Mabataï est un jeune lycéen du genre taiseux. Discret, il mène sa barque de son côté, à l'écart de tout, à l'écart de tous, une tendance qui est allée en grandissant après le départ de sa mère. Aujourd'hui, il vit seul avec son père Patrice, et crise d'adolescence oblige, les désaccords se multiplient et les silences n'en deviennent que plus lourds. le fossé qui les sépare s'élargit encore à l'arrivée de Magali dans leurs vies, une policière avec qui Patrice s'est récemment mis en couple. L'affront est double pour Mabataï, il ne veut ni d'une remplaçante pour sa mère ni d'une flic dans son appartement au coeur de la cité. Un détail qui devient pourtant le cadet de ses soucis lorsqu'il se retrouve mêlé malgré lui à une descente de police. Démuni, il assiste au meurtre d'un jeune caïd du quartier. Dès lors, il s'englue dans un engrenage infernal, intégrant la bande du dealer local pour tenter de donner du sens au drame dont il a été témoin.
Mabrouck Rachedi nous plante un décor réaliste des cités, entre proximité forcée, désillusion et volonté de s'en sortir, envers et contre tout. Grâce au parcours de Mabataï, il nous montre à quel point chacun est amené à naviguer entre ombre et lumière, et à quel point il serait facile de basculer du mauvais côté de la barrière face aux circonstances, le jeune homme partageant son temps entre Kam, le boss du quartier, à l'orthographe scrupuleuse mais aux moeurs dissolues, et Katia, la soeur de la victime qui fréquente le même établissement que lui. Entre trafic de drogue, violences policières et représailles, Mabataï est vite dépassé par cette déferlante, vaillamment alimentée par les médias et exploitée par les politiques en cette période de campagne présidentielle. Des thèmes terriblement contemporains,
Mabrouck Rachedi ne manquant d'ailleurs pas d'évoquer la mort de George Floyd aux États-Unis pour donner du poids à son propos. L'auteur entretient parfaitement le suspense autour du drame initial, nous poussant à tourner les pages dans l'espoir que Mabataï se confie enfin un peu aux autres. La tension va croissant au fur et à mesure que le garçon s'expose de plus en plus au nom de la vérité, quitte à se mettre en porte-à-faux vis-à-vis de la compagne de son père.
Si le tableau brossé par ce roman pourrait paraître fataliste, il n'en est rien. À travers l'amitié grandissante entre Mabataï et Katia, l'auteur nous offre une ode à la créativité et à l'ouverture d'esprit. Il appelle à renouer le dialogue, entre les forces de l'ordre et les habitants des quartiers, en incluant les plus jeunes dans ces échanges au lieu de les livrer en pâture aux médias sous un angle propice à vendre du rêve à l'audimat, trahissant par là-même la confiance des prochaines générations et nourrissant ainsi le cycle de la haine. D'un style oral qui sonne au plus juste dans la bouche de son protagoniste, doté de quelques soupçons de poésie pour mieux refléter l'amour de Mabataï et Katia pour les mots et la musique,
Mabrouck Rachedi nous montre que ces violences ne sont pas l'affaire des autres, que nous sommes tous concernés et aptes à faire évoluer les mentalités, afin de redorer les valeurs de la France : « Liberté, Égalité, Fraternité », loin des discriminations et des préjugés.
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