Les manuscrits de Nag Hammadi, la suite.
Vous pouvez venir à ce bouquin pour n'importe quelle raison, que vous ayez été envoyé par Jung, par
Pacôme Thiellement (très à la mode en ce moment, dépêchez-vous) ou le Da Vinci Code (« il a fallu le succès du Da Vinci Code pour attirer l'attention du public sur ces textes prétendument sans intérêt, en particulier l'Evangile de
Marie-Madeleine ou le Tonnerre »). Certaines raisons suscitent l'estime plus que d'autres. Vous pouvez aussi venir à ce bouquin par le plus parfait hasard ou pour d'autres raisons mais enfin, cela m'étonnerait.
Plusieurs textes :
- le Tonnerre : discours de révélation tressé en proclamations, exhortations et reproches contre les défauts d'amour, déclinés en affirmations antithétiques pour suggérer délicatement le caractère apophatique de la Sophia.
- Apocryphon de Jacques : un Jacques de plus à rajouter dans votre annuaire téléphonique mental. Celui-ci serait le frère du Seigneur, sans doute veulent-ils dire de Jésus puisque dans certains textes apocryphes, il est entouré d'une floppé de frères et de soeurs, symboliques ou réels, la différence ne se dit pas. L'apocryphon c'est un récit secret. C'est peut-être pour ça qu'on ne comprend pas tout. Sinon il rejette la doctrine de l'expiation et ignore le second avènement du Christ, et la résurrection en général.
- Evangile de la Vérité : la vérité, ça met tout le monde d'accord, sauf ceux qui ont une tendance naturelle au doute. On réfléchit ici à la personne et à l'oeuvre de Jésus le Christ.
- Hypostase des Archontes : traité anonyme qui présente une interprétation ésotérique de la Genèse I-6 sous la forme d'un discours de révélation entre un ange et un interrogateur aussi troufion que n'importe qui d'entre nous. Dans ce texte, la réalité des dirigeants archontiques est proclamée dans toute leur matérialité, niant qu'ils soient simplement des puissances fictives et imaginaires. On est mal barrés.
- Apocryphe de Jean : encore un Jean de plus, c'est comme Pierre Paul et Jacques, on n'arrive plus à les différencier à force, ça poulopait fort dans les rues à cette époque. Mais enfin, paraîtrait que celui-ci fut fils de Zébédée, ce qui nous fait une belle jambe. Bref, Jean aurait reçu une révélation du Christ ressuscité (il n'avait pas dû lire l'Apocryphon de son copain Jacques) qui explique la chute et le salut de l'humanité. Comme il faut bien désigner un coupable, on dira que c'est la faute de Sophia.
La lecture de ces textes nous permettra de prendre conscience que les apocryphes se contredisent souvent les uns les autres. Ce n'est pas parce qu'on est underground qu'on s'entend forcément tous bien à l'heure de l'apéro.
Malgré l'élusivité des textes présentés, ici raturés de mots manquants, là amputés de morceaux décisifs, c'est une agréable manne pour penser autrement le passé de notre civilisation.