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sur 1032 notes
Les "Pensées" telles que je les ai trouvées dans l'édition de Brunschvicg déçoivent énormément. le but était d'organiser les paragraphes, phrases et bouts de phrases que Pascal a laissé derrière lui lors de sa mort dans une vision théologique. On n'y trouve rien de tel. Ce que l'on trouve dans ce volume est une quantité de mots importants qui n'ont ni logique ni organisation. Dans les "Lettres provinciales" Pascal démontre qu'il est brillant quand il est en mode d'attaque. Il trouve les contradictions et les manques de logique de son adversaire. Il maitrise toutes les techniques de l'ironie. Dans les "Pensées" de Brunschvicg on ne voit pas rien qui fait croire que Pascal avait les aptitudes nécessaires pour présenter et défendre une thèse.
Je dois quand même avouer que la deuxième moitié du volume est moins désastreux. Ici Pascal offre une réflexion provoquante sur les vocations complémentaire des religions juive et chrétienne. Selon Pascal, le judaïsme a imaginé Dieu tandis que le christianisme a découvert Dieu. Les miracles du Nouveau Testament ont été nécessaire pour démontrer que les prophéties de l'Ancien avaient été véridiques. La raison pourquoi tous les juifs ne sont pas ralliés au Christianisme et que l'on avait besoin dans la vie de nos jours des témoins des vieilles prophéties.
La position de l'église romaine catholique au vingt-et-unième siècle est que c'est un mystère pourquoi tous les juifs ne sont pas convertis et que Jésus souhaite ardument leur conversion. Personnellement, je trouve que les thèses formulés au dix-septième siècle par Pascal que l'on trouve dans les "Pensées" manquent drôlement de pertinence pour le catholique contemporain.
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Blaise est mort.
Et quand on a rangé sa chambre de célibataire, au milieu des chaussettes sales, on a trouvé des bouts de papier qu'on a relié entre eux et ça a fait ce bouquin.
Blaise voulait convaincre les libertins de faire comme lui : mener une vie pas folichonne mais spirituelle.
Pour cela, il t'édifie avec des images vachement balèze.
Ce fut un précurseur en terme de pari sportif.
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Au départ totalement ignorant de l'existence de Pascal, jusqu'à sa découverte à l'occasion des cours de philosophie, j'ai rapidement été captivé par cet auteur. Voulant débuter sur des bases solides, je me suis alors jeté sur ses Pensées, et j'en ressors renouvelé.

Je scinderai ma critique en deux parties, premièrement l'aspect que je dirai "vain" de ce livre, puis son aspect théologique.

Pour commencer, donc, par la vanité, le ton est rapidement donné, Pascal est un homme peu optimiste et ses réflexions peu encourageantes. Mais ce n'est pas pour autant que ce livre rend malheureux, ce livre inspire plutôt à changer profondément sa manière de vivre et de penser, je pense notamment à ses fameuses paroles sur l'amour-propre et le divertissement, deux thèmes qui reviennent de façon récurrente au cours des diverses liasses. Sans trop en dire, l'homme est soumis à des forces trompeuses qu'il a lui-même engendré, afin d'oublier la finalité de son existence, mais cela n'est que de mon interprétation. En parlant de finalité, Pascal est peu optimiste sur le bonheur humain, c'est d'ailleurs la partie du recueil que j'ai trouvé la plus maussade, car je l'ai trouvé particulièrement juste, mais cela fait partie du pari lorsque l'on lit un livre comme celui.

Ensuite, dans sa deuxième partie, qui oscille entre une apologie de la religion chrétienne et quelques réflexions qui y sont liées, Pascal se tente à l'impossible et va à contre-sens du lieu commun pour son époque, aller du Dieu tout-puissant à l'Homme mortel. En passant les détails, car cette partie fait environ la moitié du recueil, Pascal y développe plusieurs aspects de la religion, dont le plus connu est le Pari religieux. En restant vague, afin de vous laisser, le plaisir de la découverte, pourquoi ne pas croire en Dieu, nous n'avons rien à y laisser ? Et c'est cette argumentation qui me fait voir toutes les pensées concernant la religion comme une sorte de tentative de conversion des athéistes au christianisme, car Pascal est persuadé de ses bienfaits et de ce que serait le monde s'il était parfaitement chrétien. Me concernant, cela a partiellement marché, je dois avouer que la religion n'était pas l'un de mes centres d'intérêts, mais depuis cette lecture, j'ai un réel désir de comprendre le christianisme.

Pour conclure, nous avons assurément affaire avec un classique intemporel de la philosophie mondiale, qui a eu une influence majeure dans la théologie actuelle et passée. C'est un recueil que je recommande à tous ceux qui s'intéressent à Pascal, et à tous ceux qui sont curieux de la religion.
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Comme pour chaque livre, la seule question qui subsite une fois la lecture achevée est de savoir s'il m'a suffisamment plu, interpellé, questionné ou émerveillé pour que je souhaite me replonger un jour dedans et parcourir une nouvelle fois ses pages. La réponse est non, pas sans un esprit éclairé pour accompagner l'analyse car ce n'est pas un livre qui se lit. Il s'étudie, il s'analyse, il se commente.
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Il n'est jamais évident de faire une chronique sur un auteur comme Pascal, encore moins sur une oeuvre comme « Les Pensées » : essentiellement parce que c'est, dès le départ, une oeuvre partisane, en l'occurrence ici, une apologie de la vie chrétienne. (Remarquez qu'on peut dire la même chose du « Capital » de Marx, - Karl, pas Groucho). Mais Pascal, s'il peut être discuté (favorablement ou défavorablement) sur les points de « doctrine », est souverain quand il parle de généralités par rapport à la nature humaine dans son essence même.
« Les Pensées » ne constituent pas une oeuvre construite avec un début un raisonnement et une fin. Ce sont des notes éparses écrites tout au long de la vie de l'auteur, et que l'on a retrouvées après sa mort. Plusieurs éditions ont été proposées, au cours des siècles, suivant que les éditeurs voulaient mettre en avant tel ou tel aspect de l'ouvrage.
La religion chrétienne (fille aînée de la France, à l'époque de Pascal) a conditionné pendant des siècles (et continue à le faire aujourd'hui) la vie de milliards de gens sur la terre. Je ne me hasarderai pas à juger de son bien-fondé (ou de son contraire), l'éducation chrétienne que j'ai eue, jointe à mes lectures parallèles du Coran, du Tao, de Confucius et d'autres perspectives de sagesse, m'ont amené à ne retenir que deux préceptes des Evangiles, les Béatitudes et « Aimez-vous » les uns les autres », les seuls qui soient en adéquation avec un humanisme actif et non partisan. (Mais ceci n'engage que moi, chacun voit à sa porte).
Je ne me prononcerai donc pas sur les « Pensées » qui sont censées prouver la misère de l'Homme sans Dieu, ou la félicité de l'Homme avec Dieu. Je n'en ai ni la compétence, ni les moyens, et je ne souhaite pas polémiquer avec un sujet qui paradoxalement, au lieu de rassembler les gens, les divise.
Mais le Pascal qui parle de l'Homme dans son essence-même est autrement intéressant. On connaît certaines de ses pensées : « L'homme est un roseau pensant » (mais la femme est un roseau dépensant disait ce sexiste et machiste Jules Renard), qui est un peu le pendant du « Je pense donc je suis » de Descartes. « le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie » Cette pensée, qui n'est pas seulement celle de l'homme regardant le ciel (encore que), est bien la représentation du trouble métaphysique de l'homme devant tout ce qu'il ne sait pas, une angoisse existentielle qui préfigure, trois siècles avant, Sartre et Camus. Une des pensées qui me touche le plus, et qui m'amène les plus à réfléchir est celle du divertissement : le divertissement est la tentative désespérée de l'homme pour échapper à lui-même, et à sa condition d'être humain, c'est-à-dire d'être mortel.
Pascal est avec Descartes le plus grand penseur du XVIIème siècle. Moins « cérébral », moins « philosophe » que son collègue, il paraît plus proche des interrogations de l'homme sur lui-même et sur le sens qu'il doit donner à sa vie.
Ayez toujours « Les Pensées » de Pascal à votre portée. Vous verrez que les questions que vous vous posez, il se les est posées avant vous. Il a son pendant au XXIème siècle : lisez « de bonnes nouvelles » de Michel Serres : dans ses entretiens sur France-Info avec Michel Polaco, il recoupe tous les thèmes exploités par Pascal, en les actualisant, et d'une façon merveilleusement simple et agréable pour nos petites cervelles…
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Pascal est un génie précoce. Dès son très jeune âge, il s'est avéré mathématicien puisqu 'il a mis au point une machine à calculer. Il est aussi un physicien et il a laissé des études sur ce sujet. Pascal me rappelle mes études au lycée . Il est aussi philosophe et s'est intéressé à la religion et pris une position sur l'existence de Dieu : il a fait un pari que Dieu existe bel et bien ! car il voulait convaincre les libertins de l'époque qu'en niant l' existence du Créateur, ils se trompaient de chemin.
Les pensées est un ensemble de fragments, d' ébauches et de divers écrits relatifs à la religion.
Comme hommage, on lui a dédié une unité de mesure de la pression : le pascal : Pa
Pascal, un grand savant, un philosophe, il a bien marqué son époque .
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Les Pensées de Blaise Pascal est un essai paru pour la première fois en 1670 de manière posthume. Blaise Pascal (1623-1662) est d'abord connu comme un homme de sciences, et plus particulièrement comme l'inventeur de la machine à calculer. C'est en 1654 à la suite d'un accident qu'il se tourne vers la religion, le thème principal de ses Pensées.

Dans les Pensées, Blaise Pascal place Dieu comme la toute-puissance qui permet à l'homme de connaître le bonheur par sa grâce. L'oeuvre est divisée en huit sections qui ont toutes pour but d'établir la relation entre Dieu et l'homme en abordant plusieurs sujets tels que la misère de l'homme, la politique ou encore la justice. Il distingue la religion et la foi : la religion se trouverait dans la raison et la foi dans le coeur de l'homme. le philosophe déclare ensuite que Dieu est incompréhensible puisque la religion est quelque chose de surnaturel et qu'il faut la ressentir avant tout. Enfin, l'homme doit comprendre qu'il est aussi faible que fort et qu'il a besoin de Dieu pour éviter le malheur et l'ignorance. Ainsi, Blaise Pascal entreprend ici la défense de la religion face aux critiques dans son Apologie de la religion chrétienne.
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les « Pensées » de Pascal est un livre globalement ardu si on ne dispose de solides connaissances du Nouveau et de l'Ancien Testament.

Une absence de connaissances de la doctrine janséniste peut également gêner la compréhension de certains passages très influencés par cette vision de la religion chrétienne,

Dans ces conditions, bien que n'ayant pas été convaincu par les preuves apportées par Pascal, j'ai surtout apprécié la première partie des « Pensées » ou il construit patiemment un puissant argumentaire philosophique rendant sa position quasi inattaquable, l'argument de dire que Dieu ne se montre qu'à ceux qui le cherchent et se cachant aux autres étant particulièrement redoutable.

J'ai bien entendu été choqué de la dureté de traitement réservé aux philosophes, Montaigne étant par exemple qualifié de vain et d'inutile.

J'ai été surpris de l'engagement religieux si poussé d'un philosophe et surtout d'un des plus grands scientifiques de tous les temps.

Mais ne dit on pas que beaucoup de science rapproche de Dieu ?

Plus prosaïquement, on peut penser que la grave maladie de Pascal et l'accident qu'il subit ou il frôla la mort ont sans doute été des événements déterminant dans l'avènement de cette foi indéracinable.
Lien : https://lediscoursdharnois.b..
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Monsieur B. P.. Présent. Non, ce n'était pas Blaise Pascal qui était appelé mais bien moi pour l'oral du bac de français.
Je donnais ma liste de texte et l'examinateur me demanda si j'avais des préférences. "pas vraiment, j'aime tout". Hypocrite, je ne pouvais pas piffer Voltaire et Rousseau qui étaient très présents dans la dite liste. Je glissais innocemment, on pouvait voir l'auréole au-dessus de ma tête, que j'aimais bien Pascal. "ça fait pas beaucoup de texte (deux). Je vous propose donc le texte le plus étudié de France : Candide soldat. Voltaire... et merde. Je me voyais déjà, des étoiles dans les yeux et des atomes dans la tête, commentant brillamment ce texte merveilleux qu'est "les deux infinis". L'homme poussière dans l'infiniment grand, géant de l'infiniment petit, Pascal qui prouvait que, contrairement à une sotte idée trop répandue, on pouvait être un grand mathématicien et un grand penseur, un grand littérateur. Mon esprit très mathématique s'accordait parfaitement à ses écrits plein de paraboles, d'hyperboles, de syllogismes, de savantes démonstrations pour étayer ses théories et les ériger en Théorèmes. Non que je partageasse toutes ses idées mais j'étais ébloui par l'exposé.
Merci monsieur Pascal grâce à vous qui ne plaisiez guère à l'examinateur, grand admirateur De Voltaire, celui-ci fit seul 90% de l'explication de texte me laissant ânonner deux ou trois poncifs admiratifs et, imbu de son brillant commentaire, m'accorda la généreuse note de seize.
Je vous étais redevable monsieur Pascal et je me plongeais donc avec délice dans vos pensées.
Aucune crainte à avoir, ce sont des textes courts et fort bien écrits. Si l'un d'eux vous ennuie, vous pouvez le sauter sans conséquence.
Je recommande fortement cette lecture.
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Ce que c'est que d'avoir le « sens commun » ! Avoir « de l'esprit », en France ! Porter réputation d'être brillant ! Savoir manier traits et paradoxes, et dissimuler tous les mouvements sinueux de la pensée, les faussetés étroites, les paralogismes captieux, les absurdités éloquentes, sous des apparences de raison si subtile, si absconse et argutieuse, que la justesse s'y perd et que l'esprit de vérité s'y corrompt ainsi que l'insecte voit le soleil au lampadaire ! Voilà qui est typiquement français : la célébration de ces pavanes, de ces succès, de ces gloires-là ! Ah ! cette mentalité courtisane caractéristique du XVIIe siècle, qui constitua apparemment tout ce que la postérité nationale considéra qu'il fallait retenir de cette époque, avec Descartes notamment ! Tant de « précurseurs » vénérés d'automatisme, de « penseurs du patrimoine », dont la rareté synchronique surtout les accréditent comme autorités auprès des foules, aïeux à supérieure hérédité ! Mais qu'est-ce que le Français a tiré d'eux, individuellement, sinon une permission collective à un chauvinisme aveugle et désinhibé, décérébré, à une pâmoison de préjugés valorisants (« je suis le fruit des successions de générations intellectuelles dont mon sang porte nécessairement la trace » : peuh !) ? Il adore son pays non pour ce qu'il est vraiment et pour ce qu'il contient, mais pour des valeurs passées et inactuelles que des professeurs, eux-mêmes complaisants et fort orthodoxes, l'ont incité à célébrer : Descartes et Pascal, jamais lus qu'en université, ne sont au Français que des majuscules, que des socles gonflés d'air où appuyer une fierté insensée, bienheureuse et illusoire. Trop d'élégance attentive, trop de délicatesse ingénieuse sans doute, caractérisent ces « pères fondateurs » pour contenir l'éclat dur et tranchant de la vérité : trop de conservatisme aussi, et une confusion systématique, certes terriblement française, entre ce que je veux qui soit et ce qui est réellement. Des pères ? Par l'âge certainement : en France on « respecte les aînés ». Mais des enfants aussi, et ô combien mesquins par certains côtés, qui expérimentent des outils qu'ils ignorent et qu'aujourd'hui l'adulte maîtrise sans mal et sans grand besoin de références, à condition unique de vouloir comprendre. Une tournure intellectuelle de découvreurs, certes, de pionniers, mais, en quelque sorte, dans le strict giron d'un parc pour enfants ; un j'examine dans un il faut ; une ambition énorme au sein d'un cercle indiscerné et ignoré ; le grand souffle de l'aventure de l'Amérique observée depuis le vitrail d'une église : ah ! que de rudiments, en vérité ! Il s'est joint à leurs écrits trop de préventions récurrentes, trop de sytématiques bornes, dont, à chaque pas, la présence invalide le travail de dégagement que le projet initialement propose, et notamment l'admission du christianisme catholique, cette masse où gravite encore comme un faix toute réflexion ! Combien j'ai admiré Les Méditations métaphysiques et sa complète reconsidération du réel, ce doute superbe et démiurge, avant de tomber, en troisième partie, sur l'idée « probante » que, puisqu'on a une idée de Dieu et que cette idée de perfection ne se rencontre pas dans l'expérience, alors c'est que sa pensée nous préexiste ! Semblablement, je discutais récemment avec quelqu'un qui faisait référence à son allégorie de la forêt pour expliquer que le gouvernement ne se trompait pas sur la méthode contre le Covid, parce que, comme le disait l'auteur, quand on est forcé d'agir et qu'on ignore comment s'y prendre, il suffit, dans une forêt où l'on est perdu, de se résoudre à marcher dans n'importe quelle direction et de s'y tenir pour en sortir inévitablement (par conséquent, il faut poursuivre tous les décrets commencés) : c'est exactement le genre de comparaison abusive dont usaient et se contentaient nos « précurseurs » sans y mesurer leur imperfection pourtant flagrante ! C'est que dans une forêt, on n'ignore pas, justement, la méthode pour sortir (il suffit de marcher avec obstination en ligne droite), tandis que pour sortir d'un problème, marcher dans n'importe quel sens avec une obstination forcée est précisément le moyen de s'enfoncer davantage – mieux vaut donc ne pas trancher la question et rester sur place dans l'attente d'un indice que de se former n'importe quelle réponse peut-être erronée et de la soutenir coûte que coûte.
Chez Pascal, c'est similaire : « Il n'y a rien de si conforme à la raison que ce désaveu de la raison » : propos de pur caprice, aussi puéril que : « C'est celui qui le dit qui l'est », au même titre que son fameux pari, qui l'a tant fait admirer parmi les sots pour ce qu'il renferme d'astuce, apanage de ce détestable « esprit français » dont le XVIIIe siècle fera une joute déconnectée de toute réalité et dont le mérite consistera en un jeu de méchancetés où la vérité n'est pour rien, ce pari selon lequel la raison même suppose qu'il vaut mieux croire en Dieu que ne pas croire puisqu'on a tout à y gagner et rien à y perdre (on suppose que Pascal compte pour « rien » le fait de s'adonner une vie entière à des mensonges, doctrine et rite, parce qu'il ne soupçonne pas, tant il est certain du contraire, qu'on ne puisse bénéficier que d'une seule vie ; au même titre, Descartes a écarté qu'en fait de représentation d'un Dieu parfait, personne ne s'accorde, pas même les croyants, de sorte qu'on ne peut pas dire que Son idée nous préexiste puisqu'elle n'existe tout simplement pas). Ça veut toujours avoir raison, alors ça déraisonne pour forcer le passage aux thèses préétablies : la pétition de principe précède toujours la démonstration, où l'axiome improuvé est ce qui compte le plus. Vraiment, son soutien de la religion catholique est un entêtement d'enfant gâté, c'est manifeste, quitte à écrire n'importe quoi, à proposer des idées bizarres, contradictoires, absurdes, inentendables… et bientôt tout ce qui est inentendable et obscur est vrai, parce que le propre de la vérité est d'être obscur et absurde, etc. Tout aboutit à cette passivité, à cette soumission, à cette humiliation, à cette renonciation et à cette irréflexion qui symbolisent le mode de relation traditionnelle à Dieu : mais pourquoi, en ce cas, s'efforcer par intermittences d'expliquer de façon rationnelle tant de paradoxes et d'apories si l'on est persuadé qu'il suffit de s'abandonner à des lumières supérieures pour être le meilleur croyant ? du reste, cet ergotage, je crois, ne convainc personne, ou, précisément, ne convainc que des Catholiques ; son discours de religion n'est qu'une philosophie de converti, même le Catholique ne sera pas persuadé de la moitié de ces « arguments » qu'il passera le plus souvent avec dédain jusqu'à rencontrer enfin quelque chose de plus substantiel : Pascal est une liste de mauvaise foi où, tôt ou tard, se retrouve un croyant. Or, je ne présume pas, moi, qu'il y a quatre cents ans la conformation de l'esprit humain empêchait l'individu de deviner en quoi consistait une raison bien ferme et irrécusable – mais j'ai peut-être tort, je l'ignore au juste, c'est un champ d'étude extraordinaire et auquel je ne me suis pas livré que de se figurer ce que pouvait être un conditionnement psychologique médiéval. Pascal est l'incessante et agaçante contradiction qui se vante ou qui s'ignore, parce que perpétuellement il ne regarde qu'au but, jamais aux moyens intègres et réguliers d'y parvenir : il a sa conclusion, il lui faut fabriquer après coup des logiques pour les atteindre (c'est la même erreur de facticité chez Descartes, on sent bien qu'il lui fallait son existence de Dieu pour poursuivre), et il n'est jamais aussi pertinent que quand il parle du monde réel, en moraliste concret plutôt qu'en spiritualiste des Écritures, c'est bien cette brève partie de lui qu'on retient de lui quand on prétend l'aimer en entier – et dois-je dire encore que ces pensées sont en très grand nombre des emprunts à Montaigne sur qui, par ailleurs, il se sent encore légitime et habile à médire ? Il exprime alors de ces intuitions étonnantes et fécondes mais malheureusement courtes, inapprofondies, proprement fulgurantes c'est-à-dire lumineuses et passées comme l'éclair, sans description utile à amener à une révolution réflexive, au point qu'on s'interroge si Pascal n'est pas plus intéressant quand il reçoit des visions que lorsqu'il raisonne, si spirituellement il ne vaut pas mieux quand il entrevoit fugacement la réalité plutôt que lorsqu'il s'appesantit de spiritualité, s'il n'est pas plus juste quand il évoque et soupçonne que lorsqu'il disserte et pérore. Son « divertissement » par exemple n'est pas trop mal, l'idée essentielle que l'homme ne s'adonne à toutes sortes d'activité que pour mieux oublier son ennui qui l'accablerait d'indignité s'il s'attardait à réfléchir sur soi, et qu'il ne cherche ainsi pas tant à obtenir le bénéfice de son action qu'à perdre son temps en purs projets, mais c'est encore peu, de quantité et de matière, dans l'ensemble des Pensées, quatre ou cinq pages à l'avoir rendu célèbre, et encore insuffisantes à expliciter de quelle indignité il s'agit et notamment quel est le caractère foncier de l'être qui le rend si impropre à se sentir une existence légitime et glorieuse : mais il est vrai que, sans doute, les lourdes préconceptions du christianisme embarrasserait ce substrat véridique s'il fallait à Pascal pour le développer. Ce christianisme forcené qui s'attache à se trouver une méthode occupe déjà plus de la moitié de l'ouvrage, avec toute la faconde procédurière et étriquée d'un janséniste qui ne s'empêche pas de dénoncer ses voisins qu'il désapprouve, et la logique rigoureuse qui intéresse Pascal dément si fort toutes les basses et souterraines « raisons » de la religion qu'on ne croirait pas que cette défense du catholicisme soit du même homme, ou, pour le dire plus justement, qu'on ne croirait pas qu'elle ait été rédigée avec un esprit qui ne fût pas conduit par une thèse qu'il s'obstine à défendre à n'importe quel prix, par contraste avec le reste qui lui vient plus naturellement de l'observation des moeurs humaines et d'un simple effort de déduction ; on trouve là le caractère d'un homme « qui veut faire de l'esprit », comme il explique par exemple que tous les costumes ne sont qu'un décorum pour s'attribuer de fausses compétences, puis prétend qu'il faut quand même s'y soumettre à cause de la puissance qu'ils représentent, incohérence qui ne sert qu'une apparence de virtuosité éloquente – j'en livre les extraits, pour honnête comparaison :
« Nos magistrats ont bien connu ce mystère. Leurs robes rouges, leurs hermines, dont ils s'emmaillotent en chats fourrés, les palais où ils jugent, les fleurs de lis, tout cet appareil auguste était fort nécessaire ; et si les médecins n'avaient des soutanes et des mules, et que les docteurs n'eussent des bonnets carrés et des robes trop amples de quatre parties, jamais ils n'auraient dupé le monde qui ne peut résister à cette montre si authentique. S'ils avaient la véritable justice et si les médecins avaient le vrai art de guérir, ils n'auraient que faire de bonnets carrés ; la majesté de ces sciences serait assez vénérable d'elle-même. Mais n'ayant que des sciences imaginaires, il faut qu'ils prennent ces vains instruments qui frappent l'imagination à laquelle ils ont affaire ; et par là, en effet, ils s'attirent le respect. Les seuls gens de guerre ne sont pas déguisés de la sorte, parce qu'en effet leur part est plus essentielle, ils s'établissent par la force, les autres par grimace. » (page 78)
(Étrange, notamment, que Pascal à travers ce morceau qu'on sent conçu en pleine et audacieuse conscience des sociétés d'apparat, n'ait pas songé à en appliquer la teneur au seul costume dont il ne parle pas, quoiqu'évoquant la soutane, celui du prêtre.)
« Cela est admirable : on ne veut pas que j'honore un homme vêtu de brocatelle et suivi de sept ou huit laquais ! Eh quoi ! il me fera donner les étrivières si je ne le salue. Cet habit, c'est une force. C'est bien de même qu'un bien cheval harnaché à l'égard d'un autre ! Montaigne est plaisant de ne pas voir quelle différence il y a, et d'admirer qu'on y en trouve, et d'en demander la raison. » (pages 158-159)
Le premier texte propose une observation à la Montaigne suivant la raison impartiale et suppose que le costume est un déguisement auquel il ne faut pas se laisser attraper, et le second parle de la peur qu'inspire la puissance costumée à laquelle il faut donc se résoudre : Pascal est un homme qui finit par se plier à ses passions où figurent tous ses intérêts sociaux au détriment de philosophiques, et cette contradiction en lui explique pourquoi, au fur-et-à-mesure que sa carrière le fait connaître, il se range à des obéissances dont il sent qu'elles lui vaudront plus de profit – cette transaction de conscience est ainsi résolue, et ainsi toute sa doctrine en définitive se limitera, en substance, à : « Il ne faut pas résister », doctrine aussi piètre qu'avantageuse, un opportunisme médiocre, le contraire d'une philosophie de bravoure. Il y a d'ailleurs, si l'on y songe, dans cette insistance à convertir par l'écrit publié, non tant de disposition sincère parce que le croyant ne doit logiquement point tirer de satisfaction à ne pas être seul, mais un étalage sophistiqué par lequel Pascal proclame son effort d'évangélisme et sa conformité religieuse, attributs courtisans dont l'ostentatoire sert uniquement la reconnaissance mondaine.
Non, Pascal n'est pas grand mais servile, et sa pensée bien souvent est une ratiocination et un sermon, un sophisme et une argutie, une élégance en vogue, factice comme les oraisons funèbres de Bossuet qui n'ont jamais tant servi à célébrer des morts qu'à se célébrer lui-même et sa faculté de discourir, et qu'il exhibe infantilement pour satisfaire des maîtres qui le peuvent promouvoir, sans risque ni avancée majeure pour la réflexion de son siècle, dans le sens même des intérêts contemporains, enfonçant le savoir dans ses usages, confortant des positions et des modes de pensée, distillant l'influence de la stagnation et des pompes. C'est même d'ailleurs à peu près en ces termes qu'il le confesse, puisque chez lui tout se résume aux plus ou moins d'avantages qu'on tire de ses pensées et de ses comportements, et qu'il ne faut que s'adapter au monde où l'on vit afin d'être heureux et ne déranger personne. C'est là, sans doute, qu'il faut chercher l'origine de sa contestation de Montaigne : outre que ce dernier ne faisait pas grande démonstration de foi, il était malgré cela fort célébré dans les cercles littéraires du XVIIe siècle pour son us d'une raison sage et pratique, et l'on sait que, de tous temps en ce monde déplorable et politique, partout où l'on aspire à se faire valoir, il ne s'agit pas d'avoir raison avec équilibre et subtilité mais, en se servant de références unanimes propres à susciter sa connaissance, de se porter en leur plus grands défenseur ou en leur opposant outré, comme cela se réalise encore dans toutes nos assemblées.
Lien : http://henrywar.canalblog.com
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