Chronique du ghetto de Varsovie

Les allemands occupent la Pologne en 1939 et commencent alors la néantisation des communautés juives de ce pays .
Les ghettos raffermissent leur murs , la densité de population y explose , c'est une sorte de shoah artisanale qui se met en place ( du genre de celle qui détruisit une grande partie de la communauté juive roumaine ) , L'assassinat massif à l'arme blanche . le Reich compte principalement sur le typhus , la malnutrition , l'épuisement et les populations elles-mêmes pogroms , pour tenter de détruire les 11 millions de juifs européens. Alors que les camps de déportation commencent leur oeuvre industrielle d'assassinat en 1942,les ghettos fonctionnent comme de véritables stations de transit et d'écrémage des victimes .

« Emmanuel Ringelblum a alors trente-neuf ans. Historien, sociologue, économiste, cet homme de science est aussi un homme d'action : leader social et militant politique, il est encore l'un des animateurs de l'American Joint Distribution Committee « ( présentation de l'Edition Payot ) . Il est le témoin de la conscientisation progressive par les populations du yddishland , des effets , de la mise en oeuvre de ce projet de destruction systématique .

Ce texte est une sorte d'arlésienne car il disparaît régulièrement , et il réapparait chez un autre éditeur assez rapidement .

C'est et j'insiste , un des témoignages les plus éloquents sur la shoah , c'est aussi un document historique de premières mains.
Comme son titre l'indique , la structure est celle d'une chronique , le quotidien , jour après jours , de la destruction des populations du ghetto de Varsovie et des guettos avoisinants .
Le récit est très factuel et il est conforme à la hauteur de vue de l'auteur . Une capacité qui lui permet de consigner des notes qui concernent quasiment tous les aspects de la question , du quotidien à la recherche d'un sens plus général .
Lire ce document , c'est plonger dans le quotidien de la néantisation de la vie et c'est aller au rythme du naufrage de cette société , d'un peuple , de sa langue , de sa culture , mais pas de son avenir (car leur sursaut armé fera des émules ) , pour suivre ces gens jusqu'à la mort .
En fait c'est un document de premières mains qui serrait simplement passionnant à lire , si le sujet n'était aussi grave , tragique et sordide .

Il s'agit d'un texte qui devrait avoir la notoriété de ceux d'Anne Franck ou de Primo Levi.
C'est aussi l'occasion de voir les victimes se lever , à pessah ( la fête de la liberté du peuple juif ) , en 1943 , les combattants du ghetto principalement des membres du Bund mais aussi les membres de plusieurs courants du sionisme et de la mouvance du Bétar . Les combats dureront un mois et à eux seuls . Ils témoigneront éloquemment contre le mythe de la soi-disant passivité des victimes de la shoah , qui partout furent acharnées à vivre jusqu'à la mort .

Sous d'autres cieux et avec la même détermination , 5 ans plus tard , des gens de ces mêmes mouvances politiques et animés de la même énergie , se lèveront pour conquérir et restaurer la dignité nationale du peuple juif et leur combat , cette fois sera victorieux . Quelques survivants du ghetto restaureront l'état des juifs sur sa terre ancestrale , avec Jérusalem pour capitale , les armes à la main .

Enfin je dirais de ce témoignage poignant et exhaustif , que c'est une bouteille à la mer , une capsule temporelle , car ces textes furent enterrés au hasard pour survivre aux victimes et au mal déchainé . La providence a voulu qu'il sortent du sol par étapes et au hasard , pour accomplir leur oeuvre de témoignage sur le destin de tous ceux qui sont restés vivants jusque la mort et dont les noms sont récités quotidiennement à Jérusalem , et à Yom ha Shoa en diaspora . ..

Emmanuel Ringelblum a réalisé un travail d'une richesse infinie pour appréhender ce qui se déroule à Varsovie de 1940 à 1942.
Les notes de l'auteur sont rangées par ordre chronologique et se "contentent" le plus souvent de nommer les faits. L'écriture est très concrète, dénuée de tout sentimentalisme. C'est cette caractéristique qui en fait un ouvrage essentiel sur le plan historique et humain. On y découvre la survie au ghetto, la cruauté quotidienne, les restrictions et l'état d'esprit des habitants au fil des mois.

L'introduction ainsi que les diverses notes qui jalonnent la chronique permettent par ailleurs de cerner la personnalité d'Emmanuel Ringelbum et sa démarche : fondamentale à une bonne compréhension de ce qui suit.

Il y a tant à noter et partager (le trois quart des pages de mon livre est corné) que je ne peux que vous conseiller de le lire tant il offre un regard réaliste et documenté sur cette période (dont nous sommes dépassé par les nombreuses fictions sur le sujet qui prennent le pas sur la réalité).
À lire absolument donc.