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Georges Perec écrit ce texte majeur en 1979 alors qu'il prépare un documentaire sur Ellis Island avec Robert Bober. C'est la lecture du récent ouvrage de ce dernier qui m'a remise sur la piste des mots de Perec. Il n'y a bien sûr pas de hasard à cet écrit pour son auteur.
Comme il l'a fait avec W, Perec projette sur Ellis Island, la quête infinie de son identité.
A travers les mots de Georges Perec, au fil des chiffres et des objets, c'est une mécanique broyeuse qui prend forme. Celle d'un accueil à la chaîne, déshumanisé et désincarné. C'est pourquoi l'auteur définit ce lieu comme un « non lieu », une forme de cul de sac .
Lire « Ellis Island » aujourd'hui permet au lecteur d'identifier d'autres non-lieu, comme si Ellis Island au début du vingtième siècle avait initié une marche funèbre pour tous les exils à venir.
Allégorie de l'errance et de la dispersion, c'est dans les mers d'Europe et d'ailleurs que nous portent aujourd'hui les mots de Perec. Les chiffres ont changé d'échelle, les lieux ne sont plus les mêmes mais la négation des vies est toujours là, sous d'autres formes, à Calais, Lampedusa, Lesbos ou ailleurs.
Un texte visionnaire et universel.
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Le livre (et le film) m'ont appris des choses sur les grandes immigrations vers les États-Unis. Je dois le reconnaître. En revanche, émotionnellement je n'ai pas ressenti grand chose, malgré tous les efforts de l'auteur.
C'est un livre très très court et simple à lire, alors vous pouvez facilement tenter l'expérience.
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Je ne m'attendais pas à me sentir si émue par ce texte.

C'est beau, par la simplicité des mots et puissant par leur agencement.
C'est émouvant par la pureté de l'intention : celle qu'on devine d'abord, et celle que Georges Perec explicite à la fin.

Ce texte est d'autant plus touchant qu'il fait écho à l'actualité.

"ils avaient renoncé à leur passé et à leur
histoire,
ils avaient tout abandonné pour tenter de venir
vivre ici une vie qu'on ne leur avait pas donné
le droit de vivre dans leur pays natal
et ils étaient désormais en face de l'inexorable"

Trop souvent aujourd'hui, les raisons des exils sont oubliés, consciemment ou non.
Pour détourner modestement les mots de Georges Perec, et sous prétexte que nos rues à nous sont désormais pavées, nos tunnels et canaux creusés, nos routes, nos ponts, nos grands barrages et voies de chemin de fer construits, nos forêts défrichées, on serait prêt à les laisser dériver.
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Un très beau texte de Georges Perec ,
lu par Samy Frey.
Ellis Island, "l'île des larmes" a reçu
16 millions de damnés voulant être pionniers.
Poussés loin de chez eux par l'intolérance
ou la misère, ou encore les deux à la fois,
ces émigrants deviennent des imigrants
Perec s'interroge sur l'exil et sur ce non lieu
lieu de sélection, de transition,
d'acceptation ou de rejet..
Il en refait l'historique, s'appuie avec minutie
sur des chiffres et des dates.
Il le visite avec Robert Bober, tous deux juifs
venant de familles jetées
dans l'émigration pour survivre .
C'est un reportage précis, passionnant
servi par une belle écriture.
Un reportage qui renseigne et interpelle
sur une question qui ne risque pas de quitter l'actualité.
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ELLIS ISLAND
L'île des larmes

Je n'ai pas les mots pour vous retranscrire ce roman tant cette petite histoire dans la grande m'a touchée profondément !
Un tout petit livre et pourtant un recueil immense de délicatesse et sensibilité, un style admirable tout en nuances, digne et simple.
Toutes ces vies déracinées, quittant leur pays, leurs familles, portant leurs rêves et espoirs vers cette Amérique, terre promise.
Cette Amérique mille fois rêvée, la terre de liberté où tous les hommes étaient égaux, le pays où chacun aurait sa chance, le monde neuf, le monde libre où une vie nouvelle allait pouvoir commencer.
Seize millions d'émigrants sont passés en trente ans par Ellis Island : le lieu de l'exil.
Il subissaient "l'inspection", devaient répondre à une série de vingt neuf questions ... Visite médicale, marqués à la craie d'une lettre : C la tuberculose, E les yeux, F le visage, X la débilité mentale .... , changer de nom.
A l'issue de ces humiliations, perte d'identité, l'inspecteur disposait de deux minutes pour décider si oui si non l'émigrant avait le droit d'entrer aux Etats Unis et devenir un immigrant.

Ce récit bouleverse car aujourd'hui, encore, le traitement faits aux migrants, ces frères humains, est indigne.
Demain, nous le serons peut-être ?...

"HOME" un poème sur l'immigration, écrit par une immigrante Warsan Shire jeune femme britannique d'origine somalienne

Personne ne quitte sa maison
A moins d'habiter dans la gueule d'un requin
 
Tu ne t'enfuis vers la frontière
Que lorsque toute la ville s'enfuit comme toi.
Tes voisins courent plus vite que toi
Le goût du sang dans la gorge
L'enfant avec qui tu as été à l'école
Celui qui t'a embrassé à perdre haleine
Derrière la vieille ferronnerie
Traine un fusil plus grand que lui
Tu ne quittes ta maison
Que quand ta maison ne te permet plus de rester.
 
Personne ne quitte sa maison
A moins que sa maison ne le chasse
Le feu sous les pieds
Le sang qui bouillonne dans le ventre
 
Tu n'y avais jamais pensé
Jusqu'à sentir les menaces brûlantes de la lame
Contre ton cou
Et même alors tu conservais l'hymne national
A portée de souffle
Ce n'est que quand tu as déchiré ton passeport
Dans les toilettes d'un aéroport
En t'étranglant à chaque bouchée de papier
Que tu as su que tu ne reviendrais plus.
 
Il faut que tu comprennes,
Que personne ne pousse ses enfants dans un bateau
A moins que la mer te semble plus sûre que la terre
 
Personne ne brûle ses paumes
Suspendu à un train
Accroché sous un wagon
Personne ne passe des jours et des nuits dans le ventre d'un camion
Avec rien à bouffer que du papier journal
A moins que chaque kilomètre parcouru
Compte plus qu'un simple voyage.
 
Personne ne rampe sous des barrières
Personne ne veut être battu
Ni recevoir de la pitié
 
Personne ne choisit les camps de réfugiés
Ni les fouilles à nu
Qui laissent ton corps brisé
Ni la prison
Mais la prison est plus sûre
Qu'une ville en feu
Et un seul garde
Dans la nuit
C'est mieux que tout un camion
De types qui ressemblent à ton père
 
Personne ne peut le supporter
Personne ne peut digérer ça
Aucune peau n'est assez tannée pour ça
 
Alors tous les :
A la porte les réfugiés noirs
Sales immigrants
Demandeurs d'asile
Qui sucent le sang de notre pays
Nègres mendiants
Qui sentent le bizarre
Et le sauvage
Ils ont foutu la merde dans leur propre pays
Et maintenant ils veulent
Foutre en l'air le notre
 
Tous ces mots-là
Ces regards haineux
Ils nous glissent dessus
 
Parce que leurs coups
Sont beaucoup plus doux
Que de se faire arracher un membre.
Ou les mots sont plus tendres
Que quatorze types entre tes jambes
Et les insultes sont plus faciles
A avaler
Que les gravats
Que les morceaux d'os
Que ton corps d'enfant
Mis en pièces.
 
Je veux rentrer à la maison
Mais ma maison est la gueule d'un requin
Ma maison est le canon d'un fusil
Et personne ne voudrait quitter sa maison
A moins d'en être chassé jusqu'au rivage
A moins que ta propre maison te dise
Cours plus vite
Laisse tes vêtements derrière toi
Rampe dans le désert
Patauge dans les océans
 
Noie-toi
Sauve-toi
Meurs de faim
Mendie
Oublie ta fierté
Ta survie importe plus que tout.
Personne ne quitte sa maison
A moins que ta maison ne chuchote grassement à ton oreille
Pars
Fuis moi
Je ne sais pas ce que je suis devenue
Mais je sais que n'importe où
Vaut mieux qu'ici.
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Un très beau texte de Georges Perec, rapidement lu, mais à fort impact!

Associé à un film réalisé il y a pas mal d'années, ce livre n'a rien perdu de son actualité! Sa lecture est indispensable pour toute personne ayant l'intention d'aller visiter (et découvrir) New York.

Je recommande fortement de commencer tout séjour "découverte" de New York par la visite d'Ellis Island. C'est ce que j'ai fait, bien sûr et j'en ai gardé un souvenir inoubliable et profond.

Ce texte est très fidèle à ce que l'on ressent quand on parcourt ces lieux chargés d'histoire, d'espoir de millions de personnes, de craintes et d'angoisse jusqu'à l'obtention du permis d'entrer dans "le rêve américain" qui n'en n'est pas vraiment un, et pour une faible minorité le désespoir de devoir attendre des semaines ou des mois, et surtout de devoir repartir en quittant ses proches!

Aujourd'hui le contexte a évolué, mais les US ont construit un mur sur la frontière mexicaine et mis en place une législation de plus en plus restrictive (voir les derniers accords avec le Canada), il n'en demeure pas moins que le flux migratoire continue d'être très important, et n'est pas près de disparaître!

Ellis Island demeure, proche de la statue de la Liberté. Lieu de mémoire à visiter et texte à lire.
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Très beau texte de Georges Perec qui pour répondre à une commande de l'INA se rend en 1978 avec Robert Bober à Ellis Island. le livre est court mais Georges Perec condense avec art ce que furent ces décennies de migration, pointant une atmosphère, sans s'apitoyer.
Le problème pour l'auteur quand il est sur place c'est la lecture des traces,
Perec fait un historique de l'immigration en Amérique.Des raisons économiques et politiques poussent à partir du début du XIX Eme siècle des millions d'Europeens à rejoindre l'eldorado et l'émigration est pratiquement libre jusqu'en
1892 . le centre d'accueil d'Ellis Island fonctionne de 1892 à 1924 et 16 millions de personnes passent avec espoir ou crainte par cette usine à fabriquer des Américains,La réglementation devient de plus en plus stricte et à partir de 1924 Ellis Island devient un centre de détention,
Perec vient y chercher quelque chose d'informe, en lien avec le fait d'être juif, il cherche à comprendre ce qui est au coeur de cette aventure d'exil,
l'errance et l'espoir,
D'autres juifs ont le sentiment d'être insérés dans une tradition, une langue, une communauté, ils ont donc des racines partageables , ce qui n'est pas le cas de Perec.
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Ces 75 pages sont la dernière édition du texte écrit par Georges Perec pour illustrer un film réservé à la télévision en 1980 sur Ellis Island : « histoire d'errance et d'espoir » qu'il a réalisé avec Robert Bober (1931).
C'est court, mais extrêmement précis dans la description des lieux, dans l'analyse politique et sociale des grandes années d'émigration, et surtout dans la transmission émotionnelle. Perec sait trouver les mots justes, sans ambages et sans fioriture pour nous fournir de la matière à réflexion. 16 millions d'êtres humains émigrants, femmes, hommes, enfants, dont il précise l'origine du pays de départ et le chiffre, ont transités sur ce bout d'îlot de 16 hectares pour un « eldorado » venté par les vendeurs d'espoir, avant d'être tamponnés immigrants américains. Dans cette masse d'individus, cet agglomérat de créatures si dissemblables de culture, de religion, d'origine, de langue, seul le désir d'une vie meilleure les unissaient. Perec ne peut gommer sa propre expérience d'exil, celui du juif errant où n'existent plus les souvenirs communs du groupe, quand la diaspora et la dispersion ont désarticulé et défait le socle d'appartenance, quand le constat sans fin vous hante, celui d'être un étranger, sans histoire, sans souvenirs. P63 « je n'ai pas le sentiment d'avoir oublié, mais celui de n'avoir jamais pu apprendre ».
Très beau texte.
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Quand on revient d'un voyage à New-York on en a eu plein les yeux. Personnellement j'ai été très touchée par Ellis Island parce qu'elle symbolisait.

Rien de mieux que la voix d'un écrivain pour revenir sur les lieux sans trop approfondir.

Georges Perec a su trouver les mots simples et les mots justes.

Aujourd'hui il y a de plus en plus d'immigrants… mais il n'y a plus vraiment d'Ellis Island… C'est terrifiant cette impuissance mise à nue…





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🇺🇸 « Au début, on ne peut qu'essayer
De nommer les choses, une
A une, platement,
Les énumérer, les dénombrer,
De la manière la plus
Banale possible,
De la manière la plus précise
Possible,
En essayant de ne rien
Oublier » (p.45)

🇺🇸 Ellis Island. Last stop pour des millions de personnes qui ont fui leur pays pour rejoindre la terre aux innombrables possibilités, dès le milieu du XIXème siècle. Ellis Island fait partie de ces lieux qui existent mais qui, en même temps, ne « sont » pas ; symbole de l'exil, ultime étape d'un exode souvent douloureux, Ellis Island, surnommée « l'île des larmes » est comme une porte sur un monde nouveau ; avant d'y entrer, on est italien, français, polonais, irlandais ... Et si l'on a la chance de répondre correctement aux 29 questions qui nous sont posées, si l'on n'est ni souffrant ni malade, si le juge donne son accord, alors on en sort américain. Welcome to the United States of America.

🇺🇸 L'île des larmes... A ceux qui se sont vus refuser l'entrée sur le territoire, deux options s'imposent : l'attente ou le retour. L'échec.

🇺🇸 Extrêmement court mais d'une puissance incroyable, ce récit est un véritable trésor. George Perec questionne ici « l'errance, la dispersion, la diaspora ». Ce qui l'intéresse dans cet endroit où quelques fonctionnaires tenaient entre leurs mains le destin de millions de personnes, c'est l'absence de substance, la vacuité de l'endroit, il n'y a rien de tangible, de palpable, il n'y a que l'histoire de ces hommes et de ces femmes, leurs récits, leur mémoire. On ne visite pas cet endroit, on le ressent profondément, il fait écho à d'autres sentiments, d'autres troubles, d'autres fuites, les nôtres, plus intimes, plus enfouies.

🇺🇸 Ce récit fut publié en 1980. Mais il n'a pourtant jamais été plus actuel.

🇺🇸 Comprenez : sometimes we just need to look back.
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