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3,79

sur 478 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Travis tomba sur les pieds de marijuana en pêchant dans Caney Creek. C'était un samedi, la première semaine d'août, et après avoir aidé son père à pincer le tabac toute la matinée il avait eu le restant de la journée pour lui.
Comme l'indiquent la couverture et l'incipit, les ingrédients de ce roman sont la pêche à la truite, la marijuana (entre autres substances) et la figure paternelle. C'est aussi l'Amérique, (profonde, comme on dit, celle de Russell Banks et de David Woodrell), de la Caroline du Nord. Travis, 17 ans, va voir son itinéraire de jeune paumé borderline prendre un angle radical quand, pour leur avoir piqué quelques pieds de cannabis, il se heurte aux frères Toomey, des brutes décérébrées assez effrayantes, comme on se prend un mur. Chassé et humilié par son père, il trouve refuge dans le mobil home délabré d'un non moins délabré ancien prof, auprès duquel il découvre la lecture, le plaisir d'apprendre et surtout un épisode particulièrement violent de la Guerre de Sécession auquel leurs ancêtres ont pris part. Apprendre, s'ouvrir, questionner son histoire, lire, se libérer intellectuellement, puis de sa condition, « remettre le monde à l'endroit » : le versant positif, voire salvateur, d'un sombre et cruel parcours initiatique, mené à coups de trique et de coups de pieds dans le ventre, dans un monde dont la violence n'a d'égale que le beauté des rivières à truites. Très prenant.
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Excellent ! le style, l'histoire, les personnages, les lieux... Moi je dis : "encore!!! encore !!!!!"
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« Trois accords et la vérité ».
Contre le mal qui ronge les vies depuis toujours, le bon docteur Candler a su innover en son temps dans les années 1850 avec l'usage des plantes médicinales mais la guerre de Sécession l'a rattrapé dans les Appalaches. Il a choisi le camp des tireurs, celui des Sudistes massacrant les habitants désarmés de Shelton Laurel. Des extraits lapidaires de son journal d'époque rythment les courts chapitres du dernier roman de Ron Rash publié dans nos contrées après Un pied au paradis et Serena. Bien que le pivot en soit le jeune Travis Shelton âgé de dix-sept ans, le roman oscille entre trois hommes qui se croisent, s'ignorent mais se connaissent, interagissant presque malgré eux sur leur propre destinée, en catimini ou avec perte et fracas. Il y a d'abord le père Shelton, ancré à sa terre, ne comptant que sur lui pour s'en sortir, cultivateur de tabac exigeant qui ne reconnaît rien de bon chez son fils Travis et finit par le rejeter comme un malpropre : « La merde, ça ne se déloge pas » dira-t-il plus tard dans une de ses rares envolées laconiques face à son fils révolté. le deuxième homme auquel Travis va se frotter est le redoutable Carlton Toomey, opportuniste malin et sans scrupule, secondé par son maousse de fils, Hubert Toomey. Travis découvre son champ clandestin de marijuana et décide d'y prélever quelques pieds afin de les revendre à un dealer, Leonard Shuler, troisième figure masculine emblématique, partisan du laisser faire. Rien ne fonctionne comme prévu et le monde se met à l'envers. de ses revers, Travis va en tirer des leçons profitables mais les récompenses ne sont jamais celles attendues comme pourraient l'être la reconnaissance du père Shelton, l'autonomie, la liberté d'entreprendre, etc. A plusieurs reprises, Travis va se retrouver seul pour agir selon une droiture qui ne s'explique pas. Il pourrait profiter de Dena, la femme paumée parasitant le mobile home de Leonard. Elle s'offre à lui mais par respect, il décline son offre alors que le sexe le taraude d'autant plus que sa petite amie Lori se refusera à lui jusqu'au mariage. Leonard a senti l'intelligence de Travis sous sa crânerie et son ignorance. Il décide de l'aider à préparer un examen d'évaluation de connaissances qui lui permettrait de reprendre une scolarité salutaire. Leonard est un professeur déchu qu'une machination mesquine assortie d'une dénonciation minable ont contraint à démissionner. Leonard ne lutte pas mais il perd au passage l'estime de sa femme et la garde de sa fille Emily. Dealer par défaut, il amasse de l'argent afin de rejoindre sa fille aimée en Australie. Depuis longtemps, il s'intéresse au massacre de Shelton Laurel et amène Travis Shelton à s'y plonger à son tour. Les archives ne disent pas tout et la mémoire collective a occulté les tragiques événements de la guerre de Sécession. Au-delà des morts, Leonard et Travis ont partie liée.
Court roman d'une rare puissance, le Monde à l'endroit parle simplement de choses essentielles, l'acuité d'être dans ce monde-là, sa perception et sa compréhension par les sens et la connaissance. Dès le départ, la tension entre les mots (savamment rendue par la traduction) montre des personnages à qui rien ne sera épargné. Il n'y aura pas de fin heureuse mais seulement ce que les hommes pourront en faire : « […] Leonard vit une goutte de pluie tendrement suspendue au bout d'une feuille. Il savait qu'il y avait une raison scientifique au fait qu'elle reste ronde, qu'elle pende ainsi à la feuille mais cela n'avait rien à voir avec le miracle de cette goutte-là sur cette feuille-là, l'autre miracle étant qu'il soit vivant dans ce monde pour la voir ». Qu'est-ce que la conscience ? Qu'est-ce qui fait la grandeur d'un homme ou son effroyable petitesse ? Un geste gratuit, un fil d'aplomb en soi et le courage de faire ce qui exige d'être réalisé ? Leonard est un héros en toute conscience, celle d'un perdant sublime. Son sacrifice assumé sera masqué sous un banal accident de la route. le père Shelton est le type qui ne se mouille pas mais envoie les autres au casse-pipe, à commencer par son fils. Son manque de hauteur de vue et son mépris pour ce qui sort des ornières le rendent petit. Carlton Toomey est le plus trouble, masquant d'étonnantes capacités intellectuelles sous des airs d'ahuri patenté. Fin psychologue, brute sans état d'âme, il sait aussi divinement chanter les gospels et troubler les âmes les plus rudes. Enfin, la nature façonne les hommes, leur donne leurs repères. Les Appalaches transpirent avec ses rivières, ses bois et ses cultures de tabac que les personnages respirent sans relâche. Dans le chaos des vies sans repère, à un moment donné, « Les passages tortueux deviendront droits ». le monde lui-même se remettra à l'endroit.
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De plus en plus ensorcelé par le regard si direct et si franc de Rash sur l'homme et la nature, sa nature, un superbe roman encore, psychologique, historique, sociologique, et fantastique, avec un vrai style direct et nature lui aussi, qui fait vraiment rentrer dans le décors. bluffant.

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Travis Shelton a 17 ans dans un petit patelin de l'Amérique profonde... Cette Amérique qui a oublié comment on gagnait. le coin est propice à la pêche et à la culture du cannabis, au trafic de Quaaludes, et autres hallucinogènes.

17 ans, dans ce bled paumé, c'est synonyme de débrouiille, de pick-up et de misère.

Travis, il croit en sa chance quand il découvre un champs de plants de cannabis. Il en pique. Puis il revient et en pique de nouveau. Bonanza... rien ne se passe... Puis à la troisième fois, c'est le piège à ours Et Carlton Toomey...

Et c'est la dégringolade, synonyme de bière par packs de 6 et de filles, consentantes quand elles sont droguées.

Travis se retrouve pris entre 3 pères... le sien contre lequel il se dresse, Carlton Toomey et Leonard.... Le Professeur, qui trafique et espère un jour aller voir sa fille en Australie. Ajoutez à cela que le patelin a vu un massacre pendant la Guerre de Sécession et que chaque famille est soit du côté des victimes, soit de celui des bourreaux... Et tous les ingrédients sont en place pour le roman noir de noir, un récit moite qui colle partout et file des sueurs.

Fans des happy ends, passez votre chemin. La force de Ron Rash réside dans ce "tout est possible" qui lui permet sans crainte de sacrifier toute once d'espoir sur l'autel du roman noir. Aidé par une écriture poétique, trempée dans de la poudre à canon, Rash nous montre un autre visage de l'Amérique.

Pettie parenthèse, certains rouages, du moins au début, m'ont fait penser au roman de Tom Cooper, Les Maraudeurs. Mais en moins abouti.
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Je viens de finir le monde à l'endroit et j'en suis toute retournée…
J'avais entendu parler de Run Rash à l'occasion de son dernier roman « Le chant de Tamasee » mais n'avait encore rien lu de lui !

Dès les premières pages, j'ai été prise à l'hameçon et rejetée à la rivière pour en suivre le cours (en nageant dans celui du récit).

Le coeur des Appalaches est bien le paradis des animaux mais semble être le purgatoire des hommes qui y vivent : mieux vaut y être un nageur de rivière.

En effet, dans les années 70 à Shelton Laurel comté de Madison vivre est difficile : les habitants semblent pris à la gorge, hormis la culture du tabac prédominante pour les fermiers installés depuis des générations, l'alternative est mince : culture de marijuana, engagement dans l'Armée pour les moins scrupuleux et les plus audacieux, peu de perspectives pour les femmes, qui sont dans ce roman détentrices de douceur dans un monde de brutes qu'elles communiquent à leurs rejetons .

Travis, jeune adolescent, dont le père nie les qualités et les capacités, a besoin d'argent ( payer l'assurance de son pick-up, acheter quelques mousses...) et si il ne trouve pas l'arbre à bouteilles il lui semble trouver un arbre à fric, « un bon vieil arbre à fric ».

De là viendront les ennuis et avec eux les Toomey père et fils .
Mais pour Travis viendront aussi les satisfactions et le réconfort avec Léonard et Lori.

« T'as pas l'étoffe d'un homme pour t 'en sortir tout seul, avait dit son père » …



Un chemin vers l'émancipation pour Travis
un chemin vers la rédemption pour Léonard.

Mais il y a toujours un prix à payer…

J'ai été fascinée par la lecture de ce Run Rash surtout dans sa manière de magnifier la nature et les paysages,«Le paysage tel un destin », mais aussi dans l'art de semer la beauté même dans la technicité (culture du tabac, pêche à la truite).

J'ai aussi apprécié l'adresse et la subtilité avec lesquelles il emmène le lecteur dans les tréfonds de l'histoire américaine, le lecteur parcourt des feuillets du registre (daté de 1850 à1863) du Docteur Candler sans savoir qu'ils représentent un morceau de la mémoire du massacre de Shelton Lorel lors de la guerre de Sécession.

Léonard en s'adressant à Travis lui dira :« Tu sais qu'un lieu est hanté quand il te paraît plus réel que toi ».

Une lecture absorbante, une écriture magnifique, des tensions dramatiques qui a deux reprises m'ont
fait plonger en apnée !

Un roman noir où seuls les animaux ont le pouvoir de rêver...

Très très belle découverte.
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Qu'ils aient pour théâtre la Caroline du Nord ou sa voisine du Sud, les romans de Ron Rash offrent toujours la promesse d'une communion avec la nature.
Si l'oeuvre de cet écrivain flirte avec le genre “nature writing”, les splendeurs appalachiennes sont rarement transcrites sur le mode contemplatif mais semblent mises en exergue pour atténuer le caractère bien trempé des habitants de ces contrées autrefois Cherokee.
“Le monde à l'endroit” n'échappe pas à la règle et le décalage entre la magnificence de l'endroit et la noirceur de la plupart des protagonistes cette fois encore saute aux yeux.

La Caroline du Nord faisait partie en 1861 des onze états sécessionnistes. La guerre civile américaine, opposant les confédérés aux unionistes, y fit rage quatre années durant.
Le massacre de Shelton Laurel le 18 janvier 1863 où périrent treize sympathisants unionistes, dont un adolescent âgé de 13 ans, est resté dans les mémoires comme un des sommets de la barbarie de ce conflit qui fit des centaines de milliers de victimes civiles et militaires.

“Le monde à l'endroit” n'est pas à proprement parler un roman historique mais l'intrigue qui se passe de nos jours se situe tout près de ce lieu sanglant. En outre plusieurs membres de la famille du personnage principal, un jeune homme de 17 ans prénommé Travis, faisaient partie des martyrs lâchement assassinés un siècle et demi plus tôt.

Alors que commence le roman, notre Travis n'est guère en meilleure posture que ses malheureux ancêtres : les mâchoires d'un piège à ours viennent en effet de se refermer sur son pied droit mettant l'os à nu.
Il faut une sacrée dose d'inconscience pour venir une troisième fois au même endroit voler des plants de marijuana ; qui plus est dans le champ des Toomey père et fils, deux colosses dont la férocité est connue bien au-delà du comté.

L'intensité dramatique de cette première séquence donne le ton d'une histoire captivante dont des acteurs sont pour la plupart impulsifs, à la personnalité borderline.
Et toujours la nature dans son rôle équilibrant qui tout à la fois subjugue et apaise. Ainsi en bordure du champ des sinistres Toomey coule une rivière peuplée de truites brunes, d'arc-en-ciel, d'achigans à petite bouche et de poissons-chats.
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Travis est en déroute et semble avoir raté une marche dans son évolution d'homme. Il possède ses capacités propres et sa rencontre avec Léonard semble être le déclic pour qu'il mette en application ses qualités. D'ailleurs, tous les personnages charismatiques de l'environnement de Travis vont lui permettre, chacun à leur manière, de s'éduquer de manière brutale. Son père, Toomey et Léonard vont lui ouvrir les portes du passage à l'âge adulte. Il va grandir au contact de chacun d'eux et il va donc essayer de se racheter de ses fautes passées en faisant ressortir le meilleur de lui même. Mais on s'aperçoit que plus l'histoire avance et plus les chances d'une fin heureuse s'amenuisent, tant le passé sombre de la guerre de Sécession et ses secrets pèsent sur toute cette communauté.
Grâce à une écriture agréable, une certaine poésie pleine d'humanité ressort de cette lecture située dans les paysages sauvages des Appalaches et une certaine forme d'espoir accompagne malgré tout le déroulement du roman de Ron Rash. J'ai eu grand plaisir à suivre ce roman initiatique au milieu d'une région retirée des Etats-Unis, avec des personnages aussi attachants que désespérants.
Lien : https://leslivresdek79.wordp..
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Comme à son habitude, Rash nous emmène au coeur des Etats Unis, dans ces petits villages loin de tout où se croisent et se percutent des personnages qui luttent pour vivre, des personnages très forts que la vie malmène mais qu'elle fait aussi se rencontrer en vue d'un résurrection ou d'une descente en enfer. Et Rash excelle dans le domaine, se hissant au niveau des grands auteurs américains du genre, avec puissance et style.

Bref, du très bon.
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Le choix d'un roman se fait au hasard, sur un coup de tête ou après une longue réflexion, et lorsque vous ouvrez votre livre, vous avez les mêmes incertitudes qu'au début d'une partie de pêche, vous ne savez pas si ça va mordre, si les heures de lecture à venir seront réjouissantes ou barbantes La lecture offre des plaisirs contingents à renouveler en permanence. Et parfois vous ressentez la satisfaction de tenir entre vos mains un livre qui vous parle et qui vous touche. Vous éprouvez immédiatement une empathie pour les personnages. le milieu dans lequel ils évoluent vous paraît naturel, comme si vous y aviez toujours vécu. C'est ce que j'ai ressenti à la lecture du « monde à l'endroit » de Ron Rash.
Le roman se déroule dans un comté rural de l'état de Caroline du nord peuplé de « rednecks ». Dans ce coin des Appalaches, ils sont nombreux à vivre en marge de la société. Certains gagnent modestement leur vie dans les travaux des champs ou en exerçant des emplois mal payés ; d'autres se livrent à des trafics illégaux. le samedi soir, les jeunes se réunissent autour de leurs pick-ups et se saoulent ou se défoncent pour oublier leur condition et leur avenir bouché.
Travis Shelton est un jeune de 17 ans. Il est souvent amené à aider son père dans ses travaux de culture de tabac. Un matin, il décide d'explorer la rive d'un cours d'eau en quête de sites de pêche. Alors qu'il traverse la propriété des Toomey, des voyous redoutables, il découvre des pieds de marijuana. Il arrache quelques plants et part les revendre à Léonard. Léonard est un ancien enseignant qui a perdu son emploi, sa femme et sa fille après que quelqu'un ait placé un sachet d'herbe dans son véhicule par vengeance. Rongé par l'échec et l'absence pesante de sa fille qu'il ne parvient plus à joindre, reclus dans un mobil home en compagnie de Dena, une junkie, il survit en revendant des bières aux mineurs, de l'herbe et des comprimés. Ravi de cette nouvelle aubaine, Travis retourne se servir dans la propriété. le piège se renferme sur lui. Blessé à l'issue de sa rencontre avec le père et le fils Toomey, Travis est hospitalisé sans rien pouvoir révéler de l'origine de sa mutilation. La confrontation avec son père, un homme fier et dur, tourne mal. le jeune homme quitte le domicile de ses parents et trouve refuge chez Leonard. Les deux hommes vont se rapprocher grâce à une passion commune : ils s'intéressent tous deux à l'histoire locale de la Guerre de Sécession. Leonard et Travis vont s'entraider dans leurs quêtes de rédemption. Mais la violence n'est jamais loin, celle du passé, enterrée avec leurs aïeux dans un charnier de la guerre, et celle du présent, toujours prête à exploser…
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