'étranger -tous ces enfants martyrs, assis sur le drap sale d'un pauvre lit d'hôpital, contemplant leur moignon de jambe au pansement taché de sang-, un mari qui "sort du placard" (expression islandaise pour "coming out") au bout de onze ans de mariage est d'une insignifiance au moins égale à ma douleur". (Page 147). Tout est dit !!
Dans
L'exception, Maria, personnage principal du récit, confrontée au "coming out" de son mari, prend sur elle avec beaucoup de dignité, d'esprit et aussi d'humour, pour ne pas sombrer, même si on perçoit parfois combien il est difficile pour elle d'accepter le mauvais sort qui semble s'acharner sur elle.
Outre le ton optimiste et magnanime, sa justesse de vue parfois grinçante ( comme dans la conversation entre Floki et Maria qui lui pose de nombreuses questions sur ses relations extra-conjugales d'un ton neutre, exempt de toute émotion) mais jamais méchante, ce roman comporte de nombreuses qualités, au nombre desquelles les moments de tendresse et le cocon de douceur dans lequel Maria enveloppe ses enfants; ainsi que l'amitié qui l'unit à Perla qui veille sur elle de son amitié douce et respectueuse; aucune acrimonie ni désir de vengeance. J'aime cette façon de relativiser, de ne pas tout détruire sous prétexte qu'on éprouve une grande souffrance .
On se laisse peu à peu prendre par la douce monotonie et le rythme faussement banal des heures et des jours qui s'écoulent au rythme du quotidien, sans doute le meilleur moyen de ne pas sombrer dans le néant.
Lien :
https://legereimaginarepereg..