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3,68

sur 814 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
C'est peu dire que l'homme-dé se révèle déconcertant, Luke Rhinehart introduit dans son roman tant d'absolu et de rationalité en même temps que l'on peut difficilement l'oublier.

Dans cette aventure fictionnelle, l'auteur se dissimule derrière un double de papier qui n'a pour ainsi dire rien du héros de littérature conventionnel : dépourvu d'émotions contradictoires, ne doutant de rien, Luke Rhinehart psychiatre aguerri se lance dans une succession d'expériences au début ludiques qui vont progressivement devenir de plus en plus spectaculaires mais aussi de plus en plus envahissantes.
Laisser la possibilité à des désirs refoulés de s'exprimer, abandonner les différents mécanismes de défense du Moi qui génèrent angoisses et frustrations, acquérir une plus grande liberté en évacuant la question du libre-arbitre... mais est-ce réellement la liberté lorsque cette espèce d'ivresse puis de sérénité suscitées par le rejet de tout conflit inconscient conduit à subordonner chacune de ses décisions, même les plus déterminantes, au hasard des dés ?

Le récit invite à se poser la question. Il est assez mystérieux d'observer un homme perspicace et pondéré, capable d'appréhender brillamment le genre humain exécuter les verdicts des dés avec un relatif détachement au point de s'abstraire de l'ordre social établi et de la morale communément admise sans que sa perception du réel se trouble pour autant. A aucun moment on ne se pose la question de savoir si cet homme est fou et c'est ce qui rend le roman emballant.

l'homme-dé est un roman imprévisible, divertissant prenant à rebours nos représentations pantouflardes. J'ai aimé l'intelligence avec laquelle l'auteur a propulsé cette histoire un peu glauque dans une dimension spirituelle étonnante, mettant en lumière au passage l'échec de la psychiatrie à traiter certains désordres psychiques. J'ai aimé sa faculté à imposer des situations invraisemblables même si on peut regretter que l'éventail des décisions aboutissent le plus souvent à des expériences sexuelles délirantes.
Lecture marquante.
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"L'homme dé" évoque l'histoire d'un homme qui ne conçoit sa vie qu'à travers le hasard. Roman culte des années 1970.
A lire ! Très instructif ! Remis au goût du jour par Emmanuel Carrère et la Revue 21 .
A noter que vous lancer un dé: six choix possible . Mais c'est une contrainte...
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Le docteur Rhinehart, psychiatre new-yorkais, a atteint le sommet de sa réussite : une femme, deux enfants, un travail qui lui permet de vivre confortablement, et un ennui insurmontable qui le poursuit depuis des mois. Les substituts habituels (cours de zen, …) ne lui apportent que peu de réconfort, et la dépression s'installe petit à petit.

La solution arrive sous la forme d'un petit cube à six faces. le principe est des plus simples : faire une liste de choix possibles, et laisser le dé décider de la voie à suivre. Fini, le moi unique et raisonnable qui doit tracer un chemin cohérent une vie durant. Après tout, nos personnalités sont multiples : on ne se comporte pas de la même manière au travail qu'à la maison, au club de sport qu'à un dîner entre amis. Chaque petit moi d'habitude écrasé par les autres doit avoir la possibilité de s'exprimer. Après avoir confié aux dés quelques décisions sans importance, Rhinehart décide de devenir un homme-dé : la moindre de ces décisions sera tirée au hasard. le lâcher-prise sur sa vie devient total.

Je cherchais ce livre depuis longtemps, et pour une fois, mes espoirs n'ont pas été déçu : l'idée est originale, le scénario déjanté. Tous les ingrédients sont réunis pour un coup de coeur ! La réflexion sous-jacente est intéressante aussi. Après tout, on peut se tracasser beaucoup sur des petites décisions qui n'auront aucun impact sur notre vie. Et quand on reprend du recul sur les décisions plus importants, pour examiner ce qu'on voulait au départ et où on est arrivé au final, il y a de quoi se poser des questions ! Alors, c'est décidé, à partir de maintenant, je garde un dé en poche. Je ne jouerai sans doute pas une demande en mariage ou une conversion religieuse, mais sait-on jamais, il peut me réserver quelques bonnes surprises...
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« Je pense que ce qui fait le plus de mal à l'humanité, sa maladie la plus grave, c'est l'esprit de sérieux. »

En une seule phrase définitive, Luke Rhinehart donne la meilleure des clés de lecture de son oeuvre en général, et de l'homme-dé en particulier. Un livre-délire, culte, dérivant entre philosophie, psychiatrie, humour, sexualité débridée et énorme farce sulfureuse.

L'histoire est connue : dans les années 70, Luke Rhinehart, psy new-yorkais brillant mais atypique s'emmerde dans sa vie faite de règles et de contraintes. Jusqu'au jour où il décide de les défier en remettant ses prochaines actions au hasard d'un coup de dés.

Ce qui n'était qu'un test va devenir routine, règle de vie, concept, enseignement, religion, excès et finalement, traque par le FBI avec 237 potentielles années de prison à la clé.

Rhinehart – ici traduit par Francis Guévremont – nous balade constamment entre le conte philosophique démontrant que l'annihilation du moi pour s'en remettre au hasard est la seule voie de la liberté, et la farce orgiaque façon Ferreri dont les excès sont légitimés par cette liberté nouvelle.

Désabusé de la vie - « le principe fondamental du monde, c'est tout de même que les êtres humains doivent tous bouffer de la merde, que cela leur plaise ou non » - Rhinehart fait le pari de Pascal du lâcher prise : « Ratez ! Perdez ! Soyez nul ! Jouez, risquez, osez. »

Relu quinze ans après ma première lecture grâce à la nouvelle et superbe édition collector sortie Aux Forges de Vulcain, l'homme-dé est avant tout un livre inspirant qui nous confronte à nos propres choix, ou plutôt aux conséquences de tous nos non-choix.

Alors forcément, ça pique un peu. Mais heureusement, on rigole fort !
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ATTENTION ! Un roman comme aucun autre qui nous plonge dans un autre monde, une dimension à six faces !
Nous suivons le docteur Luke Rhinehart, psychanalyste de 32 ans, vivant à New York avec sa femme Lil et ses enfants, dans un bel appartement. le couple semble solide et uni par l'amour, Luke a des collègues avec qui il s'entend bien et qu'il jalouse parfois. Il a l'air de plutôt aimer son métier d'analyste et fait de son mieux pour aider ses patients.
Sauf qu'il est blasé et qu'il s'ennuie. Un soir, après une partie de poker arrosée entre amis, il décide de lancer un dé. S'il tombe sur telle option, il ira chez Darlene, la femme de son collègue, et la violera. Bingo ! Luke tombe sur l'option en question, va chez sa voisine et "la viole", à ceci près qu'elle est consentante. En un soir, l'homme-dé est né !
S'ensuit le récit incroyable de la dé-vie de Luke qui devient très vite accroc à son petit jeu. Il commence doucement, avec des options pas trop risquées et finit par tout jouer aux dés, remettant l'intégralité de ses décisions au hasard.
Sa femme, ses enfants, ses collègues, personne ne comprend ce qu'il se passe. Plutôt raisonnable à la base, Rhinehart se transforme tour à tour en original, en dépressif, en pervers sexuel, en Jésus... Derrière toutes ces facettes, il tend à éliminer toute forme d'égo, c'est la disparition total du libre-arbitre et la destruction du moi qu'il recherche.
La dé-vie fait des adeptes. Il initie des collègues ainsi que des patients. Les gens sont curieux et tombent vite dans le piège, abandonnant toute prise de décision.
Des centres d'enseignement de la dé-vie se multiplient sur le territoire américain. C'est une véritable révolution. Les vertus thérapeutiques ne sont pas avérées mais les centres ne désemplissent pas, se transformant en baisodromes géants. J'oubliais, la dé-vie s'applique bien sûr à la sphère sexuelle, ce qui, dans l'Amérique de la fin des années 60, était tout simplement scandaleux !
Ce roman est tout simplement bluffant... et tellement drôle ! On rit, on réfléchit, on se questionne sur notre liberté, sur notre sincérité, sur les carcans que nous impose la société. Pour l'époque, ce roman est une bombe subversive, qui reste tout à fait lisible en 2020. C'est délicieusement amoral.
Dans les options du dé, un dé-tudiant, se retrouve à un moment dans l'obligation «datale» d'inscrire le viol ou le meurtre d'un proche ou d'un inconnu...
Je me suis régalée. Certes, le texte est long, parfois théorique, mais j'ai suivi avec avidité l'auto-destruction de Luke Rhinehart et sa foi profonde en la dé-religion.
Une claque ! Ce livre marquera mon paysage littéraire et compte déjà parmi mes lectures favorites.
Si vous avez l'édition de 2018 de l'Olivier entre vos mains, allez bien jusqu'au bout et lisez la postface d'Emmanuel Carrère qui nous éclaire sur la réelle personnalité de George Powers Cockcroft, alias Luke Rhinehart.
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Et v'lan, dans les dents !!!
Permettez que je reprenne un peu mes esprits, je viens de me manger l'homme-dé en pleine face, et croyez moi ça secoue.
J'en ai lu des trucs tordus, mais alors là ... il m'a complètement retourné la cervelle, le saligaud !

Remarquez je suis pas tout seul : depuis sa parution en 1971, la vraie-fausse autobiographie du docteur Luke Rhinehart en a fait des remous. Elle aurait même été jugée trop subversive et à ce titre censurée dans une cinquantaine de pays. Faut dire qu'il y va fort, le type ! le voilà qui dé-cide subitement de dé-sintégrer sa paisible existence de psychiatre new-yorkais reconnu et de confier au Dé, élevé au rang de divinité omnisciente, les rênes de son destin.
Au diable les conventions, la bienséance, les carcans sociaux, les cas de conscience et le regard des autres : il ne suffit plus désormais que de dresser, à la moindre occasion, des listes d'actions, de réactions, de comportements à adopter ou de personnages à incarner, puis de laisser le Dé faire son choix parmi toutes ces options préétablies, aussi incongrues, dangereuses ou amorales soient-elles.
Appels au viol ou au meurtre, dé-viances et dé-bauches en tous genres : quoi qu'il arrive, toujours se conformer aveuglément aux impératifs du Dé !
Puisque la vie n'a aucun sens et ne conduit toujours qu'à l'échec, autant s'en remettre au Hasard.

Vaste programme de dé-sintégration mentale en trois points.
• D'abord le simple jeu de rôles censé pimenter le quotidien ("c'est en faisant n'importe quoi qu'on devient n'importe qui", parait-il...)
• Ensuite l'expérience psychanalytique, la thérapie de choc saugrenue mais excitante visant à se libérer de son "moi" afin de "devenir multiple", à dé-truire sa personnalité dominante en laissant à ses plus bas instincts et ses "moi minoritaires" la possibilité de s'exprimer sans se soucier des conséquences.
• Et pour finir, bien sûr, l'aliénation totale du sujet, la dé-mence la plus malsaine.

Quand toutes les inhibitions sont levées, quand le Dé tout-puissant invite les pulsions enfouies à refaire surface, quand la schizophrénie devient le socle de l'existence, alors c'est l'avènement du chaos, la négation totale et dé-finitive de tout ce qui fait de l'homme un animal social. le pire est que Rhinehart, non content de jouer à la roulette russe sa vie d'époux, de père et médecin, entraine nombre de ses collègues, patients et amis dans ses dé-lires morbides. Ses théories font des émules, son jeu de la mort et du hasard prend de l'ampleur et bientôt des CETRE ("Centre expérimentaux en milieu totalement hasardeux") fleurissent sur tout le territoire.
Un truc de dingue, je vous dis !
L'auteur m'avait pourtant mis garde dans la préface : "je vais raconter la tentative instinctive d'un homme pour se réaliser d'une façon nouvelle, et l'on me jugera fou. Qu'il en soit ainsi. S'il en était autrement, je saurais que j'ai échoué". Cher Luke soit rassuré, ta réussite dépasse probablement de très loin tes espérances...

Apparemment certains lecteurs ont trouvé ce récit loufoque et amusant.
Ce n'est pas l'effet qu'il m'a fait, et je garderai plutôt le souvenir d'une oeuvre noire et perturbante - qui m'a captivé, ne vous y trompez pas ! - doublé d'un manifeste trashissime en faveur du droit à l'expression de tous les fantasmes. En bref un roman culte et dé-rangeant, et un terrible aveu d'échec de la psychanalyse.
La thèse du docteur Rhinehart est d'ailleurs foutrement bien étayée, au point d'accroitre chez le lecteur un certain sentiment de malaise, notamment quand la folie du narrateur se fait contagieuse ("j'ai engendré en vous une puce qui va vous gratter éternellement. Oh, mon Lecteur, vous n'auriez jamais dû me laisser naître [...] La puce qu'est l'homme-dé oblige à se gratter sans arrêt : elle est insatiable. Vous ne connaîtrez plus un moment sans démangeaison, à moins, bien sûr, que vous ne deveniez vous-même la puce").
Me voilà donc mordu, infecté à mon tour par l'aiguillon d'une plume piquante et incisive que je n'oublierai pas de si tôt.
Le mal est fait, alea jacta est...
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La trame de l'homme-dé est la plus simple qu'il soit : un psychanalyste qui s'ennuie décide soudain de laisser un dé décider à sa place parmi les possibilités qui s'offrent à lui chaque jour. Or on le sait, c'est quand les choses se font très simples qu'elles deviennent vraiment compliquées.

Rhinehart (l'auteur, qui partage son nom avec le personnage central) choisit quant à lui de s'enfoncer de plus en plus profondément dans les conséquences de cette décision. Puisqu'il suffit de dresser une liste de 6, 12 ou 36 actions et de laisser voir laquelle choisit le dé (divorcer, tuer un inconnu, se comporter en obsédé sexuel pendant une soirée, aller violer sa voisine, parler comme Jésus Christ), diégétiquement parlant il n'y a plus vraiment de roman possible : il n'y a au mieux que des pistes qui s'entrecroisent (au cas où le livre serait écrit dé à la main) au pire qu'une partie truquée (au cas où l'imagination de l'auteur remplacerait le décret du Dé). Mais "l'Homme Dé" évite malicieusement cet écueil, car il se présente "d'entrée de jeu" comme une réflexion à la première personne sur le Moi humain pris dans les filets de l'existence. Une lente descente en spirale jusqu'au coeur de la psyché humaine, une odyssée chaotique qui au lieu de se laisser enivrer par les splendeurs et les misères du possible, préfère plutôt se placer sur un plan historique, social et psychologique. Ce que comprend peu à peu Rhinehart (le personnage cette fois), c'est que le Hasard est un dieu bien pratique, lui permettant d'échapper à la tyrannie moderne de la Personnalité Unique : non seulement il peut enfin laisser libre court à toutes les personnalités qu'il sent s'agiter au fond de lui, mais de surcroit il n'a pas à endosser la responsabilité du choix en question. Une soumission totale qui entraine une liberté totale.

C'est ce vertige que les deux Rhinehart scrutent la plume à la main, une plume agile, ironique, dérangeante, impertinente et légère comme toute plume qui se respecte ! Et ce qui pourrait verser dans le pensum philosophique reste toujours à flot : la réflexion a beau être omniprésente, elle n'étouffe jamais le récit, suite de scènes hilarantes, peintes avec un art de conteur irrésistible. On rit beaucoup, peut-être aussi pour conjurer la vague crainte qui plane : celle de tomber à notre tour sur un dé et de se laisser aller à lui demander son avis. En ce qui me concerne, j'ai immédiatement jeté mon jeu de 421 par la fenêtre.
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En 1971, un livre sort en catimini aux États-Unis.
Plusieurs millions d'exemplaires vendus plus tard, l'homme-dé acquiert le statut de livre-culte et fait de son auteur, Luke Rhinehart, l'un des auteurs les plus importants du XXème siècle.
Mais comment expliquer ce succès et cette aura qui persiste encore de nos jours, une aura qui a conduit les éditions Aux Forges de Vulcain à nous offrir une superbe édition cartonnée sous une nouvelle traduction signée Francis Guévremont ?
Dissection d'un livre à Haut Potentiel Insidieux…

Et un jour, l'illumination !
Dans sa vie de père de famille, Luke Rhinehart s'ennuie.
Lillian, sa femme ainsi qu'Evie et Larry n'y change rien. Pire, ils sont l'un des symptômes évidents de cette existence morne et répétitive.
Luke est psychiatre à New-York, plutôt réputé et solidement établi dans le milieu. Mais, là aussi, Luke s'ennuie. Il réalise petit à petit que la psychiatrie, la psychanalyse et toutes les autres théories psychologiques qui l'entourent n'ont en réalité aucune efficacité.
Ses plus beaux succès seraient en fait des coïncidences et ses propres écrits en deviennent amers quand ils ne sont pas tout simplement inachevés.
C'est un soir comme les autres, après un échange houleux avec l'un de ses collègues, que Luke connaît une épiphanie.
Sous une carte de poker se cache un dé abandonné là au hasard.
Mais ce dé va changer la vie de notre psychiatre New-Yorkais bien sous tout rapport. En s'approchant de celui-ci, Luke Rhinehart s'imagine ce qu'il fera de sa soirée selon le résultat qu'il trouvera sur le dé planqué sous la dame de pique.
C'est ainsi qu'il décide d'aller violer sa voisine et amie qui vit à l'étage du dessous, Arlène, femme de l'un de ses plus proche collègues.
Bien sûr, ce « viol » ne va certainement pas non plus se passer comme prévu, marquant le début d'une aventure extra-conjugale incongrue et d'un bouleversement total pour Luke Rhinehart… et le monde !
l'homme-dé est un pavé de 500 pages qui a longtemps joué sur son côté fausse-autobiographie. Son auteur, de son vrai nom George Cockroft, était lui aussi un psychiatre New-Yorkais. Pour renforcer la confusion lors de sa publication, il prend le pseudonyme de Luke Rhinehart, le personnage principal de cette expérience littéraire.
Si l'on a longtemps cru que la chose pouvait avoir des racines authentiques, le roman s'inspire surtout en réalité de quelques anecdotes tirées de la vie de George Cockcroft, comme sa décision d'emmener deux jeunes femmes dans sa voiture après avoir joué aux dés… et que l'une d'elle devienne son épouse par la suite.
Comme si, au fond, l'on pouvait changer la structure de sa propre existence. Profondément marqué par l'époque où il a été écrit, c'est-à-dire les années 60-70, l'homme-dé est un ouvrage complètement fascinant et amoral qui remue son lecteur par la remise en question de nos principes les plus fondamentaux et indéboulonnables.
Et si le Hasard faisait bien les choses ?

Une liberté absolue ?
À partir de ce fameux« Jour-Dé », Luke Rhinehart va se mettre à prendre de plus en plus de décisions avec des dés, attribuant à chaque résultat une conséquence de plus en plus absurde. Être Jésus pendant une journée, avoir une éducation rigide pour ses enfants, rompre pendant un mois avec ses habitudes, changer de métier, écrire un livre, quitter sa famille, dicter ses émotions… bref, tout y passe.
Ce qui pousse le plus loin cette expérience, c'est que notre psychiatre va allouer des choix désagréables ou complètement contraire aux moeurs dans ce petit jeu qui finit rapidement par déborder.
Dès lors, Luke s'affranchit de la morale. Viol, meurtre, vol. Tout cela sera le fruit du Hasard ou ne le sera pas.
Petit à petit, Luke Rhinehart montre au lecteur que notre existence n'est basé sur la constance et la stabilité que parce que la société en a décidé ainsi depuis notre naissance. Mais qu'arriverait-il si le succès passait par l'instabilité, si le mérite passait par l'inconstance, si l'accomplissement se faisait par le changement ? Les conséquences de la transformation du psychiatre respecté en gourou de l'homme-dé vont être cataclysmiques, découvrant des pulsions ou, au contraire, en étouffant certaines.
La thérapie par le dé va autant séduire que repousser et son créateur, Luke Rhinehart, va engendrer un monstre qui va se répandre de façon incontrôlable dans la société qui l'entoure, créant des adeptes, des centres de formation et, bien sûr, une sorte de nouvelle Bible complètement surréaliste qui pousse ses participants à n'être jamais unique.
l'hommé-dé est un livre hautement dérangeant, non seulement parce qu'il tente de briser la structure commune de l'homme, sa faculté à rassembler les différentes facettes de sa personnalité en une seule entité indivisible, mais aussi parce qu'il renverse la table de la normalité.
La norme devient la folie, la folie devient la norme.
L'auteur américain prouve de façon particulièrement brillante que notre conception du fou ne tient que par la validation sociale. Si l'on en brise les maillons, l'ensemble se dérobe et l'on donne naissance à quelque chose de complètement et singulièrement différent. Comme si tout n'était qu'un immense banquet avec un Chapelier Fou.
Pour prouver son fait, l'auteur pousse le jeu très loin et l'homme-dé se confronte très tôt aux pulsions sexuelles de ses personnages, sortant les fantasmes du placard et n'hésitant pas à se vautrer dans la luxure la plus totale pour l'occasion. Pire encore, la croyance de l'homme-dé croise souvent un certain sado-masochisme, où l'on fait des choses que l'on a aucune envie d'accomplir. Comme d'avoir une relation homosexuel quand on est hétérosexuel, ou tuer un homme que l'on connaît.
l'homme-dé ne s'interdit aucune fantaisie. Logique puisqu'il est la fantaisie ultime. Ce qui se retrouve dans ce récit qui n'en finit pas de suivre le délitement du personnage principal, entraînant tout ceux qui l'entourent dans sa chute. Une chute qui pourrait bien être un couronnement si l'on en suit la logique interne du roman.
Au fond, l'homme-dé parle d'interdits, de pulsions de mort et de vie, de sexe et de limites, de tabou et de lois. Il s'inscrit dans la droite ligne du courant hippie des années 60 et veut s'affranchir complètement des contraintes d'une société qui aliène ses constituants, faisant rentrer chacun dans un moule rigide duquel il semble impossible de sortir, condamné à une vie morne mais socialement acceptable. Reste cependant une considération particulièrement fascinante dans cette autobiographie du faux : à force de Hasard, on finit par se demander si le Destin ne revient pas au galop. Pire encore, le nouvel Homme-Dé inventé par Luke Rhinehart devient le prophète d'une nouvelle religion avec ses règles et ses enseignements. Montrant de façon particulièrement retorse que peu importe qu'on essaye de s'affranchir des contraintes, celles-ci finissent toujours par nous trouver. On pourrait même se dire que l'auteur nous livre une satire mordante du fait religieux par le plus absurde des cultes, celui de l'aléatoire et de l'inconnu.
Mais ne serait-ce pas simplement au final ce qu'on appelle « la vie » ?

Roman dérangeant, amoral et insaisissable, l'homme-dé est l'enfant terrible d'une contre-culture qui refuse la limite et le Diktat de l'existence. En résulte une expérience inconfortable qui questionne sur ce qui nous définit en tant que rouage sociétal.
Et si tout ça, au fond, n'était qu'un jeu pris beaucoup trop au sérieux ?
Lien : https://justaword.fr/lhomme-..
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A la maison, depuis des années, nous sommes de grands fans de la série « The Big Bang Theory ». Un jour, j'ai demandé à mon mari de me rapporter de la librairie un livre, au hasard, qu'il estimerait me plaire. Il est revenu avec « l'homme-dé » de Luke Rhinehart parce que le titre et le résumé lui avaient fait penser à cet épisode où Sheldon Cooper, le héros de notre série culte, décidait de jouer « toutes les décisions sans importance avec des dés » (de Donjon et Dragons) : ce qu'il va commander au resto, s'il peut ou non aller faire pipi ou révéler certaines infos à ses amis et s'il peut ou non raser sa moustache… Il conclut son expérience par cette phrase :

« Les dés te donnent et les dés te reprennent » (« The Big Bang Theory », Saison 5, Episode 4).

On ne pourrait mieux résumer ce roman que par cette citation... Car les dés te donnent la possibilité de te libérer de certaines décisions sans importance, mais ils te font également prendre tout un tas de décisions inconsidérées. Ils te donnent la possibilité de te libérer des contraintes imposées par les codes sociaux mais ils te reprennent une part de ton humanité. Ils te donnent l'occasion de vivre de multiples vies, d'explorer de nombreuses facettes de ta personnalité mais ils t'ôtent toute raison et te font basculer dans la folie.

Il n'y a aucune limite dans les choix à soumettre au bon vouloir du hasard et, plus le narrateur laisse les dés décider, plus les limites sont dépassées : folie, indécence, rupture avec les codes de la société qui nous définissent comme un « être social » pour devenir un « marginal », soumission à des pulsions, des désirs enfouis au plus profond de nous, viol, drogue, sexualité débridée, jusqu'au meurtre. Une manière nouvelle d'atteindre la liberté et de créer un nouveau moi. Mais à quel prix ? le narrateur voit son quotidien, sa vie de couple, sa carrière professionnelle imploser, sa personnalité de déliter peu à peu jusqu'à basculer dans la folie mais… Alea jacta est ! Et puis, qui est fou ? l'homme-dé qui ne se plie plus aux codes de la société ? Ou la société elle-même malade et qui nous impose d'être qui nous sommes ?

Cette autobiographie fictive (heureusement !) nous invite à nous interroger sur les limites que nous choisissons (ou que la société choisit) de poser à certains actes, que nous jugeons d'emblée comme interdits, horribles, dégoutants, et à ce que nous ferions et comment nous nous comporterions si le hasard nous « obligeait » à accomplir de tels actes.

C'est tout sauf drôle, même si l'humour cynique du narrateur et son regard critique peuvent parfois faire sourire. C'est perturbant, irrévérencieux, subversif surtout aussi parce que le narrateur n'hésite pas à prendre à parti son lecteur et à l'interpeller en l'incluant dans la spirale infernale de folie dans laquelle il sombre peu à peu. Ce roman laisse une drôle de sensation, comme "une puce qui donnera pour toujours l'envie de te gratter. (…) La puce Homme-dé exige qu'on la gratte sans cesse : elle est insatiable. » (p.291)

Pour le coup, mon cher et tendre a visé juste avec le choix « au hasard » de ce roman mais j'ai comme l'impression que, plus jamais je ne lancerai des dés sans penser à cette puce… et il est hors de question que je décide, d'un lancer de dés, quel sera le prochain livre que je lirai...
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Un sommet de réflexion subversive, qui a contribué à changer ma vie il y a 6 ans, et celle de beaucoup d'autres.

Il y a souvent contresens sur cette histoire de dés. Plus que de s'en remettre au hasard pour effectuer ses choix, le personnage principal découvre l'étendue réelle de ses possibles. Et le vertige le prend, jusqu'à en arriver à un virage mystique (la partie qui me parle le moins).

Alors ensuite se pose la question de la liberté, des autres, du social, de la norme...

Et cette fameuse réflexion de Camus dans le Premier Homme "Un homme, ça s'empêche".

C'est un livre de questions, surtout pas de réponses.

Et, ce qui ne gâte rien, c'est malin, rigolard, voire vicieux. On est dans le New York de Woody Allen, de Philip Roth, d'Anaïs Nin.
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