Bord de mer

Il faut se raisonner. C'est ce qu'ils disent. D'ailleurs toutes leurs phrases commencent comme ça : il faut. Moi, j'entends : une faute, une faute, une faute.

La nuit je dors mal. L'angoisse. Je pourrais pas dire de quoi. C'est quelque chose de posé sur moi...comme si on s'asseyait sur moi, exactement. Je suis là pour personne. On est assis sur moi. Qui peut comprendre ça? La nuit on m'étouffe.

Ca doit ressembler à ça, la guerre: sortir des abris,risquer sa vie pour survivre.

Maintenant qu'on était rassurés on pouvait prendre l'air de se foutre de tout,pas sentir le danger,comme le reste des voyageurs.

Ce que je veux dire c’est que l’amour, c’est sûr, est beaucoup moins réparti que la haine.

J’arrive pas à rester très longtemps au même endroit, il y a très vite quelque choses qui me fait mal, qui m’écœure. En général les gens m’écœurent.

Moi je pouvais pas m’empêcher de la regarder, j’aurais aimé être comme elle, me suffire à moi-même, me foutre de tout et prendre beaucoup de place.

Je voulais retrouver la nuit d’avant, celle sans rêve et sans insomnie, celle qui me détachait de moi, je voulais retrouver ce trou sans menace au fond duquel j’étais tombée mais je l’avais perdu pour de bon.

Quand ils se sont endormis tous les deux, pour moi ça été difficile. Ça s’est mis à parler tout seul dans ma tête, j’aime pas ça, c’est une sale bestiole la pensée.

J'avais hâte que les mômes se mettent au lit et qu'on arrive, l'air de rien, au lendemain matin, comme font les autres, ceux qui se couchent le soir parce qu’ils sont fatigués, parce qu'ils ont su remplir leur journée heure par heure et qui se lèvent le matin parce que c'est normal.