Je constate en tout cas, quand on aime une ville et qu’on s’y promène beaucoup, que ce n’est pas seulement la raison mais le corps aussi bien qui, des années après, dans un moment de mélancolie, reconnaît de lui-même les rues
Vous avez, maintenant, sûrement compris ceci : les gens comme moi, je veux dire ceux qui comme moi, finissent par prendre la passion et ses affres, la prospérité et la misère, pour prétextes d'une éternelle et absolue solitude et d'une mélancolie qu'ils affichent, ne sont susceptibles ni de grands plaisirs ni de grands chagrins dans la vie.
(la droiture n'est-elle pas d'ailleurs, en général, en fait des esprits timorés ?)
Les chiens parlent pour ceux qui savent les entendre.
Nous nous trouvions dans la pièce que j'utilise comme atelier pendant l'hiver. J'ai senti que Le Noir devinait la présence de Shékuré dans la pièce d'a côté. Sans plus tarder, j'ai abordé la raison essentielle de la lettre que je lui ai envoyée à Tabriz pour le faire revenir à Istanbul
Je suis en train de diriger la confection ,par des peintres et des calligraphes, d'un livre de miniatures exactement comme tu le faisais à Tabriz. Mon commanditaire n'est autre que notre Vénèré Sultan, Pilier de l'Univers.
Le livre qu'il contemplait ne rapportait plus une histoire, une légende, mais quelque chose d'absolument inadmissible dans un livre : une réalité. (p. 121)
La peinture est silence pour l'esprit et musique pour l’œil.
Être fâché peut être un signe d’amour, mais un amoureux fâché n’est qu’un fâcheux, et fait mal augurer de l’avenir.
...Quand les feux de l'amour nous dévorant avant le mariage, le mariage vient les éteindre, et ne laisse qu'un tas de cendres désolé, alors que l'amour qui naît après le mariage finit lui aussi par s'éteindre, mais pour laisser la place au bonheur. Malgré cela, il y a des imbeciles qui tombent amoureux avant, et qui jettent leur amour dans les flammes. Tout ça pour quoi? Parce qu'ils se figurent que l'amour est dans la vie ce qu'il y a de meilleur.
"De ces portraits émanait une espèce de magie, qui les rendait incomparables, et qui m'a fait me sentir soudain, au milieu de tous ces tableaux, insuffisant et faible. Comme si j'avais pressenti qu'en étant peint de cette manière, je pourrais mieux comprendre ma raison d'être au monde."
Ce désir lui avait fait peur, car il avait aussitôt perçu que la passion du portrait entraînerait la fin de la peinture de l'Islam, celle dont les grands peintres de Hérat avaient fixé les modèles, parfaits et intouchables.