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4,3

sur 2043 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
À la lecture de " À la ligne : Feuillets d'usine " je ne regarde plus mon assiette de la même façon.
Intérimaires, précaires, ouvriers... tous à charge de remplir notre frigidaire et notre ventre, sans reconnaissance. Ils oeuvrent en silence dans l'ingratitude la plus totale, à l'heure où le sommeil a déjà englouti nombre de foyers.

Certains prétendent que l'origine du mot travail viendrait d'un instrument de torture, tripalium. D'autres de défendre un noyau différent exprimant le passage d'un état vers un autre.

À la ligne, à bout de souffle, sans point ni virgule... fait indéniablement corps avec un supplice dicté par la société de consommation.

Cette cadence effrénée, celle de ne pouvoir terminer une phrase sans être hors d'haleine, je la rencontre souvent... au travail. Je n'ai jamais embauché à l'usine, je me suis pourtant déjà retrouvée dans des situations de souffrances liées à la charge mentale, aux intéractions bien trop nombreuses, au stress, à la répétition... Encore une semaine, une semaine de plus...
" Demain c'est dimanche
Demain on profitera bien encore un peu de la liberté des vivants
Demain on rechignera encore à aller au lit tôt
Étant pourtant certain que l'on paiera cher lundi au réveil puis à l'embauche
Il sera toujours temps pour une nouvelle semaine
Encore une semaine "

L'auteur, épuisé physiquement, à bout de force, incapable de trois pas supplémentaires pour promener son chiot, nous conte son expérience sans fards ni poudre de fée. Son histoire telle qu'il l'a vécue. Joseph Ponthus se livre corps et âme dans ce récit profond porté par une plume accomplie.

" Je repense à ma journée
Sens mes muscles se détendre
Et
Explose en larmes contenues
Tâchant d'être fier et digne
Et ça passera
Comme tout passe
La fatigue la douleur et les pleurs
Aujourd'hui je n'ai pas pleuré"

Foenkinos dans Charlotte s'est également habilement servi du retour à la ligne, afin d'alléger notre peine et nous permettre de reprendre notre respiration.

Ici, le retour à la ligne m'a essoufflée. J'ai appréhendé les premières strophes avec difficulté. Puis, j'ai réussi à trouver mon rythme, cadencé par la musique, celle d'une complainte en slam. J'ai entendu la voix chaude et suave d'un poète slameur, Grand Corps Malade, pour habiller et faciliter ma lecture.

J'ai particulièrement apprécié les interludes "hors- usine". Une ode à la vie, la vraie vie, celle où vous respirez l'air marin en promenant votre chien, celle où vous séduisez votre épouse malgré les douleurs et la fatigue, celle où vous écrivez à votre mère qui s'inquiète pour vous...

" Dans la semaine
J'ai reçu une lettre de toi
Avec un chèque de cinquante euros
Et un adorable mot me disant de profiter
De mon weekend
De mon repos
De mon épouse
[...]

Tout va bien
J'ai du travail
Je travaille dur
Mais ce n'est rien
Nous sommes debout

Ton fils qui t'aime "

Joseph Ponthus, vibre avec les mots. L'adage est juste, coupant, acéré, étonnant, percutant et émouvant. L'auteur écrit et chante en hommage aux ouvriers trop souvent oubliés.

Lu en juillet 2019.
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A la ligne m'a été offert, je ne l'aurais pas lu sans cela. A la ligne c'est mon quotidien. J'aime bien, je suis perturbé par l'absence de ponctuation.

Je ne qualifie pas ce texte de roman, il n'y a pas d'histoire il n'y a pas d'intrigue. C'est plus un bon témoignage au sujet du travail de type agroalimentaire et industriel. Avec la fameuse cadence qui vous tient en respect, qui vous prend là, qui vous perfore si vous n'y êtes pas habitué.

On s'habitue à tout. Le plus étrange est que le corps et l'esprit en redemande. La production révèle en vous des capacités insoupçonnées.

A la ligne c'est du travail, c'est le mien, c'est mon travail, je ne pense pas pouvoir faire autre chose pour le moment.

La ligne produit indéfiniment, trop peut-être.
La ligne exige le rendement pour les sous, pour tous, pour l'usine, ses acteurs, ses sous-traitants, ses intermédiaires.
Le rendement cela se ressent sur le corps, ensuite.
Là où je suis en ce moment ce rendement est différent.
La ligne c'est une routine grisante, embarrassante, qui m'appelle, parfois elle est violente.
La ligne, machine infernale, absurde et méchante pour ceux et celles qui ne la connaisse pas.
La ligne, la prod, est comme une bête repoussante au départ.
Elle devient une attirante retrouvaille, un dégagement d'adrénaline nécessaire, un besoin financier obligé, l'entente et la joyeuse camaraderie pour ceux et celles qui l'ont l'apprivoisé.
La ligne cela fait dix ans, c'est peu.

Un bon témoignage qui complète celui d'Olivia Mokiejewski nommé le peuple des abattoirs.
Il est plus complet à mon goût.
Si ça vous dit lisez A la ligne pour savoir. Les mots de Joseph Ponthus sont une litanie éternelle qui dit vrai, qui nous accompagne, merci.
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Ponthus bosse comme intérimaire en usine, mais il a une âme de littéraire et dans son crâne ça s'arrête jamais de tourner, d'épiphanie en jeux de mots, de moments de grâce en quart d'heure de souffrance pure, il est accompagné dans son labeur répétitif par tous les morts qu'il a lu.

Mais je suis un peu déçu et c'est surtout parce que "à la ligne" avait tout pour me plaire, que j'en attendais trop de lui.

Je suis ouvrier en intérim et lecteur invétéré moi aussi. J'écris de temps en temps pour moi, pour me comprendre à postériori. Je veux écrire sur cet étrange et pourtant quotidien, universel et intemporel, monde du travail manuel précaire.
Je ressens comme Ponthus l'ambivalence de mes sentiments à l'égard du travail. Je me suis retrouvé dans beaucoup de remarques qu'il fait. le mépris qui te prend pour ton ancien travail ou tes période de chômage. Cette fierté de trimer comme un con mêlé à l'indignation et la douleur qui te fait te dire "mais putain ça va me tuer" "je vaux mieux que ça" ou "ça me crame la cervelle, le soir je suis un zombie".
Ouais, c'est sûr on se sent courageux, on se sent martyr, mais dans le fond on sait très bien que ça fait surtout couler le temps plus vite, sans en perdre l'argent, qu'au chômage on en deviendrait fou à tourner comme un lion en cage à se retrouver à la rue à force.

Le travail ça occupe, mais Ponthus ne perd pas non plus la boule, ni les mots, il se défend contre la médiocrité et l'angoisse, contre la fatigue et la mort qui guettent les humains engagés dans un taf physique et dangereux. Il nous conte les failles qu'on trouve pour tenir le coup, collectivement et seul. Il raconte l'obsession du temps qui coule lentement quand on y est, qu'on y est mal. Qui est aussi ce temps qui une fois sorti donne l'impression d'avoir duré un petit instant, la vie réduite à peau de chagrin...

La forme fragmentée comme un poème donne un rythme effréné. Beaucoup de vide en définitive, on a à peine le temps d'entrer dans le livre qu'il est déjà terminé.
On en veux plus, mais c'était des feuillets d'usines, des trucs griffés sur le vif, au jour le jour. Pas de prétention littéraire sur la forme, sur les mots, même si quelques fulgurances poétiques.
C'est erratique, on voit bien que le gars a pas complétement perdu pied et pourtant... On est rempli d'effroi à l'idée qu'il se perd, qu'il se bousille sous nos yeux, tant et si bien qu'il est mort d'un cancer un an après, à 43ans.
Dire qu'il y en a qui veulent nous coller la retraite qu'à 65ans. Qu'ils y aillent dans les frigos géants pousser des vaches mortes 10 heures par jours et on en reparlera.

Bref je suis déçu parce qu'il n'y en a pas assez, qu'il ne se lâche pas assez dans la forme et que ce con est mort.
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J'ai repoussé la lecture de ce texte, sans trop savoir pourquoi...
Pas envie,
Pas envie de me retrouver dans cette ambiance assourdissante du geste répété à l'infini, de chaîne qui n'en finit pas, qui s'étire dans le temps, qui s'allonge jour et nuit...

Et pourtant, j'ai tout retrouvé...

Le bruit, et le vocabulaire, le rythme caractéristique et la sécheresse des lieux.
Les regards à peine voilés qui glissent sans la moindre délicatesse sur mes fesses, mes reins ou mes seins,
Les blagues potaches,
Et ces muscles dont j'ignorais, moi aussi, jusqu'à l'existence,
Ce corps pesant qui n'est que geste, piteuse force de frappe du prolétaire.
Et le rythme, le rapport au temps aussi, ce temps qui s'étire et qui n'en finit pas, les yeux rivés sur la trotteuse à laquelle on mettrait bien un coup de pompe...

Tout,

La poésie en moins. Mais comment je pouvais savoir moi, que, derrière les bidons d'insectyl dont les bouchons me niquaient quotidiennement les doigts et, accessoirement, le dos, quelques poètes de la Pléïade se planquaient farouchement ? Comment j'aurais pu réveiller le Trenet ou le Freud qui dormaient alors dans un coin de ma tête ? Ponthus les a vus, lui, les a cherchés et sortis de leur torpeur et c'est tant mieux pour lui... mais moi j'avais pas fait hypocagne, comme une majorité de mes compagnons d'infortune à l'époque. Alors je me demande, ce qu'ils avaient, eux, pour tenir au quotidien ?

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Feuillets d'usine ...
Une vie racontée au jour le jour.

Une vie à l'usine ...
"Quand tu en sors
Tu ne sais pas si tu rejoins le vrai monde ou si tu le quittes".

Attendre toute la journée la débauche ...
"Ce besoin de se lâcher de se vider".

Écrire, un besoin irrépressible pour continuer ...
"À dépoter des lieux communs".

Écrire et faire rimer...
"Abattoir et foutoir
Crevette et esperluette
Usine et Mélusine".

Feuillets d'usine écrits par un ...
"Dépoteur de chimères"
Ou un
"Égoutteur de tofu".

C'est un très beau texte, l'absence de ponctuation nous oblige, nous lecteurs, a imaginer la nôtre,
Une ode à la classe ouvrière des temps modernes écrite par un intellectuel qui méprise les cols bleus et admire les sans dents.

Noter ce texte est compliqué pour moi,
5 étoiles pour le texte,
Un profond malaise concernant l'idéologie véhiculée.
Je n'apprécie pas la mise au pinacle de certains et la mise au pilori des autres,
Je persiste à croire que l'on peut croiser partout des cons !
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Un ovni littéraire, une écriture atypique et effrénée, rédigée en un souffle, en rentrant de l'usine, quelques heures ou minutes volées à la fatigue pour se rappeler de la dureté de sa vie.
Joseph, un homme éduqué aux grands auteurs se retrouve, par amour, à travailler à l'usine car « il faut bien travailler et gagner de l'argent ».
Il nous raconte son quotidien et ses pensées qui nous permettent d'appréhender la monotonie des tâches de l'usine. On ressent surtout la force de cet homme qui continue jour après jour à travailler dans ces conditions si dures, mais également l'amour qu'il porte à sa femme, sa mère et Pok pok.
Ce livre est un manifeste de la condition sociale des ouvriers.
Il y a eu beaucoup de critiques dithyrambiques sur ce livre et bien que j'en ai apprécié sa lecture et sa force, je ne dirai pas qu'il s'agit d'un coup de coeur mais tout de même d'un livre à lire.
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La lecture de ce livre n'a pas été un choix personnel mais celui des membres du prochain Club de Lecture.

L'auteur, après une prépa littéraire est devenu éducateur spécialisé en banlieue parisienne. En 2015 l'amour l'a conduit en Bretagne où malheureusement il n'a pas trouver de travail correspondant à son activité. La boîte d'intérim lui propose un emploi en usine :
" L'usine c'est pour les sous
un boulot alimentaire
comme on dit"

Joseph Ponthus dira "Je me suis pris l'usine comme une déflagration physique et mentale". Pendant ses longues heures de travail il sera sauvé par la littérature ( Cendrars, Apollinaire, Aragon, Dumas..) et les chansons de Trenet, Brel, Barbara

Ce texte est prenant et hyper réaliste. le lecteur est immergé dans le monde infernal des journées ou nuits sans fin d'un ouvrier intérimaire travaillant à la chaîne ou "à la ligne" pour utiliser le nouveau terme plus politiquement correct . Je ne sais pas s'il existe une hiérarchie dans la pénibilité, les bruits, les odeurs de ce genre d'activité, mais j'imagine, après lecture de cet ouvrage, que les usines de poissons et les abattoirs doivent s'y situer assez haut.
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« L'autre jour à la pause j'entends une ouvrière dire à un de ses collègues
« Tu te rends compte aujourd'hui c'est tellement speed que j'ai même pas le temps de chanter »
Je crois que c'est une des phrases les plus belles les plus vraies et les plus dures qui aient jamais été dites sur la condition ouvrière
Ces moments où c'est tellement indicible que l'on n'a même pas le temps de chanter
Juste voir la chaîne qui avance sans fin l'angoisse qui monte l'inéluctable de la machine … »

Immersion dans le monde ouvrier. A travers ses « feuillets d'usine » sans ponctuation, Joseph Ponthus nous offre un aperçu du monde industriel sous forme de vers. Il a trouvé un boulot dans une usine agroalimentaire en Bretagne, en attendant de trouver un métier dans sa branche. Il reconnaît sa situation précaire en tant qu'intérimaire balancé du jour au lendemain entre conserveries de poissons et abattoirs bretons. Mais il résiste car il a eu la chance de connaître une autre vie, pendant laquelle il était travailleur social, et puis il y a sa femme aussi qui le soutient. Et les chansons, les auteurs, entre Brel, Trenet et Labruyère qui le sauvent. Les collègues aussi. Il profite des petits bonheurs simples de la vie, le dimanche, l'odeur de la mer … Ecrire, c'est pour lui une échappatoire pour tenir dans cette drôle de parenthèse de vie : le rythme effréné, les gestes répétés, les mycoses aux pieds, les risques encourus, …. Il traite tous ces sujets non sans humour, parce qu'il vaut mieux finalement en rire. A la manière d'une odyssée, il raconte sa vie ouvrière quotidienne pour ne pas sombrer et pour rendre un bel hommage à ces ouvriers, ces « gueules cassées ».
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Je suis assez partagée sur cette lecture.

J'ai aimé le style original de l'écriture. Cela permet de nous plonger dans ce travail d'usine qu'il veut nous faire partager : des mouvements rapides, durs et répétitifs.
J'ai aimé découvrir ce que cette période de sa vie lui a apporté, lui a appris sur lui, sur les autres, sur la vie.

En revanche, je n'ai pas aimé le côté violent et brut de ce livre. Certes cela permet d'accentuer d'avantage la pénibilité de l'usine. Mais c'est justement sur les autres sujets de la société sur lequel il s'exprime que cela m'a dérangé. J'ai trouvé que parfois il y avait des jugements qui m'ont un peu gênés car son avis était peut-être un peu trop tranché à mon goût.

Cela reste malgré tout un livre intéressant et enrichissant.
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C'est un livre qui se rapproche du journal de bord et du documentaire. Joseph Ponthus livre ici, à travers des phrases coupées au vif, sa dure labeur de travailleur intérimaire. C'est d'abord les poissons, puis le tofu et enfin l'abattoir. Sans surprise, cette dernière expérience est la plus violente. Que ce soit pour le corps de Joseph, pour les vaches et pour le lecteur. le travail d'usine empiète sur tout et tout le temps et pourtant il tient le coup. Il encaisse et continue. Il trouve même la force d'écrire. de laisser s'exprimer ses pensées alors qu'il est épuisé, vidé par ses journées.
Au delà de sa propre expérience, Joseph Ponthus dresse un tableau du monde de l'intérim, de l'usine et des abattoirs. Un tableau, ou plus exactement une photo. C'est saisissant de réalisme et pourtant il parvient à y ajouter une touche de poésie et de sensibilité.
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