Formellement ce livre est un recueil d'articles et d'éditoriaux publiés par
Onfray dans sa revue « Front Populaire » ; il ne s'agit donc pas d'un traité ; heureusement, car c'est plus et mieux.
Lorsqu »il traite de ce qu'il appelle « la ligne claire » de la philosophie française, il la fait commencer avec
Les Essais de
Montaigne.
Eh bien ce livre pourrait s'appeler
Les Essais d'
Onfray. Chacun de ses chapitres examine telle question de al vie politique française (c'est ce u'il a principalement fait dans ses derniers ouvrages) mais aussi, et parallèlement, une histoire de la philosophie, dans la ligne de celle qu'il enseigna à l'Université Populaire de Caen, et qu'il reprenait au cours d'émissions hebdomadaires sur France Culture, où elles ouvraient une fenêtre d'intelligence et de clarté, raison pourquoi sans doute, elles furent brutalement supprimées à l'automne 2018 dans des conditions mal élucidées, et peut-être aussi parce qu'elles déplaisaient en haut lieu. A lire
Onfray, on comprend de quelle haute autorité il peut s'agir.
Les opinions de l'auteur dans le domaine politique, économique, social, sociétal de l'auteur,pour lequel je nourris beaucoup d'admiration, à lire ce qui précède, on peut déjà s'en douter, elles sont assez largement connues. Bien que les partageant très largement, et d'ailleurs pour cette raison même, je ne souhaite pas les commenter.
Je dirai seulement qu'il s'y trouve beaucoup de fulgurances, hélas prémonitoires, et beaucoup d'indignations, souvent justifiées, malgré une verve pamphlétaire parfois excessive.
On lui reproche souvent d'avoir rejoint l'extrême droite. Je ne le crois pas. Il s 'en défend d'ailleurs, et se pense toujours de gauche ; c'est évidemment une gauche souverainiste, nationaliste, anti-capitaliste, qui défend le peuple, bref tout ce que la gauche actuelle n'est plus. Mais penser cela, est-ce être d'extrême-droite ? C'est plutôt être gaulliste.
Et l'homme que cet « extrémiste de droite » admire le plus dans la Révolution Française, c'est le proto-communiste
Jacques Roux, chef de file des Enragés ; de même qu'il parle longuement de la Commune de Paris, où il voit l'un des sommets de la pensée politique en action, et son assassinat par les libéraux de l'époque.
Bon, je vois que je n'ai pas tenu la promesse, et ai parlé politique. Mais il était difficile de l'éviter,
Alors parlons de philosophie. Car le livre est aussi un cours sur la philosophie française, où l'auteur évoque une tradition allant de
Montaigne, donc, père fondateur, à
Jankélévitch, en passant par
Descartes, Pascal,
La Mettrie, les philosophes libertins des lumières(au vrai sens du mot libertin, qui ne connaît pas de bornes à la liberté de penser, qui est affranchi des dogmes) pour lesquels il nourrit une tendresse particulière, par les penseurs athées (il y a beaucoup à dire sur l'athéisme d '
Onfray, j'y reviendra), par Proudhon (selon lui le grand penseur politique du XIXième siècle) contre Marx, par Bergson malgré son spiritualisme, par le résistant Camus, bien sûr, contre le quasi-collabo
Sartre (aïe, aîe, la politique revient !), et par eux tous contre les lourdeurs et la logomachie de la philosophie allemande, d'Hegel au nazi Heidegger,et contre leurs disciplehrit, s français, les
Lacan,
Althusser, Foucault, et autres Deleuze, tout aussi obscurs et jargonnants.
A mi-chemin de la philosophie et de la politique, un des meilleurs passages de cet ouvrage est sans doute le magistral commentaire, article par article, de la Déclaration des droits de l'Homme, ce texte dont tout le monde se réclame, et que personne ne lit jamais.
Voir par exemple l'article deux, qui énonce comme droits essentiels, en même temps que la liberté, la propriété et la sécurité, cette sécurité que les sophistes opposent faussement à la liberté, en proclamant que "qui préfeère la sécurité à la liberté les perdra toutes deux" alors qu'ellles sont indissociables, qu'il n'y a pas plus de libeté sans sécuriété que de sécurité snas liberté, car dès lors que l'état n'est plus capable d'assurer la scurité, que vaudra la liberté du faible contre le fort. C'est ce qu'Hobbes a bien vuJe parlais plus haut de l'athéisme d'
Onfray ; à vrai dire, et aussi radical qu'il semble, puisqu'il va jusqu'à nier l'historicité de l'homme Jésus-Christ, que pratiquement aucun historien ne nie pourtant, quelle que soit l'idée qu'ils s'en font par ailleurs .
Car, à longueur de colonne, il déplore la
décadence et la quasi-disparition du judéo-christianisme, auxquelles il attribue tous les maux dont souffre notre société, bien qu'il ne puisse s'empêcher de lui décocher quelques piques d'usage ; à cette
décadence d'ailleurs il a consacré sous ce titre un ouvrage entier. Ce que je crois, c'est qu'en réalité il voudrait croire, à l'instar de
Montaigne et de Pascal avec son fameux pari, et croire même précisément au catholicisme, de préférence dans sa forme pré conciliaire, mais ne le peut, à l'instar d'ailleurs de son ami-ennemi
Houellebecq. Oserai-je dire qu'ils sont en état de dissonance cognitive, et appartiennent à cette catégorie bien particulière d'athées qui voudraient croire et croiraient si Dieu devenait manifeste.
Mais peut-être succombai-je au travers catholique qui consiste à « convertir » en pensée les gens sans leur demander leur avis ?