Franchir le pas

Au comble de son enthousiasme, Ndou-Lévivi fit sa demande. Une bague de fiançailles brillante des petites pierres précieuses et éternelles l’attesta. Une acquisition d’un bijoutier du dixième arrondissement parisien démarchant les clients antillais du boulevard Magenta. Une boutique bien connue des ressortissants français des Caraïbes et de l’océan indien.

Juviella déborda de joie. Elle ne trouva pas des mots pour expliquer ce qu’elle ressentit quand elle entendit la demande formulée par Ndou-Lévivi, encore son copain. L’attente de vie d’une femme se paya. La patience pour s’émanciper fructifia. Le sens de sa vie s’éclaircit. La roue de la chance tourna enfin en sa faveur. Jadis sa maman, conquise par son papa. Récemment sa sœur aînée, couronnée à la mairie de Rosny. Maintenant, son tour. L’onction du mariage descendit sur sa tête. Un chemin classique. De mère en fille.

Un procédé ordinaire, fort de conséquences positives dans l’accomplissement d’une femme. Choisie pour partager ses jours et ses nuits aux côtés de l’homme qui l’aima, elle devint sa déesse. Un premier pas franchi. Une intimité revendiquée. Un choix de construire l’avenir à deux totalement assumé. Sans faire du bruit. Lentement, les deux prétendants empruntèrent les sentiers du mariage. Guidés par l’étoile du bonheur et les sons de l’hymne à la joie entonné par les anges du ciel.

Attendu que le futur marié ne vit pas sa fiancée en robe de mariée avant la cérémonie, Ndou-Lévivi s’éloigna lors du choix et de l’essayage de la robe par Juviella. Des superstitions destinées à faire peur. Mais efficaces dans les récits des mariages ratés, l’incrédulité d’artistes manqués.

Le couple ne prit aucun risque à cet égard. D’autant que Ndou-Lévivi ressortit du Congo, terre de bantous d’Afrique aux mille et une malédictions. Juviella, jeune femme des Antilles. Ressortissant d’une région française pleine des saveurs, pluie de passions à l’intérieur desquelles l’amour ne fut jamais loin. L’expression des sentiments offrit au jeu de la chance et du hasard. Tout dépendit pour Juviella, du jour et du moment de la rotation de la roue de la chance devant ses yeux.

Les deux convinrent de ne pas assister l’autre lorsqu’il se vêtit de sa tenue de mariage. En respect des traditions rapportées dans les légendes. Ils refusèrent de se transformer en artistes ratés. Échouant au dernier moment.

Certes, dans la vie de tous les jours, l’amour ne fut jamais loin. Mais l’amour s’éloigna progressivement de Fanfan pour diverses raisons : il s’adonna trop à son travail. Technicien de surface, Fanfan s’accorda peu de temps à vivre ses envies, exprimer ses désirs. Assez naïf pour séparer l’hypocrisie générale des gens à assister aux souffrances de la solitude, au conformisme du traintrain du quotidien, de la nature intrinsèque conquérante d’un être humain dans son dessein de se compléter, de s’améliorer. François se cacha derrière les convenances, des propos mesurés tenus au cours des rencontres, dans d’espaces communs de vie, au travail.

Le mariage enfin proclamé, Ndou-Lévivi triompha de la mal chance fortement relayée par les légendes d’Afrique et du Congo. Juviella gagna au jeu de la chance et du hasard en matière des sentiments. Le scepticisme des uns remplacé par le réalisme des autres. Une leçon de vie se dispensa. Les deux ne badinèrent pas avec l’amour.

Le miracle de l’amour s’accomplit. La lueur de tranquillité, d’entente des gens se propagea dans le public. Elle tomba sur les deux familles ainsi réunies. Sur le public également. Elle les toucha. Les orgues célestes tonnèrent. Relayés par les hurlements de joie des femmes témoins de la scène.

Au lancement du bouquet des fleurs par la mariée, Juviella ne prêta pas attention au vainqueur de l’essai. Encore touchée par la bénédiction des astres. À son tour, Juviella laissa les filles se bousculer à la réception du bouquet lancé. Elle sourit d’admiration. Se rappelant combien le test des devinettes de désignation de la future mariée par le lancer du bouquet des fleurs le marqua. Une histoire qui se termina bien pour elle.