Ce que je sais de Véra Candida, c'est qu'elle était une femme libre. Qu'elle avait plus souvent donné son corps que son coeur, que son âme. Qu'elle avait peur d'aimer. Que le père de sa fille ne pouvait être nommé. Que sa mère Violette ou sa grand-mère Rose avaient elles aussi connu de sombres déboires amoureuses.
Ce que je sais de Vera Candida, c'est qu'elle n'avait pas le choix de ne pas partir, elle devait quitter son île. Mais qu'elle n'avait pas non plus le choix de ne pas y revenir. Elle devait se reconstruire avant de revenir chercher vengeance, sans vraiment pouvoir s'y résoudre.
Ce que je sais de Vera Candida, c'est qu'un homme l'a aimé, intensément, profondément, inconditionnellement. Et que Vera Candida aurait peut-être pu se lâcher et parler à cet homme. Qu'elle aurait pu lui dire je t'aime. Mais Vera Candida, dire je t'aime, elle a du mal.
Ce que je sais de Vera Candida, c'est qu'elle est revenue dans sa maison natale parce que son corps la lâchait. Pas parce qu'elle s'était reconstruite. Et ça, elle ne pouvait le dire, ni à l'homme qui l'aimait, ni à sa fille.
Véronique Ovaldé nous livre des portraits de femmes qui s'emboîtent comme des poupées russes ou des tables gigognes. Il y a un écho qui vibre entre Rose, Violette et Véra, sans oublier la fille de Vera Candida, la première sur 4 générations qui aura la possibilité de rompre cette malédiction sur le père... La fille de Vera Candida connaît son père, et elle peut être fière de lui.
C'est tendre et dur à la fois. C'est sensible. Et pourtant cela ne m'a pas convaincu. Je n'ai pas compris, par exemple, le souci de placer l'action dans un endroit fictif. Quand
Martha Batalha écrit Les mille talents d'Euridice Gusmao, un excellent roman féministe sur des destins de femmes,elle place l'action au Brésil.
Vargas Llosa place
La fête au bouc à Saint-Domingue (fatalement). Etc. Placer un roman dans des événements historiques renforce, me semble-t-il, le propos.
Véronique Ovaldé aurait pu le faire. Je n'ai pas été saisi par le soleil et la douceur de vivre, contrastant avec le destin cruel qui frappe Vera Candida. Il y a une indolence qui se fait jour rapidement et une sorte de déterminisme, de rigidité dans le récit qui ne m'a pas convaincu. C'est plaisant de mon point de vue... mais je ne suis pas sûr que ce livre était fait pour être plaisant. Il m'a donc manqué du contenu, au-delà du style fort agréable de l'autrice.