La plupart des êtres qui peuplent notre monde sont des inconscients, des instinctifs. Ils savent qu'ils existent ; Descartes le leur a dit (Cogito, ergo sum). Ils savent qu'ils doivent mourir un jour. Craignant cette mort comme une fin sans appel, ils se cramponnent à la vie, cherchant, par tous les moyens, à en jouir avant de céder à d'autres leur place au soleil.
En dehors de cela, ce sont autant de fœtus surnageant, emportés par le grand fleuve de l'humanité. Peu cherchent à remonter le courant, ils vivent de leurs sens, de ce qui les frappe et ne cherchent pas à rien concevoir au-delà.
Une impulsion première peut décider d'une destinée, et elle trace aux parents le grand devoir de leur vie envers leurs enfants. Les trois ou quatre premières années de l'enfant se passent dans l'espèce de somnolence psychique où il a été plongé en quittant l'autre monde, tout comme le sommeil nous plonge peu à peu dans l'oubli de l'état de veille, et quand le réveil survient, ce n'est pas pour le rendre au monde qu'il vient de quitter, mais pour lui faire prendre conscience de sa nouvelle vie, par une initiation lente, sans qu'il se rende compte de son état.
Que de chemin, de ces appétits tapageurs à l'Inde mystique, assise sur les marches du trône de Dieu, recueillie dans la méditation des Vedas, qui furent l'immortelle impulsion donnée à ce peuple et dont tous les grands messies antiques ont descendu les degrés pour conduire leur génération dans les voies religieuses.
L'épée de Clovis a fait la France belliqueuse. Si nous avions commencé avec un Pythagore ou un Platon, nous aurions perpétué l'orientation druidique et nous serions probablement devenus un peuple moral d'une haute spiritualité.
L'enfant pourrait dire à ses parents : Vous êtes les auteurs de mon corps, mais pas de mon âme. Nous sommes une association. Vous avez fourni l'enveloppe, je l'ai meublée.
Vous avez produit le corps et moi l'Esprit. Entre vous et moi, c'est une collaboration. Je ne suis à vous que partiellement, mais votre sang a créé des liens d'amour.
Assurément la vie en commun, soit avec des parents, soit avec d'autres, déteint toujours sur les êtres par son influence morale, mais le grand redresseur, le pilote, c'est l'éducation.