Le Congrès de Tours est un ouvrage dédié à l'événement éponyme, paru aux éditions le Temps des Cerises en décembre 2020. L'avertissement nous apprend qu'il s'agit, en réalité, d'une réédition, portée par
Jacques Girault et
Jean-Louis Robert, afin de tenir compte du renouvellement de l'historiographie depuis 30 ans.
Présenté de manière didactique, cette publication, qui m'a été transmise par l'éditeur dans le cadre de l'Opération Masse Critique de Babelio, souhaite poursuivre son objectif initial : « donner à réfléchir en livrant les principaux arguments sans laisser de côté la tension inévitable de tout congrès de rupture » au sein du socialisme français.
Il s'ouvre ainsi sur un « avant-Tours » ; ce chapitre permettant de remettre en contexte la scission entre ce qui deviendra le Parti communiste et le Parti socialiste « SFIO », et de rejeter l'idée selon laquelle ladite scission « se structure sur une seule opposition révolution / réforme et sur une simple confrontation de lignes stratégiques déterminées ou greffées par des ensembles se situant au seul niveau mondial ». Cette mise en contexte constitue un préalable nécessaire pour le lecteur peu avisé, et sans doute aurait-il mérité d'être davantage étoffé tant les références sont nombreuses.
Le second chapitre propose, quant à lui, un déroulé du Congrès, journée par journée (du samedi 25 au mercredi 29 décembre 1920), qui mêle extraits originels et commentaires des deux auteurs. C'est, je dois l'avouer, un format original qui permet de revivre, avec passion, les interventions des grands orateurs de l'époque :
Marcel Sembat, Marcel Cachin, Léon Blum, Charles Rappoport,
Clara Zetkin,
Louis-Oscar Frossard, Jean Longuet,
Paul Vaillant-Couturier, Paul Faure, etc.
Les principaux textes débattus (et notamment les fameuses 21 conditions d'admission à la Troisième Internationale) sont présentés, dans leur intégralité, à la suite de la présentation des deux manifestes des congrès « communiste » et « socialiste » qui se sont tenus, le 30 décembre. Enfin, le livre s'achève sur la restitution des votes et sur une bibliographie complète, détaillant notamment les ouvrages parus après 1980.
A l'heure où la pensée politique se réduit à quelques tweets, il est fort agréable de pouvoir se replonger dans la richesse intellectuelle de ces années 1920. Je dois malheureusement avouer que ma lecture a été quelque peu entravée par mon manque de connaissances sur le contexte et les différents courants de pensée qui ont irrigué l'histoire de la gauche en France. Néanmoins, le point de bascule a été, pour moi, le discours extrêmement structuré, de Léon Blum, page 53, qui réussit à (ré)examiner les forces à l'oeuvre avec un argumentaire d'une apparente simplicité : « un système socialiste se juge avant tout à sa conception révolutionnaire, parce que la conception révolutionnaire est l'essence de toute doctrine socialiste. […] le débat n'est pas entre la conception réformiste et la conception révolutionnaire, mais entre deux conceptions révolutionnaires qui, en effet, sont radicalement et essentiellement différentes l'une de l'autre. […] Révolution, cela signifie, pour le socialisme traditionnel français : transformation d'un régime économique fondé sur la propriété privée en un régime fondé sur la propriété collective ou commune. […] C'est cette transformation qui est par elle-même la révolution, et c'est elle seule, indépendamment de tous les moyens quelconques qui seront appliqués pour arriver à ce résultat. […] C'est que cette rupture de continuité qui est le commencement de la révolution elle-même a, comme condition nécessaire, mais non suffisante, la conquête du pouvoir politique. […] La différence tient, comme je vous l'ai dit, à nos divergences sur l'organisation et sur la conception révolutionnaire [i.e. ni réformiste, ni anarchiste]. [...] Dictature exercée par le parti, oui, mais par un parti organisé comme le nôtre, et non pas comme le vôtre ».
Mes excuses aux auteurs et à l'éditeur pour avoir choisi délibérément cet extrait. Mes remerciements aussi, pour leur travail et plus encore, pour m'avoir donné envie de remettre un peu de profondeur doctrinale et historique aux débats politiques actuels.