Petite invitation à lire de la poésie démodée.
Quand
Baudelaire dédie ses Fleurs du mal à un « Poète impeccable », est-ce un compliment qui nous parle aujourd'hui ? Je n'ai pas lu de poésie de
Théophile Gautier, mais je reprends volontiers l'adjectif pour
Sully Prudhomme. Dans ce recueil de sonnets, la forme est on ne peut plus classique -impeccable- : sonnets en alexandrins avec le nombre de pieds qui va bien (moins de diérèses que chez
Baudelaire, par ailleurs).
Alors le fond ? Pour commencer, j'ai été frappé dans ma tendre enfance (classe de 6e ou de 5e, j'avais un an d'avance) par un poème, Cri perdu*, dont je savais encore la moitié par coeur des décennies plus tard. Pendant des lustres, j'ai fouillé les volumes de poètes parnassiens qui me tombaient sous les yeux, sans le retrouver. Grâce à Internet (sacré tuyau, mais surtout admirable communauté de volontaires qui le remplissent), je l'ai enfin retrouvé, et recopié ici en Août 2015. J'en ai lu quelques autres, avec plaisir, mais c'est récemment que j'ai exploré complètement sur Wikisource le recueil dont il est tiré. Alors, le fond ? Eh bien le fond, globalement d'un romantisme classique, me séduit aussi. La première partie : Amour, est touchante, avec parfois une certaine préciosité qui me rappelle
Ronsard ou
Du Bellay, mais beaucoup de sensibilité intelligente. La deuxième partie : Doute, dont venait Cri perdu, est la description la plus sensible que j'aie connue d'un parcours vers l'athéisme, toujours intelligent, et qui me parle même si cette thématique est maintenant loin de moi. Ensuite Rêve est un hymne à l'ataraxie, plein de calme et de beauté. La dernière partie : Action, est un complet demi-tour. Elle chante sa fraternité avec l'humanité travaillante, inventante et active. Elle a quelque chose de plus artificiel, comme bien des
poèmes de la Légende des siècles. Mais il y a toujours de très beaux vers, et j'apprécie l'intention.
Une pensée pour l'académie Nobel qui a décerné à
Sully Prudhomme le premier de ses prix de littérature, en 1901. J'ose espérer qu'ils pouvaient le lire en français, sinon quelle perte : peut-on traduire la poésie ? A vrai dire, ce compliment est un peu ironique : je doute par exemple que cette savante assemblée ait pu goûter les vers d'Elytis et de
Seferis. Mais un bon choix tout de même. le challenge Nobel lancé par Meps a été une motivation goutte d'eau pour m'aider à le lancer. Et je vous incite à me suivre.
*Les plus âgés ont sans doute connu les volumes
De Lagarde et Michard , avec des choix de textes à partir du XVIe siècle, mais celui-là se trouvait dans un autre de leurs ouvrages, destiné aux classes du collège, par année. Qui de vous s'en souvient?