«Elle est si apaisante» est la phrase qu’on entendit le plus souvent dans le salon des Lapoussette pendant des années. Ce qui ne laisse pas de surprendre madame Elizabeth Lapoussette dont les deux filles aînées, si elles n’ont pas été à proprement parler des teignes, se sont plutôt comportées comme des enfants difficiles (ces enfants dont on dit qu’ils ont du caractère – comme si les autres n’en avaient pas – pour se consoler de leur nature capricieuse ou tracassière). Les deux sœurs de Georgia Lapoussette n’aiment pas particulièrement leur petite sœur, ce qui les rapproche pendant un temps (alors que leurs relations ont toujours été houleuses et plutôt basées sur le calcul précis du nombre de boulettes dans l’assiette de l’autre). La famille Lapoussette vit dans une petite maison du centre avec un jardinet pourvu d’un zuma (dont les fruits rouge sombre, veloutés et coniques fascinent Georgia Lapoussette comme s’il s’agissait d’un élément de décoration égaré qui aurait plus sa place dans un salon que sur les branches d’un arbre). Mais quand le père de madame Elizabeth Lapoussette meurt ils héritent (en plus de la cabane de chasse avec les moustiquaires) d’une maison plus spacieuse, légèrement excentrée mais non loin de l’exploitation de pommes de terre qu’a reprise le frère de madame Lapoussette à la mort du patriarche. (Le garçon en question, Martin Grancru, se met à cultiver des pommes de terre de toutes les couleurs et de toutes les saveurs, ce qui lui vaut assez vite d’être mis au ban de la société bienveillante mais un brin conventionnelle de Poindeau. Les pommes de terre qu’il cultive ne sont plus vendues aux éleveurs de porcs mais aux restaurants de Vancouver – les meilleures tables veulent leurs pommes de terre Grancru, ce qui enchante notre jeune cultivateur, lui qui a toujours rêvé de devenir coiffeur pour le cinéma s’il n’était pas né lui-même embourbé dans un endroit marécageux comme
Poindeau. Cette petite notoriété de coulisse le comble.
Véronique Ovaldé, dont le talent n'est plus à prouver, dévoile une fois de plus son expertise dans la création de personnages saisissants avec À nos vies imparfaites, paru aux éditions Flammarion. Dans ce roman, elle dresse le portrait d'une galerie d'hommes et de femmes confrontés aux défis de l'existence moderne, jonglant avec une solitude parfois écrasante. Avec sa plume délicate et son regard lucide sur la condition humaine, l'autrice nous entraîne dans les méandres de vies marquées par les imperfections et les aspirations. Chaque personnage semble prendre vie sous sa plume, nous invitant à partager leurs joies, leurs peines et leurs quêtes de sens.
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