(Merci à Babelio Masse Critique et aux Presses Polytechniques Romandes - Collection Savoir Suisse de m'avoir envoyé un exemplaire de ce livre en échange d'une critique).
Johan RochelJohan Rochel est docteur en philosphe et en droit, et chercheur droit et éthique de l'innovation. Il a déjà beaucoup travaillé sur l'éthique, bien que dans un cadre différent : la migration et l'Europe.
C'est un auteur qui sait de quoi il parle lorsqu'il traite le thème de l'éthique de la robotique.
Un guide pour se questionner
Le livre est conçu comme un guide pour inciter les professionnels et particuliers à se questionner. Il explique comment les choses se présentent actuellement dans le domaine de la robotique et de la société qui travaille avec des robots, et comment les robots et les relations avec les humains pourraient évoluer dans un avenir plutôt proche. On ne parle pas de science-fiction ici, mais de la réalité.
Johan Rochel reste modeste. Il dit que tout ce qu'il propose comme définitions n'est valable que dans le cadre de ce livre et devra être adapté dans d'autres contextes. En plus, il explique la situation de la robotique et la société, il y réfléchit parfois mais n'avance pas de solutions, il pose des questions. Ce livre est un guide du questionnement sur l'éthique des robots.
Il faut agir maintenant
Et puisque les robots et l'informatique évolueront il faut questionner ces thèmes maintenant que les robots sont encore relativement simples, qu'il n'y a pas encore de robots qui sont tellement autonomes que leur savoir nous dépasse.
C'est maintenant que les réflexions de base doivent être faites, les grandes questions tranchées, des modes de travail proposés par les scientifiques, adoptés volontairement par les professionnels ou imposés par la politique. Sinon, il y aura des humains qui pourraient souffrir, et qui sait, des robots qui pourraient souffrir aussi (bien que nous en sommes loin).
Aperçu des différents chapitres
Rochel traite plusieurs grands thèmes : quelle est la définition d'un robot ? Il y a / il y aura des robots plus et moins autonomes, et peuvent / doivent-ils avoir des responsabilités (autonomes) ? Ont-ils des obligations ? le design des robots et l'impact de ce design sur la société (et inversement, notre image du robot et l'impact sur le design), le robot et le droit, dans quelle catégorie juridique placer le robot ? Et en justice sociale, comment vivrons-nous avec les robots ? Par exemple, ne serait-il pas sage d'inventer le ‘droit au contact humain' (par exemple dans les maisons de retraite) ? le dernier grand thème porte sur les récits de la société. Ensuite, Rochel propose deux scénarios pour préparer l'avenir, et il termine par une liste de questions qu'on peut se poser, quand on travaille dans la robotique, l'informatique, le commerce, le droit, la justice sociale, la politique, le design, quand on dessine des bandes dessinées ou qu'on écrit de la science-fiction, quand on la lit… tout le monde, tout simplement.
Le style
L'écriture est très abordable pour tout le monde, le style est tout de même celui d'un scientifique : pas difficile, mais sérieux, même s'il y a de nombreux exemples.
Le livre est en petit format, donc petits caractères, mais bien lisibles. Néanmoins, s'il y aura une version e-book les myopes la préfèreront sans doute pour pouvoir adapter la taille des caractères.
Et puis mes réflexions... (personnel)
Un livre excellent qui répondait à ce que j'en attendais. Tout de même quelques remarques, mais le livre reste très bon.
Rochel se base sur l'éthique comme nous la connaissons dans le monde occidental, dans les démocraties. En plus, il part uniquement de la bienveillance. Dans les démocraties, beaucoup de personnes, de commerces, de pratiques politiques ne sont pas éthiques du tout (ou ont leur éthique personnelle). Comment attendre des humains conflictueux qu'ils créent un monde robotique qui soit éthique alors qu'ils ne le sont pas eux-mêmes ?
Cette réflexion devient plus importante encore quand on pense à toutes les dictatures du monde, avec leurs pratiques impitoyables. Pourquoi ne construiraient-elles pas des robots PAS éthiques, exprès ? Et quelle serait notre réponse là-dessus ?
Il est donc encore plus urgent de questionner l'éthique de l'humain avant de pouvoir aborder celle des robots, ou au moins de faire les deux ensemble.
En même temps, la question ‘qui sommes-nous ?' doit être posée, car là se trouve la base de la réponse pour l'éthique. Mais Rochel n'arrive pas plus loin que dire que ‘si le robot a un égo, il est conscient'. Pareil pour l'humain, qui n'est pas beaucoup plus que son égo (par exemple, ‘je travaille donc je suis'). Alors que dans la psychologie, philosophie, les neurosciences, on arrive justement aux conclusions que l'égo, la personne, est une fiction, une croyance. Qui forme la base d'encore plus de croyances. Et plus il y a de "croyances" en une religion, une idéologie, des personnes... plus il y a de la friction, des conflits dans le monde. Chaque conflit mène à encore plus de non-sens et de non-ordre délirants. Ce mécanisme est plus meurtrier que le covid. Et ces humains parlent très sérieusement, et très bien, d'éthique… mais construire une éthique à partir de la croyance en une personne c'est comme balancer sur des sables mouvants. le ‘soi' prive le cerveau de la clarté pour être sobre et pouvoir créer un ordre ou une éthique sans conflit, sans préjudices en soi-même et dans la société.