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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Même si je préfère "Mes années grizzly" du même auteur, Doug a réussi à m'embarquer dans sa guerre atroce au Vietnam et dans toutes les images des grands espaces naturels qu'il a autant dans les yeux que dans la tête, dans l'âme que dans le corps, dans toutes ses pensées, réflexions, analyses.

Et puis, tout au long de ce livre, plane l'ombre de l'immense Edward Abbey, leur amitié constituée au fil de nombreux non-dits, leur relation presque de père à fils et Doug a vraiment eu le comportement d'un fils spirituel envers Edward, veillant sur lui dans son agonie, recueillant son dernier souffle et l'inhumant au coeur du désert solitaire ainsi qu'Ed le souhaitait.

Les premières pages du livre sont largement consacrées à cet épisode douloureux, la perte inéluctable d'un ami précieux, l'avenir qui s'ouvre pour Doug sans sa présence silencieuse, attentive, une référence de vie pour Doug. Il revient d'ailleurs sans cesse vers Ed tout au long de son livre, surtout vers la fin, en insérant même des extraits des carnets d'Edward Abbey et du Retour du Gang de la clé à molette.

Doug Peacock, parcourant l'Himalaya, en vient même à se persuader qu'il est atteint de la même maladie que celle qui a emporté son ami, à peine âgé de 62 ans. Mais, il va survivre, Doug, bien plus longtemps qu'Eward, en gardant pour tout le restant de ses jours cette "guerre dans la tête" qui a emporté sa jeunesse, horrifié qu'il a été par tous les crimes inutiles commis par ses compatriotes militaires au Vietnam : civils assassinés par centaines, hommes, femmes, enfants, nourrissons au nom d'aucun rêve américain, simplement par violence inconsidérée et gratuite.

Ainsi, au fil des pages, Doug, encombré par cette guerre, écrit plusieurs réflexions, personnelles ou en citant Abbey, sur la vie et la mort, avec une grande justesse, une précision philosophique remarquable où malgré tant de noirceur vue dans sa vie, l'optimisme émerge grâce à la nature, la marche, les oiseaux, les fleurs et les grizzlies. Il leur consacre seulement dans ce livre un court chapitre qui traduit son éblouissement d'une journée unique au cours de laquelle il a pu observer le quotidien de plusieurs familles et d'un grand mâle, pas moins d'une douzaine au total. Auprès d'eux, il ressent ce frisson angoissant de la mort, mais là, une mort quasiment offrande aux ours, même s'il fait tout pour éviter un tel dénouement tragique pour ses proches.

Ce sont de très belles pages que propose Doug Peacock avec ce livre, des pages qui pénètrent le corps et l'âme, qui ramènent le lecteur vers les déserts solitaires, ceux de la nature, ceux de la vie, peut-être pas ceux de la mort.
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Depuis le temps que je voulais ce livre, introuvable à prix raisonnable, j'ai enfin eu l'occasion de le lire en numérique. Ne sachant pas exactement à quoi m'attendre, je croyais assister aux pensées d'un vétéran centrées sur l'expérience de la guerre du Vietnam. En réalité, il s'agit d'un récit autobiographique de Doug Peacock dans lequel il parle d'abord de son ami… Edward Abbey : Un auteur que j'adore, ayant beaucoup aimé me promener dans son Désert solitaire, et bidouiller avec son Gang de la clé à molette. Pour quelqu'un qui ne s'intéresse ni à Abbey, ni à ses écrits, je ne sais pas si ce récit de Peacock serait intéressant. Mais pour moi, ce fut une mine d'informations. J'y ai par exemple découvert que le personnage de George Hayducke dans le gang de la clé à molette est totalement inspiré de Doug Peacock, à son grand dam ! Or, ce personnage de George est mon préféré dans le Gang, celui qui m'a semblé le plus intriguant. Dans cette biographie, on retrouve donc l'idéologie écolo des deux amis, celle qui les a reliés en dépit de leur différence d'âge et qui est à l'origine du gang de la clé à molette et, plus généralement, de tous les livres d'Edward Abbey. On en apprend beaucoup sur Abbey lui-même, en particulier sur sa fin de vie. Si Abbey nous a livré Peacock sur un plateau dans ses romans, celui-ci lui rend la politesse en l'explorant à son tour. Cela dit, à travers cette amitié et ce double fictionnel, c'est bien à la recherche de lui-même que part Doug Peacock en écrivant ce bouquin.


« Abbey me rendit sans doute service en créant une caricature de moi-même dont je percevais la nature obtuse quand la mienne m'échappait. Il avait dépeint l'ex-Béret vert Hayduke par touches précises, comme un homme pris dans un marécage émotionnel, et il me donna l'envie d'en sortir. La seule chose pire que de lire ses propres écrits est de devenir le personnage de fiction d'un autre. »


Comme le George du roman, Peacok a une guerre dans la tête qu'il aimerait bien s'enlever de là : Celle du Vietnam, de laquelle il est revenu avec des syndromes de stress post traumatique encombrants et handicapants pour sa vie familiale, amicale et professionnelle. Il est aussi revenu de cette guerre avec une colère sourde contre le Gouvernement et son autorité, ainsi que contre l'action humaine en général, les actes de ses semblables : inhumains et violents. «Plus jamais je ne tuerai un inconnu, mais je donnerai ma vie pour préserver une terre sauvage.» Aussi lorsqu'il rencontre Abbey, son adoration pour la nature lui procure un certain apaisement : randonner dans de grands espaces inexplorés et presque vierges permet tout à la fois de renouer avec une certaine pureté, d'ordonner ses pensées au rythme apaisant de la marche, de retrouver une forme de paix avec soi-même que personne ne vient déranger. de s'inspirer de la force de la nature. de caler l'esprit sur le corps, qui devient plus sain à mesure que la marche dure. Un esprit plus sain dans un corps plus sain, c'est le but que vise Doug Peacock - il est d'ailleurs intéressant de lire comme Abbey décrit le corps de George comme athlétique et viril, tandis qu'en vieillissant, Doug ne cesse de répéter que la marche vise aussi à lui faire perdre son trop plein graisseux en même temps que son trop plein émotionnel. Evacuer. La randonnée est le chemin pour y parvenir. Mais ce cheminement n'est-il pas un but en soi, finalement ? Qui serait la recherche de soi-même, l'adéquation corps-esprit quand la civilisation nous fait nous égarer.


« Comme Abbey, j'ai toute ma vie cherché un juste équilibre entre l'amour de mes proches et les marches solitaires en pleine nature. Il n'y a pas de canyon plus profond que la solitude. »


La rébellion d'Abbey contre les actions institutionnelles amochant la nature ont doublement du sens pour Peacock : Elles lui permettent de défendre ces refuges naturels, où il peut vivre en solitaire, en même temps que d'exprimer sa colère contre l'autorité gouvernementale. Ainsi Abbey et Peacock explorent, mais aussi sabotent. le gang de la clé à molette, c'est eux. Eux qui veulent préserver la nature, car seule sa beauté virginale parvient à leur faire apercevoir la beauté de ce monde qu'ils ont tendance à voir noir et laid - du fait de leur tendance commune à la dépression, causé par leur état de santé respectif, différent mais défaillant. « Je m'efforce d'absorber toute la beauté que contient le monde ». Lorsqu'on lit ce récit, on retrouve les caractéristiques de personnages du Gang, et l'on comprend beaucoup de chose du roman. Et en visualisant de vraies photos de Peacock jeune, je me rends compte à quel point Abbey était un auteur doué car elles correspondent exactement à l'image de George que sa plume avait forgée en moi.


Je n'ai pas été immédiatement subjuguée, en revanche, par la plume de Peacock : ses descriptions de la nature n'ont rien de comparables avec celles de Thoreau ou Abbey. L'intérêt premier de cette lecture fut donc de me replonger dans l'univers d'Abbey et de Hayduke, de l'approfondir, de rencontrer George. Mais au fil de cette lecture, j'ai finalement rencontré Peacock himself, en même temps qu'il a dû se (re)trouver en l'écrivant : Perdu, ne sachant plus où il en est et comment se définir au retour du Vietnam, c'est en décryptant son amitié et son double fictionnel que Peacock se présente à nous, et qu'il essaye de démêler le vrai du faux dans sa tête, où la guerre fait encore rage. C'est le cadeau que lui a fait Abbey. C'est donc seulement dans ce second temps que Peacock est parvenu à me faire entrer dans sa tête, son paysage, son naufrage matrimonial et ses épopées de nature writing, notamment avec les grizzlys qu'il excelle à dépeindre. le ton de son récit a alors fini par m'imprégner, lorsque les nombreuses facettes de ce récit ont commencé à interagir entre elles. J'ai été projetée de plein fouet dans la guerre qui faisait rage dans sa tête, ballotée entre les images du Vietnam, son âme blessée, son coeur qui saigne. Et cet espoir de rédemption dans la nature, qui le rattache au monde physique : celui de la vie, et des vivants.


Un besoin de terres sauvages que Laurens van der Post résume ainsi : « De retour aux premiers temps de l'humanité, lorsque tout était vivant, magique, empreint d'un magnétisme frémissant puisé à la plénitude du Créateur, quel qu'il soit. Et je vécus là quatre semaines entière, et peu à peu, grâce aux animaux, je fus rendu à moi-même, à mon humanité ».
C'est là, parmi les grizzly, que Douglas Peacock se sent rendu à la sienne. C'est en définitive un récit différent de ce à quoi je m'attendais, mais bien plus riche, qui se termine par une randonnée dans un lieu où « la guerre et le désert - mes deux sujets de prédilection - se rejoignent. » Peut-être l'espoir que toutes ses expériences et facettes de lui-même ne sont pas si incompatibles. En tous cas je referme ce livre avec la furieuse envie de lire son récit sur les grizzlys !


« vingt-cinq ans à ressasser la guerre dans la rage, ça fait trop. Ça laisse des traces. La guerre a duré trop longtemps. »
« Le guerre est finie, me dis-je. C'est vrai, ma guerre est finie. Libre à moi de canaliser ma férocité de nouvelles façons, d'apporter un peu de cette nature sauvage à ceux que j'aime. »
« La marche m'a délivré. Je rêve l'espoir de la joie ».
« Je voudrais aussi retomber amoureux. (…) J'hésite pourtant à l'idée de vivre une nouvelle passion, de risquer une blessure ».
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Le hasard fait bien les choses : mon premier livre au cours de ces quatre derniers mois, qui ne soit pas lié de près ou de loin à l'enseignement, pédagogie, didactique... ou à ce fichu master à terminer. Premier livre en quatre mois. Une grande inspiration au terme de trop de temps sous l'eau. Une escapade pour se ressourcer.

Et donc pour en revenir au hasard heureux, retour auprès de l'un de mes héros, Doug Peacock, cette fois-ci dans "Walking it off", pour un voyage le long de trois sentiers essentiels de sa vie : le Vietnam, la fuite dans la nature sauvage à la recherche du noyau dur de son âme toute cabossée et le long deuil de son mentor, meilleur ami et figure paternelle, Edward Abbey.

Un voyage un peu différent du précédent, mais au cours duquel on retrouve, avec grand plaisir dans un épisode (un peu trop court), quelques ours au détour du Grizzly Hilton, mais également la relation jamais paisible de Peacock et Abbey, les dernières heures de ce dernier, les paysages étranges et inhospitaliers des contrées désertiques du sud ouest des USA et du nord du Mexique rendus magiques par les mots de l'auteur.

Un thème récurrent (je passe le traumatisme de la guerre et son absurdité, la réflexion Peacock étant plus intéressante sans remâchage-recrachage par un tiers) que l'on retrouve dans les écris d'autres Nature Writers, éco-écrivains et naturalistes, et que je trouve particulièrement intéressant, les notions de « wildness » et de « wilderness », l'un dans l'homme nourri par l'existence de l'autre qui doit être préservé afin de préserver le noyau dur de l'âme humaine... je m'exprime bien mal, et je m'embrouille pour le coup.

En bref, un livre que j'ai lu très rapidement et avec grand plaisir de retrouvailles de Doug Peacock, malgré des sujets difficiles, un récit très personnel, souvent touchant et parfois difficile à comprendre (sérieux, l'impact de la guerre sur la psyché, qui ne comprend pas les mots, mais qui comprend le traumatisme?), quelques touches d'humour et beaucoup d'humilité. Des passages à lire et relire, à travers les grands déserts sauvages et les contrées grizzlies. Mais sans doute en complément de Grizzly Years que je recommande plus chaudement.
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Ami personnel de Jim Harrison et surtout d'Edward Abbey, celui qui a inspiré le personnage de Hayduke dans le Gang de la clé à molette et accessoirement spécialiste mondial du grizzly et celui qui a conseillé Jean-Jacques Annaud lorsqu'il a tourné l'Ours, tout ça, ça vous pose un bonhomme.
Son pote Harrison le disait bien, je ne sais plus dans quel livre ou peut-être dans le film de François Busnel : "le paysage peut emporter tous les chagrins".

Après avoir respecté les dernières volontés d'Edward Abbey, après avoir enterré son père, après avoir reçu sa notification d'une invalidité de 100% pour stress post traumatique (appelé aussi syndrome du vétéran), suite à la guerre du Vietnam, il est temps de se reconstruire, de se reconnecter à soi par la marche, la solitude et le contact avec la nature sauvage et de trouver un équilibre entre l'amour des proches et ce besoin irrépressible de partir marcher. "Marcher, marcher encore. Les pieds feront l'instruction de l'âme".

Même si leurs relations étaient quelquefois compliquées, on voit bien à quel point Doug Peacock est affecté par la mort de son ami : "Abbey n'est plus et je suis encore là. Pourquoi et à quelle fin ?"
Et quel sens donner à sa vie lorsque le monde est devenu fou à lier sinon en se retirant dans les terres sauvages et en défendant autant que possible ce qu'il y reste de nature.

Un récit passionnant qui devrait plaire aux inconditionnels d'Edward Abbey, aux militants écologistes, aux marcheurs, aux pacifistes, aux amoureux de l'ouest américain, aux fans de la collection totem de Gallmeister...

Pour une raison que j'ignore, cette réédition a été l'occasion de changer le titre de ce texte édité à l'origine sous le titre une guerre dans la tête.

Challenge Totem.
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J'ai apris dans ce livre que Doug Peacock avait servi demodèle Edward Abey pour son personnage de George W. Hayduke, l'inénarrable activiste du "Gang de la clé molette" et le plus bizarre des vétérans de la Guerre du Vietnam, très friand de bière et de dynamite.
C'est dire que le personnage est unique, tout comme l'est son attachement à la nature, sa phobie du monde moderne et sa manière de raconter ses pérégrinations dansles endroits les plus reculés d'Amérique. Ce livre, comme beaucoup d'autres de cette magnifique collection Gallmeister est ue ode à la nature, il regorge de réflexions philosophiques sur le sens qu'il faut donner à la vie, et entraîne le lecteur dans des contrées reculées et propices à la méditation.
C'est superbe.
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