Le Moyen-Age a souvent inspiré les auteurs de romans historiques, mais reconnaissons-le, c'est surtout à partir de l'an Mil et des Croisades que la littérature s'y est intéressée, avec comme point culminant, la Guerre de Cent ans. Pour la période qui va de la chute de l'empire romain à 1095, date de la Première Croisade, seuls quelques romanciers s'y sont aventurés :
François Cavanna, avec "
Les fosses carolines" (1986) et "
La couronne d'Irène" (1988) qui se situent au temps de Charlemagne,
Régine Deforges avec "
La révolte des nonnes" (1981) à l'époque mérovingienne, l'épopée hallucinante de
Gary Jennings "L'empire barbare" '1992) au VIème siècle, ou
Jean-Louis Fetjaine "Les reines pourpres" (2006-2007) concernant la même époque, ou encore
Michel Peyramaure "
La confession impériale" (2010), biographie romancée de Charlemagne. le polar historique nous donne deux auteurs de premier plan :
Peter Tremayne (les aventures de Soeur Fidelma dans l'Irlande du VIIème siècle) et
Marc Paillet (les enquêtes d'Erwin le Saxon au temps de Charlemagne).
Marc Paillet (1918-2000) est l'auteur d'une série de huit romans relatant les enquêtes de Erwin le saxon et du comte Childebrand, 'missi dominici" dans le royaume de Charlemagne :
le Poignard et le Poison, t. 1 (1995),
La Salamandre, t. 2 (1995),
le Gué du diable, t. 3 (1996),
le Sabre du Calife, t. 4 (1997), le
Spectre de la nouvelle lune, t. 5 (1998),
le Secret de la femme en bleu, t. 6 (1999),
Les Vikings aux bracelets d'or, t. 7 (1999),
Les Noyées du grau de Narbonne, t. 8 (2000).
Erwin et Childebrand sont des "missi dominici"; littéralement des "envoyés du maître, ou du seigneur". Généralement ils vont par deux, un noble et un membre du clergé, et leurs prérogatives sont très étendues : non seulement ils contrôlent l'administration des provinces, mais encore ils ont droit de justice, tant dans le domaine religieux que dans le domaine séculier. Etant les représentants du souverain, leur verdict est sans appel. Déjà présents dans l'administrations carolingiennes, ils prendront de plus en plus d'importance, après le couronnement de Charlemagne, ils seront plus nombreux et recrutés dans la haute noblesse et le haut clergé.
En 796, date où se passe l'action de "
Le poignard et le poison", les "missi dominici" sont encore recrutés dans la petite noblesse et dans le bas clergé. Envoyés à Autun pour une mission de routine, nos deux héros vont se trouver mêlés à une histoire de crime, qu'ils vont devoir élucider. L'intrigue policière, assez classique, est suffisamment complexe pour soutenir l'intérêt, les portraits des intervenants convaincants, la toile de fond (c'est le point fort du roman) remarquablement documentée (on apprend beaucoup de choses sur cette période, relativement oubliée), il manque juste un soupçon de vivacité dans le style, un peu plus de couleurs et de rythme, pour faire de cette histoire une belle réussite.
Cela dit, ne boudez pas votre plaisir. Si vous êtes amateur d'Histoire et d'énigmes policières, vous trouverez largement votre bonheur dans ces aventures médiévales, qui ont, c'est leur moindre défaut, l'avantage de vous dépayser. ça, dans les temps que nous vivons, ce n'est déjà pas si mal. .