Le siège de Calais
Cette pièce a été donnée pour la première fois en 1765 à la
Comédie Française. L'auteur prétend y avoir créé un genre nouveau, « la tragédie nationale ». Elle est une réponse à la fin de la guerre de Sept ans, guère glorieuse pour la France, et se propose d'exalter les vertus patriotiques, à travers l'histoire des fameux six bourgeois de Calais. Elle a eu retentissement immense : le roi Louis XV l'a fait représenter à la cour, l'auteur y a gagné une médaille. Une représentation gratuite à la
Comédie Française a suivi, ainsi que des représentations dans les garnisons. Elle a été traduite en peinture par Jean Simon Berthélemy en 1777. Bref, du jour au lendemain, de Belloy, un auteur jusque là considéré comme médiocre par ses contemporains, devient une célébrité.
Je ne vais pas m'atteler à un résumé de cette pièce, très invraisemblable et mal fichue.
Jacques Truchet qui a dirigé l'édition de la Pléiade du théâtre du XVIIIe siècle juge sa valeur littéraire très faible et l'estime comme une des moins bonnes du recueil qu'il nous donne. Je ne peux que lui donner raison. Mais elle illustre à quel point, à ce moment-là, le théâtre était devenu un lieu de débats idéologiques, une tribune propagandiste. La qualité artistique passait au second plan, il s'agissait de défendre un point de vue. Ici, de Belloy se montre royaliste, le roi étant le garant de l'unité nationale, l'alliance du souverain et de son peuple est indispensable à cette unité. L'auteur en vient à défendre la loi salique, qui à son avis évite que le gouvernement du pays ne revienne à un étranger (par mariage) ce qui serait néfaste.
La pièce comporte également quelque vers qui attaquent les philosophes :
« Je hais ces coeurs glacés et morts pour leur pays,
Qui, voyant ses malheurs dans un paix profonde,
S'honorent du grand nom de citoyens du monde ».
Qui ne pourront répliquer de suite, compte tenu du contexte hautement inflammable, mais qui ne s'en priverons pas par la suite.
Voltaire va railler la défense de la loi salique par des mauvais vers.
Mais la pièce n'est pas univoque. Ce sont bien des bourgeois les héros de la pièce, Edouard III, le roi anglais est un personnage très négatif, le traître est un noble. Avant tout, la pièce a une visée patriotique, redonner courage dans un moment difficile, il faut être prêt à se dévouer pour la patrie contre ceux qui la menacent, tous ensemble. Elle a rencontré un large écho à son époque, du fait du sujet, qui touchait forcément les gens. Elle n'a plus qu'un intérêt historique maintenant, elle est mal construite, invraisemblable, grandiloquente… En bref très évitable, sauf si on s'intéresse à l'époque ou au contexte.