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EAN : 9782204115964
Le Cerf (03/03/2017)
3/5   2 notes
Résumé :
Trois cent mille morts depuis 2011, une paix improbable.
Pourquoi la guerre en Syrie est-elle une catastrophe globale ? En quoi les puissances occidentales sont-elles aussi responsables de cet échec politique, militaire et moral ? Au nom de quoi ce désastre pourtant annoncé a-t-il été nié ? Et comment la France a-t-elle perdu une partie essentielle au regard de son histoire comme de sa vocation et de ses intérêts ?
Le Levant, le Grand jeu, Sykes-Pico... >Voir plus
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
L'irrésistible ascension de l'Iran est une conséquence du nouveau Moyen-Orient américain. Idéalement situé au carrefour du Moyen-Orient, du sous-continent indien, du Caucase et de l'Asie orientale, l'Iran est l'héritier d'une longue histoire impériale qui alimente encore aujourd'hui son désir de puissance. Connu sous le nom de « Perse » jusqu'en 1935, c'est un pays de vieille civilisation, fort d'un territoire vaste, 1,7 million de km2, et d'une population nombreuse, 77 millions d'habitants, qui en fait le pays le plus peuplé du Moyen-Orient après l'Égypte. Il ambitionne aujourd'hui de redevenir un acteur de premier plan sur la scène régionale et internationale.
(...)
Pour ce qui concerne le dossier syrien, il faut s'intéresser à la figure de Qassem Soleimani, l'« imam caché » de la stratégie iranienne à l'extérieur et qui semble être le grand ordonnateur de la stratégie de l'Iran sur le terrain. C'est à la faveur de l'été 2014 qu'est apparue en plein jour la figure du général Qassem Soleimani, commandant des forces spéciales (Al-Qods) au sein de l'armée d'élite des Gardiens de la révolution iranienne. Soleimani avait rejoint dès 1979 les rangs des Gardiens de la révolution après la chute du shah d'Iran. Il s'illustra lors de la guerre Iran-Irak de 1980 à 1988.

Devenu commandant de la force Al-Qods en 1998, c'est lui qui a été la cheville ouvrière de la mise sur pied des opérations spéciales du Hezbollah libanais mais aussi qui s'est porté au secours de Bachar el-Assad en 2012 en dirigeant de facto les opérations militaires contre les rebelles en inspirant le modèle des Forces de défense nationale. Véritable bête noire des djihadistes mais aussi des services secrets occidentaux, ce personnage qui a cultivé longtemps le secret ne se prive pas depuis l'été 2013 d'apparaître régulièrement sur des photographies prises sur la plupart des théâtres d'opérations d'Irak ou de Syrie, sourire malicieux et tenue décontractée, ne répugnant pas à la mode des selfies en compagnie de miliciens chiites.

Disparitions et réapparitions soudaines, culte du secret, une stratégie de communication au moins aussi payante que les conseils décisifs qu'il apporte : en mars 2015, le parlement irakien lui délègue la c oordination de l'ensemble des forces de sécurité irakiennes contre l'État islamique. Sa mort est régulièrement annoncée sur les réseaux sociaux avant qu'il ne réapparaisse, en pleine forme, ici ou là, combinant l'art de la mise en scène et donnant une impression d'ubiquité. Un quasi-culte de la personnalité qui en irrite certains à Téhéran, qui craignent qu'il ne fasse de l'ombre aux dirigeants officiels.

Soleimani est une sorte d'anti calife al-Baghdadi, tant il est vrai que ce qui se joue aussi est une bataille de communication, l'Iran réussissant à donner l'impression de son omniprésence en Irak. Lors d'un rassemblement en 2015 à l'occasion du 36e anniversaire de la Révolution islamique en Iran, Soleimani déclarait non sans exagération : « Nous assistons à l'exportation de la révolution islamique dans toute la région. De Bahreïn à l'Irak et à la Syrie, du Yémen à l'Afrique du Nord. » Mais lorsqu'ils parlent de « Révolution islamique », les commentateurs ont tendance à se concentrer sur le terme d'« islamique » ce qui aboutit fréquemment à l'expression de « géopolitique du chiisme » voire d'« arc chiite », cette dernière expression ayant été vraisemblablement utilisée en premier par le roi Abdallah de Jordanie en 2005. Bien sûr, comme cela peut s'observer dans le conflit en cours au Yémen, les puissances sunnites de la région ont beau jeu de présenter le conflit comme faisant partie intégrante d'un grand affrontement quasi eschatologique entre les musulmans orthodoxes (sunnites) et les chiites.

Certes, Téhéran cherche à imposer des normes religieuses strictes dans la société et tend vers l'établissement d'un système de gouvernement islamique. Toutefois, lorsque les responsables iraniens parlent de l'exportation de la révolution, il s'agit d'un modèle plus complet et de structures politiques qu'il s'agit de reproduire à l'extérieur. Ce sont ces structures, maintenant visibles du Yémen au Liban auxquelles faisait allusion Soleimani. La Révolution, plus que le chiisme, est le vrai levier de la puissance perse.
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Le déchaînement de la violence terroriste en Europe et en particulier en France nous a brusquement ramenés à repenser la question de notre modèle. Les terroristes ont cette vertu, qui est d'aller à l'essentiel. En cela ils sont les nouveaux « barbares ». Ils s'en prennent aux symboles et à leurs représentants (prêtres, policiers, militaires), inscrivent leur action dans une esthétique lourde de références historiques. D'une certaine façon, ces « barbares » nous disent ce que nous sommes, même si nous l'avons oublié. La société française est sidérée à chaque attaque terroriste : ce qui est atteint, c'est l'« ego » de la civilisation. En ce sens, les djihadistes sont véritablement l'Ennemi, « notre propre remise en question personnifiée » selon le mot de Carl Schmitt : la violence terroriste renvoie à la mort, au tragique mais aussi au sens de la vie. La situation rappelle combien furent illusoires les dividendes de la paix escomptés par le médiocre abandon à la thèse hégélienne de la fin de l'histoire et de la victoire de la « démocratie de marché ». Ce qui est en cause, c'est le réel dans tout ce qu'il a de primal et de politique. Depuis une vingtaine d'années, la dissolution du référent territorial de la souveraineté est la tendance lourde, du fait de la mondialisation. Les acteurs de ce recul étatique qu'ils soient terroristes, mafieux ou tout simplement économiques profitent de la faiblesse des États, de la libre circulation des capitaux, des hommes et de l'information pour accroître leur influence. Et l'histoire récente a montré combien cette logique réticulaire était devenue la force de ces organisations.
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Dans le monde musulman, le concept d'État-nation unitaire et souverain entre en collision avec le dogme de la souveraineté exclusive d'Allah et de la supériorité de la Oumma sur toute autre instance humaine. En toute logique l'islam rejette l'État-nation au profit de l'unité confessionnelle. Pour le théoricien de l'islam politique égyptien, Sayyed Qutb, il n'existe pas de « citoyenneté autre que celle de la foi islamique, selon laquelle l'Arabe, le Byzantin, le Perse sont égaux sous la bannière de Dieu ». L'islam, suivant une logique binaire ami-ennemi, ne reconnaît que l'existence de deux mondes : le Dar al Islam(monde de l'islam) et le Dar al Harb (monde de la guerre). Cette conception conflictuelle du monde est le moteur de son expansion et de son organisation unitaire. Mais si l'islam contient dès ses débuts une dimension expansionniste et une volonté de régénérer la société préexistante (la théologie islamique la désigne par le terme de Jahilya, « ignorance »), la plupart des courants dits « islamistes » se sont constitués à la charnière des XIX e et XXe siècle dans le contexte de la pénétration des idées européennes dans le monde musulman et de la situation coloniale. En particulier, l'abolition du Califat en 1924, suite à l'instauration de la République en Turquie, a laissé l'islam orphelin d'un magistère qui est censé intervenir pour l'au-delà, mais aussi pour le monde d'ici-bas : islam din wa dunya, l'islam est foi et loi.
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La guerre régionale qui se joue en Syrie est devenue le symptôme de l'agonie d'un ordre international en même temps que la prémisse de celui qui vient. Elle a été le catalyseur en même temps que le révélateur, sur une durée relativement longue, des basculements inédits de l'ordre international. En Syrie se joue exactement ce que d'aucuns prévoyaient avant même le premier mandat de Barack Obama : un lent redéploiement de la puissance américaine ou en tous les cas une hésitation stratégique majeure, propice à une percée des puissances émergentes sur le retour. Se joue aussi sur le théâtre syrien la progressive paralysie de l'Occident, entravé dans ses actes mais aussi ses mots, donnant la pénible impression d'un monde qui lui échappe.
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Le terrorisme prospère sur les lambeaux des sociétés décomposées. Les contrats sociaux préexistants, si imparfaits fussent-ils, qu'on pense à la Libye de Kadhafi ou à l'Irak de Saddam Hussein ou à la Syrie d'Hafez el-Assad, furent les garde-fous – certes ambivalents – de ce déchaînement anarchique de violence et d'arbitraire qui caractérisent les États faillis ou en déliquescence : nul étonnement de voir comment au Sahel, en Somalie ou en Syrie, cohabitent et s'entretiennent des phénomènes à proprement parler mafieux et des logiques eschatologiques et politiques portées par le djihad globalisé. Et l'on a beau jeu de prétendre que c'est l'oppression dictatoriale ou les régimes militaires qui en sont la cause.
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