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4,3

sur 2062 notes
Résumé :

C'est l'histoire d'un ouvrier intérimaire qui embauche dans les conserveries de poissons et les abattoirs bretons. Jour après jour, il inventorie avec une infinie précision les gestes du travail à la ligne, le bruit, la fatigue, les rêves confisqués dans la répétition de rituels épuisants, la souffrance du corps. Ce qui le sauve, c'est qu'il a eu une autre vie. Il connaît les auteurs latins, il a vibré avec Dumas, il sait les poèmes d'Apollinaire et les chansons de Trenet. C'est sa victoire provisoire contre tout ce qui fait mal, tout ce qui aliène. Et, en allant à la ligne, on trouvera dans les blancs du texte la femme aimée, le bonheur dominical, le chien Pok Pok, l'odeur de la mer.
Par la magie d'une écriture tour à tour distanciée, coléreuse, drôle, fraternelle, la vie ouvrière devient une odyssée où Ulysse combat des carcasses de boeufs et des tonnes de boulots comme autant de cyclopes.

Commentaires :

À la ligne est le premier roman de Joseph Ponthus originaire de Reims. Wikipédia nous apprend que l'auteur a travaillé à la mairie de Nanterre comme éducateur spécialisé puis a suivi et aidé des jeunes en difficulté. En 2015, un mariage le conduit en Bretagne, à Lorient. Ne trouvant pas de travail dans la continuité de son activité en région parisienne, il s'inscrit dans une agence d'intérim. Cette société lui propose des postes successifs comme ouvrier. Tout d'abord dans une conserverie de poissons, où il passe de la ligne des poissons frais, à celle des poissons panés, puis à l'égouttage des tofus et enfin à la cuisson des bulots. Son emploi suivant est dans un abattoir.

Ce sont ses deux expériences d'ouvriers d'usine que Joseph Ponthus nous relate dans une autofiction coup de poing, un livre remarquable.

D'abord par son style littéraire, déroutant en début de lecture, mais tout à fait adapté à la thématique : à la ligne, sans points ni virgules. Un long poème, une ode aux ouvriers qui peinent au quotidien dans un travail à la chaîne dévalorisant, dévalorisé, travail ignoré des consommateurs qui profite du produit de leur labeur.

Et par les questions de société qu'il soulève. Ambiance, odeurs, descriptions souvent déstabilisantes, réflexions de l' « homme-machine » sur la monotonie des heures passées à l'usine, les cadences infernales, le travail déshumanisant, la surexploitation des ressources et des humains, l'épuisement physique, les courtes nuits de sommeil, les relations de travail malsaines, le ridicule de certaines tâches… l'apanage de ce roman social hors normes.

Une oeuvre romanesque remarquable qui choque, qui dérange, qui révolte, qui laisse en bouche le goût des produits alimentaires usinés. Un livre que j'ai dévoré en quelques heures et qui mérite bien le Grand prix RTL-Lire, le Prix Régine-Deforges, le Prix Jean-Amila-Meckert, le Prix du premier roman par les lecteurs des bibliothèques de la Ville de Paris et le Prix Eugène-Dabit du roman populiste reçus au moment de la publication de cet avis de lecture.

Une de mes lectures coup de coeur 2020.


Originalité/Choix du sujet :
*****
Qualité littéraire :
*****
Intrigue :
*****
Psychologie des personnages :
*****
Intérêt/Émotion ressentie :
*****
Appréciation générale :
*****

Lien : https://avisdelecturepolarsr..
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J'étais très curieuse de découvrir À la ligne
je n'ai pas été déçue par ces « Feuillets d'usine »
Incongru presque insolent
ce récit sans autre ponctuation que des guillemets et tirets
(les rares points de suspension ou deux-points n'existent que dans les citations et je ne crois pas avoir croisé un seul point d'interrogation ou d'exclamation)
est une curiosité pour la rédactrice apprentie-correctrice que je suis
Tel un immense poème en prose
sur 263 pages
Joseph Ponthus
Déroule son chant
Sa mélopée
Son slam
En hommage aux ouvriers aux intérimaires aux « sans-dents »
À ses compagnons d'infortune
Qui chaque jour effectuent les mêmes tâches mécaniques sales dégradantes
mais indispensables dans une société où consommer est la priorité
peu importe ce que l'on consomme
peu importe comment on consomme
Crevettes fruits de mer porc et même tofu
À l'usine les heures s'enchainent
À l'usine les heures enchainent
mais l'esprit reste libre le salut vient de l'âme
Ponthus bat la mesure
avec humilité
avec maestria
Chapeau
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Un livre magnifique et fort !
Un très grand hommage à tous ceux qui travaillent (dur) dans l'ombre, à ceux aussi qui ont étudié mais qui vivent de boulots précaires... faute de mieux.
L'écriture poétique de Joseph Ponthus nous permet d'accéder à son monde fait de fragilité et de force, d'ombre et de beauté.
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Dès les premières pages, on est captivé à la fois par le style, l'écriture et le sujet.
Un livre que j'ai dévoré !
Bravo !!!
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J'ai été très touchée par ce texte présenté comme un roman en 4e de couverture mais qui sent le vécu et que j'ai presque envie d'appeler "témoignage poétique".
Un livre social qui restitue les conditions de travail des ouvriers (dans ces usines agroalimentaires comme dans d'autres secteurs comme l'industrie) mais aussi les pensées et les sentiments intimes de l'un d'entre eux.
On est dans la répétition des gestes, de la fatigue, des pensées, jour après jour. Il y a quelque chose de l'ordre du rituel.
C'est pur et authentique. La langue est vive, brute et poétique. Il y a de la colère, de la résignation mais aussi de l'humour et de la résistance.
Lien : http://tralilou-lit.over-blo..
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« A la ligne » est le premier roman de Joseph Ponthus. Il a déjà décroché un titre prestigieux et reconnu : le Grand Prix RTL Lire 2019 ainsi que le Prix Régine Desforges. Une belle reconnaissance pour un premier roman ! Avec ces prix, Joseph Ponthus n'aura plus besoin d'aller pointer « sur les lignes « de production ! Mais cela aurait été dommage qu'il ne nous livre pas son vécu de travailleur à la chaîne.
Joseph Ponthus, diplômé d'Hypokhâgne, a commencé sa vie professionnelle comme éducateur social « éducateur de mongolitos ». Je tiens à l'écrire c'est le seul bémol que je donnerais à ce livre : l'expression de mongolitos m'a fortement déplue, je trouve que c'est un manque de respect pour ces personnes. Ne trouvant pas de travail, Joseph Ponthus accepte du jour au lendemain d'être ouvrier intérimaire dans des conserveries de poissons et dans des abattoirs bretons. Très vite aliéné par ces conditions de travail et la cadence infernale qui lui est imposé, il pourrait très vite sombrer dans la folie ou la dépression. Heureusement il arrive à prendre du recul en écrivant et en chantant et surtout en retrouvant - à des horaires toujours différents - sa femme « bien aimée », son chien Pok-Pok et sa mère qui le soutient. Jour après jour, il inventorie avec une infinie précision les gestes du travail « à la ligne », le bruit, la fatigue, les rêves confisqués dans la répétition de rituels épuisants, la souffrance du corps. Il nous relate les relations entre collègues, vraies sans chichi lors des pauses cigarettes, il ne nous cache rien : la saleté, les horaires impossibles, les mesquineries, les vols de produits, l'entraide, les souffrances physiques … Même lorsqu'il est de repos il continue d'être happé par le rythme de l'usine. Impossible pour lui de décrocher. Ce qui le sauve, c'est qu'il a eu une autre vie. Il nous cite plein de références à des écrivains, chanteurs ou poètes : pèle mêle : Aragon, Proust, Brel, Péguy, Apollinaire, Ronsard, Spinoza, Homère, Dumas, Cendras, Pérec, Braudel... J'en oublie sûrement.
En général « A la ligne » est toujours précédé par un point final. Ici point de ponctuation, si ce n'est parfois des guillemets. « A la ligne » se réfère aussi bien à la ligne de production qu'à une forme littéraire. Tout le livre n'est que textes sous forme de poèmes avec strophes mais sans pied ni alexandrin. Une litanie de mot, comme un travail à la chaîne. 66 chapitres sans titre. Des journées anonymes qui s'enchainent : « J'écris comme je travaille/à la chaîne/à la ligne ». Un texte fabuleux qui doit trouver toute sa puissance lu à haute voix. Ah, quel régal, le chapitre sur l'égouttage du tofu ! Combien de fois ne nous a-t-il pas sempiternellement seriné « j'égoutte du tofu » ? Un travail rébarbatif : « Une sorte de résumé de la vanité de l'existence du travail du monde entier de l'usine ». Des phrases pleines de sens pour celui qui a connu le travail en usine : « car à l'usine c'est comme chez Brel / Monsieur on ne dit pas /on ne dit pas » ou encore « Repose toi trente minutes petit citron/ tu as encore quelques jus que je vais pressurer ». L'épuisement est moral et physique : « Les pieds qui macèrent dans les bottes qui passent d'une personne à une autre/ rien ne nous est épargné ». Je n'ai pu m'empêcher en lisant ce livre de penser au film muet de Charlie Chaplin « Les temps modernes ». Heureusement l'humour est souvent présent : il aime jouer sur les mots : « deux mois de bulot/ deux mois de boulot ».
C'est un vibrant plaidoyer pour dénoncer la dureté des conditions de travail en usine dans un style simple, direct et juste. Un témoignage au nom de tous ceux à qui l'on ne donne que très rarement la parole ou qui ne savent pas la verbaliser. Un milieu trop souvent ignoré des lettres, rarement romancé. A faire connaître !

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Voilà donc le Livre de la rentrée littéraire..... soit, si cette lecture m'a effectivement beaucoup plu, cela m'apparaît avec la lecture et le recul un peu trop emphatique mais il faut le lire pour ce qu'il est dans son originalité d'écriture, comme le témoignage d'une forme de nouvel esclavage au travail.

Un style saccadé voulu et assumé, un récit sans fioriture, un nouveau pavé dans nos modes de consommation, dans la maltraitance animale et dans la mal bouffe comme dans le mal-être de ces nouvelles et nouveaux mineurs, ouvriers ou sidérurgistes. Plus que cela c'est le récit d'une certaine fraternité ouvrière, d'un sauvetage par la culture (lecture, musique, chanson) qui font que le narrateur ne devient pas totalement cinglé à la manière d'un Charlie Chaplin, mode "Les Temps Modernes".

Des images précises menées avec talent par les descriptions des décors, des camarades d'infortune, d'un contexte deshumanisé.
Lien : http://passiondelecteur.over..
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Le style particulier de ce texte, fait de vers libres sans ponctuation, donne un rythme formidable à ce livre. Les mots choisis avec soin et venant du fond des tripes provoquent en nous des émotions fortes et vives. Joseph Ponthus nous livre son expérience de l'usine avec un réalisme formidable et une poésie délicieuse qui font de ce bouquin un petit chef d'oeuvre ! Ce livre est totalement surprenant, tant par le fond que par la forme et mérite vraiment d'être découvert !
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Joseph Ponthus est né en 1978. Après des études de littérature à Reims et de travail social à Nancy, il a exercé plus de dix ans comme éducateur spécialisé en banlieue parisienne où il a notamment dirigé et publié Nous… La Cité (Editions Zones, 2012). Il vit et travaille désormais en Bretagne.

Un livre viscéral qui lève le voile du silence d'un monde opprimé

C'est par les vers d'Apollinaire que s'ouvre le livre

“C'est fantastique tout ce qu'on peut supporter”

L'univers d'un lettré, ancien élève d'hypokhâgne, quadragénaire, un éducateur social, au chômage qui se voit contraint d'accepter un travail d'ouvrier, intérimaire dans une conserverie de poissons et un abattoir en Bretagne.
Un choc frontal qu'il va décrire en vers, sans ponctuation, à la ligne comme il travaille. Des lignes comme des routes qui ne mènent nulle part, sans avenir. Une succession de verbes en cadence pour accentuer l'automatisme aliénant rythme le récit.
Comment tenir face à la cadence infernale, dans le froid, le bruit et l'odeur nauséabonde, le covoiturage contraint, les cauchemars, si ce n'est en se récitant des poèmes d'Apollinaire, en chantant Trenet, en s'inventant un monde parallèle tout en égouttant du tofu.

” Ne pas dire que l'on en chie à l'usine mais l'écrire » comme un cri empli d'humanité, de rage et d'humour où l'on ressent l'atmosphère étouffante, oppressante. La nuit qui s'abat sur les êtres qui sont las d'y être.

Entre les lignes, des odes touchantes à sa femme, à sa mère et à Pok Pok son chien, alternant joie et fatigue en convoquant Perec
“De ce lieu, la trace est inscrite en moi et dans les textes que j'écris”

Il n'aura plus la même vision après cette expérience en usine…
Un témoignage fraternel tout en pudeur et dignité rendant toute l'humanité à ces invisibles qu'il n'oubliera pas.

On a le coeur chagrin de ces vies minuscules empreintes de monotonie.
La liberté est ailleurs, intérieure et vivante !!!
Pour finir en poésie, lire au chapitre 65 “Tous ces textes que je n'ai pas écrits …” que je vous laisse découvrir sans en dévoiler toute la beauté.
Un livre poignant et saisissant.

Éditions : La Table ronde
18 euros

E.L


Lien : http://presscat.org
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En janvier 2019 les Editions de la Table Ronde publient un premier roman comme on en voit rarement. Un ovni, une pépite, qui vous bouscule, vous ébahit, et vous émeut. L'auteur, Joseph Ponthus est travailleur social, et a pris sa propre expérience comme matière première à cet ouvrage unique, tant sur la forme que le fond. Ecrit en vers libres, saccadés, scandés, la poésie du texte vient renforcer et magnifier la dureté du vécu.

Par amour, il part s'installer en Bretagne sans trop s'inquiéter, il trouvera forcément travail dans sa branche. Mais les offres viennent à manquer, il faut bien vivre, et il se tourne provisoirement vers l'intérim. le voici devenu ouvrier, dans des conserveries de poisson, puis d'abattoirs, au gré des missions qu'on lui propose.
Joseph Ponthus / Photo La Table Ronde

Joseph vit dans son corps, dans sa chair, mais aussi dans son esprit la dureté de ces postes en usine, physiques, éreintants, aux horaires impossibles qui minent sa vie sociale et sentimentale. le provisoire dure, s'installe, et Joseph tente d'oublier ses journées à la chaîne dans ses moments volés hors du travail : les promenades avec son chien, l'air de la mer, l'héritage culturel de sa vie d'avant, celle où il lisait Apollinaire, Dumas, parce qu'il le pouvait. Et dans de journal qu'il tient, où il nous livre ses pensées, de plus en plus fragmentées au fil des mois, écrasées par le poids du rythmes de travail décousu et saccadé.

« J'écris comme je travaille

A la chaîne

A la ligne »
p.15

C'est un roman sur l'aliénation du travail par l'exploitation des plus fragiles, les ouvrier intérimaires, victimes sans voix car suspendues au bon vouloir des missions. C'est un roman sur la brutalité et la violence du travail sur le corps et l'esprit. On se blesse, on s'abîme, on souffre, on s'oublie, trop abattu.e par les heures dans le froid à porter, à traîner et porter des charges surdimensionnées. On s'égare, on s'évade, on veut oublier en rentrant.

Mais c'est aussi un roman sur la solidarité et l'amitié entre exploités, ces petits instants hors du temps où l'on souffre, respire et chante à l'unisson. On ne forme plus qu'un, siamois muets de conditions insoutenables.
Lien : https://lesmauxdits.fr/2020/..
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