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"Alors je pensai alors je réalisai : ce n'est pas réel. L'angoisse m'envahit, l'anxiété écoeurante habituelle, la certitude de ne plus pouvoir me fier à mes sens. Une fois de plus, j'avais émergé de ce que je prenais pour le sommeil dans ce que je prenais pour la réalité : une illusion lucide."

Et de ces "illusions lucides", Joe Sawyer, en sera de multiples fois la victime. Au point de se demander, comme dans un roman de Philip K. Dick, si une réalité commune et partagée est possible.

Jack et Joe Sawyer sont de vrais jumeaux. Nous sommes en Grande-Bretagne autour du 10 mai 1941, alors que les bombardements nazis sont incessants. Jack est pilote dans la R.A.F.. Joe, lui, est objecteur de conscience mais risque quotidiennement sa vie, car il est secouriste Croix-Rouge.

C'est à partir de cette date pivot que Christopher Priest nous entraîne dans une sorte d'uchronie, mais jamais très claire, entre ce qui s'est passé et l'alternative qu'il a imaginé. Dans une partie du roman Churchill signera un traité avec Rudolf Hess pour faire cesser les massacres. Et Joe, avec ses convictions pacifistes, y sera pour beaucoup.

Mais que croire à la fin ? On peut supposer que Joe est bloqué dans une boucle temporelle, sauf que bien des aspects du roman laissent penser que ses visions ont un lien étroit avec des changements considérables dans la réalité.

Vous l'aurez compris, je suis dubitatif à propos de ce roman. Non pas que le (grand) talent de Christopher Priest soit aux abonnés absents dans ce livre, mais il est pour moi trop compliqué à suivre. Il souffre aussi de beaucoup de redites, il est vrai subtilement décalées, mais qui renforcent encore soncôté cauchemardesque.
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Découverte grâce à Babelio et à Bibliocosme, voici une lecture qui réveille les méninges !

Il est difficile de lui coller un genre : la science-fiction n'est ici clairement pas adaptée et l'uchronie non plus. Il s'agit d'un ouvrage atypique à la-croisée des chemins entre fiction, écrit pseudo scientifique rendant hommage à l'histoire vécue et à l'histoire tout court avec une bonne dose d'uchronie. Curieusement et à bien des égards, voici un roman qui rend hommage à l'Histoire, d'une manière habile et inventive.

L'orientation fantaisiste mettra du temps avant de faire réellement parler d'elle. Il en d'abord rapidement question, puis les allusions cèdent le pas à ce qui ressemble à un récit historique. La moitié de l'ouvrage passé, nous découvrons une autre réalité… avec une explication tout à fait plausible. le résultat est assez déconcertant. Pour faire allusion à un film, tout cela fait penser à Inception. Et le dénouement est bien trouvé !

La quatrième de couverture en dit long sur la trame centrale de l'ouvrage : la guerre (essentiellement aérienne et psychologique) entre la Grande Bretagne et l'Allemagne nazie permet l'affrontement de deux grandes figures : Winston Churchill et Rudolf Hess. La dynamique romancée est basée sur deux personnages, frères jumeaux d'abord embarqués pour les jeux Olympiques de 1936 puis, chacun à sa manière, dans la Seconde guerre mondiale. Il est assez curieux que cette facette de l'histoire ne soit davantage exploitée, puisqu'il va être, à plusieurs reprises, question de gémellité.

La guerre est ici présentée de manière tout à fait originale : il va être question d'objecteurs de conscience, De La Croix rouge et d'autres facettes moins connues du conflit (notamment du côté anglais). Tout cela est dynamique et, même si pour les besoins du récit, il est parfois nécessaire de créer des répétitions, celles-ci sont toujours agréables et habilement insérées. Elles sont importantes pour l'histoire et n'entraîneront que peu de redites.

Le style de l'auteur se plie aux différents personnages qui sont sensés, chacun, laisser un témoignage qui crée le roman. La narration omnisciente ne tient pas beaucoup de place et cela est pour le mieux ! Sa manière d'écrire est des plus plaisantes, parfois complexe (notamment pour le première partie) mais toujours agréable.

Ce grand classique est une véritable pépite qui mérite d'être lue, commentée et diffusée autour de soi ! Une lecture incontournable qui saura vous donner un autre regard sur la Seconde guerre mondiale !
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Il existe certains auteurs qui intimident par leur réputation et par l'idée que l'on se fait de leur style ou de leur univers. Christopher Priest étaient pour moi de ceux là, et c'est avec appréhension que je me suis finalement lancée dans la lecture d'une de ses oeuvres les plus réputées (et les plus primées) : « La séparation ». Or je ressors de cette lecture totalement conquise et particulièrement admirative du talent de Christopher Priest, dont je suis maintenant bien décidée à éplucher la bibliographie. L'oeuvre est classée en science-fiction, mais le fait est qu'il est assez difficile de lui coller une unique étiquette tant elle est complexe. Car si le roman se présente bel et bien comme une uchronie, celle-ci ne repose pas sur le classique « et si tel événement s'était passé différemment, que serait devenu le monde ? ». Les questions que se posent Priest ici sont beaucoup plus subtiles, plus insidieuses, et son uchronie repose davantage sur la mémoire que l'on se forge et que l'on garde d'un événement (avec toutes les erreurs que cela peut comporter), que sur un unique point de divergence (même s'il y a aussi un peu de cela). L'action prend place pendant la Seconde Guerre mondiale, période à laquelle on va suivre les parcours très différents de deux frères jumeaux : l'un est pilote dans la RAF et s'engage pleinement dans le conflit ; l'autre refuse de prendre part à la guerre et devient objecteur de conscience, statut qui lui permet de se mettre au service de la Croix Rouge. Deux destins différents, donc, mais aussi deux versions de l'histoire, puisque les récits des deux frères présentent de sacrées divergences. Et comme si cela ne suffisait pas pour nous embrouiller, l'auteur s'amuse à multiplier les points de vue, donnant ainsi corps à chacune de ces deux réalités. Outre le récit des deux frères, qui prennent chacun leur tour la parole, le roman, comprend également plusieurs chapitres se déroulant en 1999, date à laquelle on suit l'enquête menée par l'historien Stuart Gratton qui s'intéresse justement à l'un des jumeaux et au rôle qu'il à pu tenir en 1941 auprès de Churchill. le texte fourmille également d'extraits de documents officiels émanant de tel ou tel service, de discours du Premier Ministre s'adressant à la population britannique, de correspondances privées de Churchill ou de Hess, mais aussi de comptes rendus de mission aérienne, ou encore d'ouvrages portant sur l'histoire De La Croix rouge ou les événements de la Seconde Guerre mondiale.

Si les récits des jumeaux ne font pas état de la même réalité, les deux ont en tout cas un point commun : les changements les plus radicaux décris dans chacun de leur témoignage ont lieu après les événements qui se sont déroulés la nuit du 10 au 11 mai 1941. Cette nuit là, Rudolf Hess, l'un des dignitaires nazis parmi les plus proches d'Hitler, s'envole pour l'Angleterre dans le but de proposer à Churchill une offre de paix dont on ne sait pas trop si elle provient de sa propose initiative ou émane directement du Führer. Toujours est-il que l'avion piloté par Hess est attaqué (par les Anglais ? ou par les Allemands eux-mêmes ?), et c'est justement là que les choses se compliquent. L'histoire telle qu'on la connaît retient que Hess a survécu à l'accident mais a été fait prisonnier par les Anglais qui le garderont captif jusqu'en 1987, date à laquelle il se suicidera. C'est d'ailleurs également la version de Jack, le premier des jumeaux, dont le récit comprend malgré tout quelques variations astucieuses dont je ne vous ferais pas part ici pour ne pas vous gâcher la surprise. Voilà pour la première version. La seconde, telle que proposée par l'autre jumeau, Joe, implique la survie de Hess qui débarque sain et sauf en Angleterre et parvient à jeter les bases d'un accord entre l'Allemagne et l'Angleterre. 1941 marquerait donc, dans cette vision de l'histoire, la fin de la Seconde Guerre mondiale. La première version correspond, à peu de choses près, à la notre, et on se doute donc que les conséquences après 1945 seront les mêmes. La seconde version, en revanche, pourrait n'être qu'un fantasme si elle n'était corroborée par le fameux historien que l'on suit en 1999 et pour qui la guerre s'est également arrêtée en 1941. On sait peu de choses des conséquences de cet armistice précoce, si ce n'est que les États-Unis ne sont pas entrés en guerre contre l'Allemagne et se sont au contraire alliés à elle pour venir à bout de la Russie et du communisme. La guerre froide a donc bien lieu, mais pas avec la Russie, et le résultat pour les États-Unis n'est pas avantageux, puisqu'ils en ressortent fragilisés tant politiquement qu'économiquement. L'auteur mentionne également à plusieurs reprises les questions soulevées par la résolution du « problème juif » par les Allemands (là encore, je vous laisse le soin de découvrir l'alternative proposée à l'histoire telle qu'on la connaît).

On trouve dans ce roman (et, me semble-t-il, dans la plupart des autres oeuvres de l'auteur), un certain nombre de thèmes récurrent, à commencer par la gémellité et par les confusions qu'elle peut entraîner. Les protagonistes sont ainsi de vrais jumeaux, et c'est d'une certaine manière leur séparation qui va mettre en branle les grands événements décris dans le roman. Mais Priest s'amuse également d'autres ressemblances, notamment à propos de certaines grandes figures de l'époque, ce qui pose des questions vertigineuses auxquelles le lecteur n'aura toutefois jamais la réponse. L'auteur se livre également à tout un jeu autour des homonymes : les jumeaux ont évidemment le même nom, mais aussi les mêmes initiales, ce qui participe justement à la confusion de certains services de renseignements. D'ailleurs, Churchill mentionne aussi, à titre anecdotique, l'existence d'un homonyme écrivain avec lequel il aurait un jour été confondu. Bref, rien n'est jamais ce qu'il paraît et Priest semble s'amuser à rebattre constamment les cartes. Car si l'auteur joue de la confusion entre les jumeaux, d'autres points du roman nous plongent également dans le doute. Les comptes rendus des frères sont en effet tous deux sujets à caution à partir du printemps 1941 puisque, dans les deux cas, ils se retrouvent désorientés par une grave blessure. le premier, Jack, souffre ainsi de pertes de mémoire et d'absences suite à de sérieuses blessures reçues après que son avion ait été descendu par les Allemands. le second, Joe, a lui aussi été blessé, mais cette fois pendant le Blitz, alors qu'il conduisait son ambulance. Les troubles sont plus sérieux, le sujet étant en proie à des hallucinations qu'il ne parvient jamais à distinguer de la réalité. Dans ces circonstances, laquelle de ces deux versions peut-être considérée comme fiable ? Et bien les deux, et aucune à la fois. Priest pose en effet une multitude de questions mais ne nous fournit que très peu de réponses, et c'est justement cette interrogation permanente, cette frustration que l'auteur fait naître chez le lecteur, qui fait que le roman obsède aussi bien pendant toute la durée de la lecture que longtemps après la dernière page tournée.

Si le roman s'avère aussi immersif, c'est aussi et surtout grâce à l'incroyable reconstitution historique réalisée par Priest qui nous plonge complètement dans l'ambiance de l'époque. le témoignage du premier des frères nous entraîne d'abord dans le Berlin des années 1930, où les jumeaux participent aux fameux Jeux Olympiques de 1936. En très peu de scènes, l'auteur parvient à rendre compte efficacement à la fois de la tension qui règne à l'époque, mais aussi de l'impact des premières lois antisémites, et surtout de l'état d'esprit d'une partie de la population allemande, subjuguée par la personnalité d'Hitler. le Führer n'apparaît cela dit que très peu, le seul véritable représentant des forces nazies occupant le devant de la scène ici étant Rudolph Hess. Churchill, en revanche, est beaucoup plus présent et là encore son portrait est le fruit de recherches particulièrement poussées de la part de l'auteur qui dresse du Premier ministre un portrait captivant, tout en nuance. de Churchill, on découvre ainsi non seulement la versatilité et le caractère belliqueux, mais aussi le charisme et la détermination, autant de qualités qui lui valurent l'admiration sans borne des Anglais (en dépit de son pacifisme, Joe ne peut ainsi pas s'empêcher de succomber lui aussi au charme de Churchill). L'auteur dresse également un portrait marquant de la ville de Londres pendant le Blitz, mais (et c'est moins courant) revient également à plusieurs reprises sur les bombardements réalisés par les Anglais sur les villes allemandes qui subissent, elles aussi, d'énormes dommages. le parcours choisit par Joe nous permet également d'en apprendre davantage sur les objecteurs de conscience, tous ceux qui, par croyance politique ou religieuse, refusaient de prendre les armes et de participer à l'effort de guerre. Priest revient ainsi en détail sur les procédures à entreprendre à l'époque pour se déclarer comme tel, sur les difficultés pour ces hommes de subir le regard méprisant de leurs compatriotes, ainsi que sur le rôle joué par la Croix Rouge dans le conflit. L'amour que vouent les deux frères à la même femme permet également à l'auteur d'aborder les conséquences de la guerre sur les familles, et notamment les couples qui doivent vivre séparés dans des conditions difficiles. Cet aspect du roman nous permet de considérer le conflit sous un aspect plus humain : il est moins question ici de guerre idéologique ou de tours de force militaires que d'hommes et de femmes qui se retrouvent confrontés à la précarité et à la peur et qui font ce qu'ils peuvent pour continuer à vivre.

« La séparation » est sans conteste un très grand livre, signé par un très grand auteur. le roman repose sur une construction minutieusement orchestrée qui s'amuse à faire perdre au lecteur tous ses repères et le marque ainsi durablement. Car comment ne pas être tenté de ressasser encore en encore cette énigme puisqu'on ne nous en donne pas la réponse ? Outre l'originalité de l'uchronie proposée (en dépit du choix, très classique, de l'époque), le roman séduit aussi et surtout par la reconstitution particulièrement soignée et documentée de l'Europe des années 1940. Un énorme coup de coeur, que je vous recommande donc chaleureusement.
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Captivant ! Ce roman est un mélange détonnant et réussi entre plein de styles et d'idées. Un peu d'Histoire (la seconde guerre mondiale en Angleterre essentiellement), un peu de fantastique (mode uchronie activé !), de l'enquête, de l'amour, des histoires de famille, des rebonds entre les époques... Bref, quel brio il faut pour réussir cette prouesse !
Tout repose sur la trajectoire respective des jumeaux Sawyer pendant la guerre, l'un aviateur à la RAF, l'autre objecteur de conscience, marié à la femme qu'ils aimaient tous les deux...
La gémellité est centrale, on y croise aussi des personnages historiques, l'auteur invente des sources diverses pour ses chapitres (journaux personnels, faux livres, faux entretiens, faux mémoires...).
On ne sait plus ce qui est vrai ou faux dans cette guerre, c'est habilement mené et captivant !
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J'ai longuement hésité avant de lire mon second Priest, tant j'ai été marquée par le Prestige. Et puis j'ai fini par choisir la Séparation en raison de la toile de fond historique, étant toujours passionnée par la seconde guerre mondiale. Un excellent choix pour un roman passionnant de bout en bout mais qui m'a quelquefois laissée perplexe.

Petit avertissement en guise de préambule, le roman est une uchronie, certes, fort plausible mais si légère que j'ai fini par oublier cette distorsion de la réalité historique tout au long de ma lecture. Bien qu'il soit publié en Folio SF, le livre hésite entre plusieurs genres. Je ne sais pas si tous les romans de Priest s'articulent de cette façon, mais La séparation a une filiation certaine avec le Prestige.

Un témoin extérieur, un historien pour être précise, puise dans des documents écrits la source d'une histoire de jumeaux, qui se dédouble selon le narrateur, les témoins et la personnalité du frère jumeau. Joe et Jack Sawyer se trouvent en 1936 à Berlin pour les jeux olympiques. Ils représentent l'Angleterre dans cette discipline fort prisée Outre-manche, l'aviron. Au cours de ce bref séjour, ils vont faire deux rencontres qui vont chambouler leur vie : Rudolf Hess et une jeune femme dont ils vont tomber amoureux, Birgit. A partir de cet événement, Christopher Priest déroule la vie de nos deux héros, semée de pièges et d'illusions, entretenant le mystère et la confusion, jonglant avec les apparences et les faux-semblants. Jack est pilote de la RAF, son frère est ambulancier pour la Croix-Rouge et au cours d'une mission, Jack disparait. La séparation entre les deux jumeaux est d'abord physique, puis idéologique, chacun ayant un point de vue opposé sur le déroulement de la guerre. La séparation est également celle d'un couple, car Birgit a épousé l'un des deux frères que la guerre a aussitôt contraint à partir et le lecteur ne découvre pas tout de suite l'identité de l'époux.

Et il demeure un autre niveau de lecture, où la séparation prend tout son sens. Je l'ai dit, Priest a bâti son roman sur le jeu des apparences, brouillant les cartes et introduisant un certain degré de confusion chez le lecteur, perdu entre les témoignages contradictoires et ces conclusions différentes. Cette autre séparation est donc mentale. La frontière entre la réalité et l'illusion devient floue d'autant que chacun des deux frères est la proie d'hallucinations, traumatisme hérité de missions dangereuses et difficiles où les nerfs finissent pas être fatalement éprouvés. Or les dernières lignes du roman n'apportent aucun éclairage, le doute est soigneusement entretenu jusqu'au bout. Au lecteur, sans doute, d'imaginer sa version, procédé assez frustrant.

Au final, on ne sait pas exactement qui détient la vérité, ni même s'il y en a une, car la multiplicité des points de vue donnent à penser que chacun a sa propre perception de la réalité. Il n'est reste pas moins que le roman, admirablement traduit d'ailleurs par Michelle Charrier, est passionnant, au-delà de son intrigue historique. Une histoire qui reste longtemps en mémoire, déroutante et mélancolique, une oeuvre intelligente qui suscite la réflexion. Au fond, que demander de plus ?
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Christopher Priest est un auteur qui impressionne: par son oeuvre, par son intelligence, par son écriture et par son aura. J'ai lu "le prestige" il y a une dizaine d'années et j'en ai gardé un très bon souvenir.
Imaginez-moi maintenant, déambulant aux Imaginales et me retrouvant devant ce vieux bonhomme au détour d'un stand. Ma fille m'encourage à aller vers lui alors que, curieusement, il est presque tout seul... Mon anglais se dérobe mais j'ose me présenter à lui en tremblant. Quelques mots hésitants et là il se tourne vers son voisin et comparant mon anglais à son français. Si vous l'entendez parler français, vous comprendrez.... Un grand moment de solitude. Malgré tout, je me saisis du livre "la séparation" que j'avais dans ma wishlist depuis de nombreuses années et il me le dédicace gentiment.

Concernant le livre, il est tout en maitrise, très bien documenté, très bien construit, d'une intelligence et d'une finesse rare. Un ton au-dessus du "Prestige" à mes yeux. L'uchronie est très légère et parfaitement mélangée aux faits réels. On s'en imprègne. Et lorsque l'auteur introduit la dimension du rêve, on se laisse complètement embarquer. Un vrai livre intelligent qui mérite sa réputation et qui nous laisse une marque forte.

Auteur que je ne peux que conseiller.

P.S.: voici sa dédicace: "Two brothers, two stories, one war, which is real ? Amicalement."
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Un roman réussi, sur la base d'une semi-uchronie. Semi-urchronie car le roman nous présente deux récits différents, où deux frères jumeaux vivent deux issues différentes de la Seconde Guerre Mondiale : le premier vit L Histoire telle que nous la connaissons, l'autre assiste au traité de paix entre le Royaume-Uni et l'Allemagne en 1941, suite à la tentative (réelle mais avortée) de Rudolf Hess de signer une paix séparée entre les deux nations européennes, en vue de l'invasion imminente de l'URSS par le Troisième Reich. C'est bien écrit, prenant, vraiment plaisir à lire.
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L'histoire : les jumeaux Sawyer représentent la Grande-Bretagne au JO de Berlin de 1936, en aviron. Rudolf Hess leur remet leur médaille. Si Jack est indifférent au contexte politique, il n'en est pas de même pour Joe dont le sort de la famille juive qui les héberge, des amis de leur parents, le concerne au plus haut point. Joe met son frère devant le fait accompli est ramenant clandestinement la fille ainée dont ils sont tous les deux épris. Joe épouse la fugitive et devient objecteur de conscience, travaille à la Croix-Rouge et est un des artisans signataire de la paix signée entre Rudolf Hess et Churchill en 1941. Jack intègre la RAF et subit un amerrissage de catastrophe. Tous deux ont des pertes de conscience, des hallucinations : tantôt la guerre s'achève en 1945, tantôt la paix est signée en 1941, plus particulièrement le 11 mai 1941. Que s'est-il donc passé durant la nuit du 10 au 11 mai 1941 ?

Dans cette uchronie (à quoi ressemblerait le monde, si tel ou tel événement s'était déroulé différemment, avait divergé ?), Christopher Priest signe un hommage évident à un des chef-d'oeuvre de Philip K Dick, le maitre du Haut-Château. Ici, point d'explication totalisante, juste la multiplicité des points de vue : chaque frère livre sa perception des événements, un écrivain des années 80 (celles où l'Allemagne n'a pas perdu la guerre) reçoit un manuscrit énigmatique par une non moins énigmatique personne, un compagnon de vol de Jack raconte sa version des faits. Toutes se confirment et se contredisent en même temps.
Après son accident d'avion, Jack doit reconstruire sa mémoire, mais tout ne semble pas correspondre.
Après avoir été blessé dans un bombardement, Joe a des hallucinations qui s'évanouissent et semblent le faire passer d'un monde à l'autre mais sans jamais pouvoir distinguer le réel de l'hallucination.
Mais quel est le monde de référence ?
Avec une écriture fine, qui prend son temps sans être lente, subtile décidément, laissant chaque individu exprimer ses doutes et ses interrogations, C. Priest tente d'exprimer la réalité de chacun autant par ce qu'il dit que par ce qu'il ne dit pas. La narration se situe autant dans l'explicite que dans les creux, les non-dits et les omissions. En ce sens, à plusieurs reprises durant la lecture, l'écriture de Priest m'a rappelé celle de Kazuo Ishiguro dans Les vestiges du jour. Par touches subtiles et impressionnistes, des portraits se dessinent progressivement, se contredisent, et construisent, autant par les mensonges et demi-vérités que par les discours que l'on se livre à soi-même, des identités troubles. Hanté par la question de la (ir)réalité du monde et de son impossible définition, Christopher Priest déconstruit l'idée même d'une connaissance assurée et pourtant nécessaire.
Le monde existe, mais de quel monde parle-t-on ? Quel est-il ? Quels sont-ils ?
Et dans ce(s) monde(s) fluctuant(s), incertain(s), Christopher Priest donne à voir la multiplicité des faces d'un être et la complexité du concept même d'identité. Reprenant la question du double et de la gémellité, thème récurrent de son oeuvre, il propose, au-delà de l'hypothèse uchronique science-fictive (des mondes parallèles infinis existent, peuplés d'autres nous-mêmes qui auraient pris d'autres décisions, petites ou grandes), une autre vision des choses, une autre réalité : nos mondes intérieurs, les livres, les histoires qui nous hantent, nos vies rêvées ne sont-ils pas autant d'uchronies possibles ? Ne sommes nous pas plusieurs ? Et puis, qui sommes-nous, vraiment ?

Christopher Priest est un écrivain subtil, très subtil.
Lien : http://leslecturesdecyril.bl..
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J'ai découvert cet auteur et ce livre aux Imaginales avant de me rendre compte que l'auteur avait aussi produit un incontournable comme le Prestige. Je venais d'assister à une conférence sur l'uchronie pendant la seconde guerre mondiale, un thème qui m'est cher, en tant qu'amateur de wargames et de jeux de simulation. J'ai donc lu ce livre qui traite du second conflit mondial entre le Royaume-Uni et l'Allemagne.

Le récit démarre par un récit dans un présent de 1999, dans lequel un auteur, Stuart Graton, se voit confier des notes biographiques concernant un aviateur de la RAF, Sawyer, pendant la deuxième guerre mondiale par une personne apparemment petite fille du pilote. La lecture de ce récit nous apprend que cet homme a traversé la guerre dans l'aviation britannique, après avoir été médaillé olympique aux jeux de Berlin en 1936 en aviron avec son frère jumeau. Durant ce séjour à Berlin, les deux anglais de caractère fort différent se sont vus remettre la médaille par Rudolf Hess, second du régime nazi, avant de partir d'Allemagne, avec au passage dans leur voiture une jeune femme juive à expatrier… Celle-ci intéressant fortement un des frères, mais c'est l'autre qu'elle va épouser à son arrivée en Angleterre.

L'amorce du récit est assez classique, puis on apprend petit à petit beaucoup de choses sur le début d'age adulte des deux anglais, avant que le récit ne se complique avec la guerre, et la fameuse bataille d'Angleterre qui vit s'opposer les aviations Anglaises et Allemandes. Un des frères est effectivement pilote dans la RAF, en tant que pilote de bombardier, l'autre travaille à la croix Rouge et aide à secourir les victimes du Blitz Allemand. En fait, on comprend bien que dans chacune des deux vies, à un moment donné, la petite histoire a rencontré la grande Histoire, après un événement de type expérience de mort imminente, voire de mort tout court. Et c'est là que le récit diverge entre l'histoire et l'uchronie, durant une journée au cours de laquelle se passe le vol toujours incompris de Rudolf Hess, un bombardement Anglais sur Hambourg, un Armistice entre l'Angleterre et l'Allemagne… Tout cela dans deux récit parfaitement tissé autour de la vie des deux jumeaux.

Le côté génial de ce livre est de proposer une histoire officielle expliquant ce fameux geste de Hess (se rendre seul en avion au Royaume-Uni), et une version distordue mais totalement crédible dans laquelle ce même Hess utiliserait cet avion pour se rendre à Stockholm pour y ratifier un Armistice. Chacun des jumeaux jouant un rôle bien particulier en rapport avec cet histoire, l'un étant le protagoniste de l'histoire réelle (ou une explication pour cette histoire réelle), l'autre le personnage central de l'uchronie. C'est très bien fait et passionnant, et l'auteur arrive à imbriquer habilement ces deux destinées tellement bien que l'on ne sait pas toujours quand on est dans l'uchronie et quand on est dans l'histoire. Les chapitres sont pourtant clairs, mais on a toujours un doute, ou une réminiscence du texte nous fait germer ce doute.

Les personnages sont donc au centre de l'histoire, et à côté des deux jumeaux, on retrouve Birgit, la femme juive sauvée du nazisme devenue femme d'un jumeau, Rudolf Hess qui apparaît souvent en arrière plan, mais intervient dans 3 scènes importantes, et enfin Winston Churchill, le célèbre premier ministre qui apparaît sous un jour peu flatteur, surtout dans l'uchronie. le thème du double ou du jumeau est au centre du roman, avec de manière évidente les jumeaux, mais aussi le double de Churchill, et un hypothétique double de Hess (?).

Ce roman est pour moi une très bonne réussite dans l'uchronie, mais avec une volonté de l'auteur de brouiller les pistes autour de l'histoire connue, afin de provoquer chez nous une réflexion sur ce conflit, et sur les décisions lourdes de conséquences qui ont été prises à chaque instant. La lecture est très prenante, et demande une attention pour ne pas perdre le fil, ou comme moi relire les 15 premières pages pour me dire : « ah ok c'est encore plus fort que je pensais, comment je l'avais pas vu venir… » (ps : j'ai du mal à retenir les noms).
Lien : https://aupaysdescavetrolls...
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Stuart Gratton est historien. A la fin du XXème siècle, ses recherches le conduisent à s'intéresser à une référence sibylline de la part de Winston Churchill sur le rôle d'un certain J.L. Sawyer dans le dénouement de la seconde Guerre Mondiale. A la fois référencé comme objecteur de conscience et comme pilote de bombardier dans la Royal Air Force, J.L. Sawyer s'avère être le nom de deux frères jumeaux que tout oppose, jusqu'à la perception même de la réalité. Pour Joe, l'objecteur de conscience, la guerre s'est achevée en 1941 et les Etats-Unis ne sont jamais entrés dans le conflit, ce qui est conforme à la réalité que connaît bien Stuart Gratton. Pourtant Jack, le pilote de la RAF, soutient que la seconde Guerre Mondiale s'est prolongée jusqu'en 1945 et s'est achevée grâce à l'intervention américaine…
La séparation est a priori un roman à classer dans la catégorie des uchronies. Il ne s'agit toutefois pas d'une histoire alternative classique dans la mesure où celle-ci n'est pas simplement une réécriture. Au contraire, les évènements qui ont marqué la deuxième moitié du XXème siècle ne sont guère que suggérés rapidement par l'historien. En revanche, c'est la date de l'événement à partir duquel l'Histoire s'est modifiée qui fait l'objet de toutes les attentions. La plus grande partie du récit est ainsi centrée sur la nuit du 10 au 11 mai 1941, ainsi que sur les cinq années de la vie des frères jumeaux qui ont précédé cette date. En d'autres termes, c'est aux raisons du basculement de l'Histoire que Christopher PRIEST s'intéresse, non à ses conséquences.
Pour cela l'auteur fait se succéder une multitude d'extraits de journaux intimes et de documents officiels, une partie étant consacrée à Jack, une autre à Joe. S'entremêlent donc les histoires personnelles des deux frères jumeaux et l'Histoire officielle, dont il faut encore déterminer la véritable nature. le lecteur oscille ainsi sur une ligne ténue séparant deux réalités parfaitement crédibles, l'une parce qu'elle est le reflet de la véritable Histoire, l'autre parce qu'elle s'appuie sur des éléments réels qui la rendent plausible.
Pour mettre en valeur une intrigue aussi complexe, il fallait de la rigueur. Or, de rigueur, les habitués de Christopher PRIEST savent qu'il n'en manque pas. Les autres lecteurs découvriront une écriture simple mais efficace, où chaque paragraphe, chaque phrase, voire chaque mot a son importance. Il n'est d'ailleurs pas rare que le lecteur fasse des allers et retours dans le roman quand ce qu'il lit lui donne une impression de déjà-vu, ou de lien avec des évènements en apparence indépendants. de ce point de vue, les hallucinations prémonitoires de Joe Sawyer sont parfaitement rendues, mais c'est l'intégralité du roman qui est millimétré de cette façon, jusqu'au final qui se permet le luxe d'être surprenant, de donner l'impression de boucler une boucle tout en laissant le lecteur libre de ses interprétations.
La séparation est finalement un roman d'une très grande originalité qui confine à la fascination pour qui s'y laisse prendre. le lecteur y est happé dès les premières pages et a du mal à s'en défaire avant la fin, voire même au-delà. C'est d'autant plus remarquable que l'histoire est complexe et le récit non linéaire. Mais c'est souvent le cas avec les oeuvres de Christopher PRIEST, qui signe là une autre de ses grandes réussites.
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