Oui, avec Dieu qui prend la parole pour développer les réflexions de l'auteur, avec "Le rêve du Vieux" (Dieu) et "Le fil du labyrinthe" (l'auteur qui déroule, en effet, le fil depuis
la création du monde jusqu'à l'avenir le plus lointain ou envisageable), dans la première partie qui couvre les 143 premières pages, je me suis absolument "régalée" à la lecture à la fois légère, profonde, savante, poétique, - quel dithyrambe, mais pourtant mérité - de ce nouveau petit chef d'oeuvre.
J'avais craint que ce nouveau roman ne ressemble, par certains aspects, au précédent, "
Qu'ai-je donc fait", que j'avais lu avec délices et qui parlait, lui aussi, de la création de l'Univers et des rapports de l'homme avec Dieu. Or, il n'en est rien, et ce livre est une profonde réflexion sur le Monde, bien sûr, sur la place de l'homme dans l'univers, sur la vie, sur la mort. Une thèse et une synthèse des savants et philosophes de tout temps qui ont essayé de donner une explication à
la création du monde : aucun ne manque, et même ceux que la plupart d'entre nous ne connaissaient pas, apparaissent, et nous étonnent.
Beaucoup d'humour, quand "Le Rêve du Vieux" s'exclame "Poussière d'étoiles, mon cul" (p.106), et qui remercie, pour conclure, la main d'un homme qui a effacé, sur les murs d'une université américaine,le fameux "Dieu est mort signé
Nietzsche", pour écrire "Nietzche est mort, signé Dieu". Dieu s'amuse et s'étonne, argumente et s'attendrit ou s'agace, tandis que "le fil du labyrinthe" expose les croyances, progrès, errances, exploits ou erreurs de ceux qui ont essayé de comprendre et d'expliquer.
La seconde partie, intitulée "Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien", rend la parole à
Jean d'Ormesson, toujours disert, brillant, réconfortant aussi. Il s'étonne, il s'émerveille devant les multiples aspect de la Création, et nous invite à jouir de la vie, qui est Beauté avant tout, et fait naître ce sentiment d'admiration. Il s'interrompt pour nous dire qu'il est agnostique et qu'il s'interroge pour comprendre. Dans cette seconde partie, un long développement sur tout ce qui touche à Dieu et au Monde, partie structurée par plus de quarante "titres" qui suscitent un intérêt majeur et inattendu :"le monde est un roman", "le temps est un mystère","la réalité est un rêve", "le monde est une énigme", "l'être est et c'est assez". Bref : "Dieu existe-t-il ? et "qu'y a-t-il après la mort ? Voilà les questions essentielles.
La dernière partie, "La mort, un commencement ?" nous amène à nous transcender, à devenir meilleurs. La bonté de l'auteur perce à travers toutes les lignes, lui qui a foi en l'homme et qui nous incite à l'aimer. S'il ne croit pas vraiment en Dieu, il écrit cependant "Je doute de Dieu parce que j'y crois". Et s'il devait croire en une seule chose, plus qu'en les mots mêmes qui sont pour lui sa raison d'être, il ne devrait croire qu'en Dieu !
Dans les dernières pages, il s'exclame, empli de la joie du Monde et de l'espérance, "tout est bien :" Une telle posture, une telle ouverture et sincérité, voire naïveté, de sa part, nous font éprouver pour lui une grande sympathie, qui est sans doute celle qui devrait unir tous les habitants de notre planète.
Il y a, en effet, un tel amour de notre monde, de tous ces hommes, grands et petits, sentiment servi par un style toujours étonnamment beau (malgré l'âge qui avance...), limpide, sincère, que nous avons parcouru cet ouvrage avec une grande joie au coeur. Car le talent ou le génie de Jean d'Ormesson, c'est de nous rendre la joie de vivre quand nous sommes tristes ou inquiets. Lui nous rassure toujours. Il est tel que nous le voyons à la télévision : calme, ouvert au dialogue, convaincant, apaisant, étonnant. Avec lui, tout est possible.
Certains lecteurs ou critiques pourront lui reprocher de faire étalage de sa culture ou d'être trop narcissique. Qui ne l'est pas, d'une façon ou d'une autre ? Cette ostentation, qui n'est en fait que le support d'un développement intime n'ayant pas d'autre but que toucher aux universaux, est rachetée par ce ton de confident nous assurant que nous sommes véritablement ses amis, nous lecteurs, et qu'il est, lui, assurément, aussi notre ami et notre frère, celui qui connaît les questions que nous nous posons tous, auxquelles il apporte des réponses sensées, humaines et poétiques.
Je recommande chaudement ce livre, qui a le mérite de plaire et de toucher, de nous rendre plus gais et plus forts, plus confiants également en nous-mêmes et en l'Homme, tout en nous instruisant.