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« Toutefois, nous devions avoir bientôt la preuve que ces péchés, que mes amis et moi accumulions sur nos têtes, n'avaient rien de personnel, mais n'étaient que de légers symptômes, précurseurs d'un anéantissement déjà en voie de réalisation ».

Superbe préface d'un auteur que j'adore, Dominique Fernandez, intitulée « le beau Danube noir », qui donne une résonnance toute particulière au texte exceptionnel de Roth.

« Au-dessus des verres où nous buvions ensemble, la mort croisait déjà ses mains décharnées » : cette petite phrase revient comme un lancinant et sinistre refrain rythmant la dégénérescence de l'empire. François Ferdinand vit la jeunesse dorée et insouciante des aristocrates viennois, alors que la Grande guerre approche. « Je partageais leur frivolité sceptique, leur mélancolie impertinente, leur laisser-aller coupable, leur air de distraction hautaine, enfin tous les symptômes d'une décadence dont nous ne percevions pas encore la venue ».

Le récit conduit le lecteur de 1914 jusqu'à l'Anschluss, avec une accélération vers l'étape ultime de la désagrégation de la fabuleuse mosaïque culturelle qu'a pu constituer aux temps de ses fastes la double monarchie austro-hongroise. « La quintessence de l'Autriche, on ne la découvre pas au centre de l'empire mais à la périphérie. ». Et la mort de l'empire, c'est le naufrage de Vienne. « Ainsi que mon père le disait souvent, la gaieté de Vienne, en sa diversité, se repaissait nettement de l'amour tragique voué à l'Autriche par les terres de la Couronne. Amour tragique, parce que sans réciprocité ».

C'est la fin, l'engloutissement d'un monde qui est dite là, et Fernandez établit un judicieux parallèle avec le Guépard de Lampedusa, quoique cette oeuvre de Roth, dans son esprit et sa délicatesse, soit bien différente.

Splendeur et misère de l'empire austro-hongrois. Une écriture lumineuse et élégante, des accents de Magris, une mélancolie somptueuse, une sublime élégie. Tout simplement magistral ! Bref, un bijou !
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François Ferdinand Trotta est un enfant gâté de Vienne, tout lui semble offert et acquis, lui qui est né riche dans la puissante capitale d'un immense empire. le colosse cependant se fissure, et déjà le narrateur semble avoir la conscience que ce qu'il connaît est destiné à finir, que sa génération est destinée à être sacrifiée, ceux qui mourront à la guerre mais les autres tout autant. L'intime se mêle ici à l'histoire des empires: finalement, on parle bien peu dans ce roman du vieil Empereur qui incarnait une certaine idée de l'Autriche dans sa personne et de la chute des Habsbourg mais de la façon dont tout un monde, avec ses codes, ses règles, s'éteint avec eux. C'était une Europe différente, cosmopolite, que l'auteur oppose à l'Europe des nations, tellement plus divisée. Ce que le narrateur et les autres ont connu, et jusqu'au plus petit d'entre eux, le pauvre marchand de marron, devient méconnaissable. Leur monde est mort et ne reviendra pas: la Vienne retrouvée en revenant de Sibérie n'est qu'une mauvaise copie où les hommes semblent devenus fous.
On pense irrésistiblement au roman de Giuseppe Tomasi di Lampedusa, le Guépard, pour le thème du déclin, mais le ton est ici bien plus intimiste.

Un excellent roman qui m'a donné envie de relire " La Marche de Radetzky" que je n'ai pas ouvert depuis des années, un crime!
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On retrouve dans ce roman de Joseph Roth toute la mélancolie de l'écrivain devant la disparition du royaume d'Autriche-Hongrie, et on apprécie son style toujours sobre et délicat. En revanche, contrairement à ce que cherchent à montrer la préface ou certains lecteurs, l'oeuvre nous a paru beaucoup moins aboutie que "La Marche de Radetsky" ou "Job, la vie d'un homme simple".
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C'est un véritable roman, achevé, formant un tout en soi mais s'intégrant aussi parfaitement dans le sillage de "La marche de Radetzky". On retrouve ici, à travers l'écriture merveilleuse de Roth (qu'on apprécie à travers une traduction admirable), la famille Trotta vivant ses propres déboires dans le cadre de l'éclatement de l'empire austro-hongrois. le protagoniste, François Ferdinand Trotta, passe, pendant la guerre de 14-18, d'une vie de bourgeois insouciant de Vienne à celle d'un prisonnier dans un camp de Sibérie. le roman n'est pas tant sur cet épisode à peine abordé que sur la différence entre la Vienne d'avant et celle d'après la guerre. La crypte des capucins, qui donne son titre au roman n'est évoquée qu'incidemment dans le roman. Lieu de sépulture de la dynastie des Habsbourg, c'est le dernier vestige et le symbole de l'ancien empire grandiose et multiculturel qui, en s'effondrant, laisse place à la montée de l'orde nouveau. Dans ce roman transparaissent clairement en filigrane les idées de l'auteur, sa nostalgie d'une époque révolue et son pessimisme quant à l'avenir.
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Au début du roman, François Ferdinand Trotta semble innocent, trop gâté et surtout inconscient de ce qui l'attend. Il nage parmi les aristocrates viennois, eux qui semblent si insensibles au temps et qui se moquent des sentiments et de l'amour. Il reste pourtant attaché à sa famille et aux personnes authentiques. Il entretient une relation particulière avec sa mère, emplie de silence, de respect. Mais la guerre va arriver. Et par là-même il va prendre conscience de ses sentiments, de l'amour et de la peur de la mort.

Ce n'est pas un roman de guerre, on nous évite vraiment tout le coté brutal et cru des champs de batailles. Mais c'est tout aussi parlant : à travers les liens familiaux et amicaux on ressent tout le désespoir d'un peuple, les espoirs déçus.

On est plongés dans un peuple avant la guerre, puis après : les façons de se comporter, de parler changent du tout au tout. Un vent de modernité souffle sur certaines catégories de la population : les femmes essaient de se démarquer de la société à travers l'art, par exemple.

J'ai trouvé ce roman très beau et on peut vraiment le comparer à un tableau: des petits détails par ci par là nous sont distillés sur une époque et un lieu, le tout sur un ton travaillé, parfois doux.

J'ai adoré la relation qu'a le personnage principal avec sa mère, et surtout la fin est très jolie même si très triste.
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« … tout cela, c'était « mon pays », quelque chose de plus fort qu'une patrie pure et simple, quelque chose de vaste et de divers, mais néanmoins de familier : mon pays ». Ainsi s'exprime François-Ferdinand Trotta dans La crypte des capucins. Ecrit par Joseph Roth en 1938, dans son exil parisien, et un an avant sa mort, ce livre donne la parole au narrateur, qui nous raconte ce que fut sa vie de 1914 à 1938, dans les décombres de l'Autriche-Hongrie.

Journaliste et écrivain autrichien, né en Galicie dans une famille juive allemande, Joseph Roth fait partie des auteurs majeurs de langue allemande, et c'est donc avec plaisir que je l'inclus pour la première fois dans notre série Les feuilles allemandes. Ses premières sympathies vont d'abord aux idées sociales, mais après la chute de l'Autriche-Hongrie, on assiste à une sorte d'idéalisation de l'Empire déchu dans ses oeuvres. Dans « La marche de Radetzki », une branche de la famille Trotta est anoblie après que l'un de ses membres eut sauvé l'empereur François-Joseph de la mort à Solferino. Même si ce roman décrit le déclin de cette famille et surtout celui de l'Empire, il débute néanmoins par un fait d'armes valeureux, et son titre évoque la marche triomphante écrite par Johann Strauss père pour célébrer la victoire du maréchal éponyme contre les Piémontais en 1848 (pour le plaisir, je vous invite à écouter ce morceau joué lors du traditionnel Concert du Nouvel, sous la baguette de Georges Prêtre, en 2010).

Dans « La crypte des capucins » (dont le seul titre évoque le lieu où reposent les défunts de la famille Habsbourg), la tonalité est d'emblée tout autre. François-Ferdinand Trotta est un parent de la branche Trotta anoblie (son grand-père était le frère du « héros de Solferino »). Il est certes encore un jeune homme plein d'allant, quand il débute son récit en 1914, à la veille de la mobilisation, dans l'insouciance qui était la sienne à l'époque.

Bourgeois, ouvert d'esprit, il est aussi à l'aise avec ses camarades qu'avec les gens du peuple, à l'image de ce cousin, Joseph Branco Trotta, paysan qui parcourt les terres de la Monarchie pour vendre ses marrons. Il épouse rapidement Elizabeth, puis part à la guerre, dont il reviendra sain et sauf. « le monde d'hier » est désormais bien révolu. La famille Trotta, après avoir fait des placements dans des emprunts de guerre, est quasiment ruinée ; leur maison devient même une pension. Il en est de même pour les compagnons de Trotta.

La nostalgie de l'Autriche-Hongrie est palpable, non seulement pour ces classes privilégiées, mais aussi pour le petit peuple. La pauvreté généralisée, l'instabilité, la nécessité d'avoir un passeport pour se rendre dans les anciennes régions de l'Empire, tout cela est bien présent. Il nous montre aussi à quel point les « régions périphériques » de l'Empire irriguaient Vienne et l'Autriche ; lorsque, à la fin du livre, François-Ferdinand apprend le renversement du gouvernement (1938), son réflexe sera d'aller se recueillir devant le cercueil de l'Empereur François-Joseph. J'ai été charmé par l'écriture de Joseph Roth qui sait si bien nous restituer les pensées de Trotta.
En résumé, une très bonne lecture que je vous conseille !

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Tout comme pour La marche, le titre de cet ouvrage est symbolique puisqu'il s'agit d'un caveau à Vienne où sont inhumés les Habsbourg.
C'est toujours le récit de la fin, de la chute d'un monde qui avait bien des défauts, mais qui était malgré tout chéri.
Si La marche est teinté d'une certaine ironie, La crypte des capucins est davantage vu comme un texte sombre et sans espoir. En effet, Roth, qui s'est exilé à Paris lors de la montée du nazisme en 1933 (et jusqu'à sa mort en -39) a passé un dernier séjour dans sa Vienne adorée, en 1938, soit la même année que la publication de ce livre, la même année que l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne à laquelle l'auteur a assisté avant de revenir en France.

Si c'est un roman plus sombre, c'est bel et bien parce qu'il a été écrit à une période plus sombre. L'auteur parlait d'un monde révolu, celui de l'Empire Austro-Hongrois, désormais, le monde est mort, sans possibilité de régénération.

Notre héros est bien loin des Trotta, il se prénomme François-Ferdinand Trotta est vit la grande vie à Vienne. Il ne sait pas grand chose, ne fait pas grand chose non plus, si ce n'est vivre de manière légère comme seul un bourgeois sans souci peut le faire.
Et puis fatalement, c'est la chute. Après s'être engagé dans la Première Guerre mondiale, il reviendra sans honneur, sans rien en fait. le monde a changé, il lui va falloir changer également.

François-Ferdinand est incapable, il est paralysé par une vie trop douce, si bien que quand la dure réalité le rattrape, il ne peut rien faire, il est impuissant et on comprend à quel point cet homme est la représentation de l'Empire perdu. Antihéros sans ambition, il est à l'image de ce monde dans lequel il a toujours évolué, mais dont il n'a pas compris la chute. Les illusions se bousculent et explosent.

Pourtant, il y a la base d'un beau message de tolérance dans ce roman, celle d'une amitié entre trois hommes que tout opposent, ils sont de religions et classes sociales différentes, la seule chose qu'ils ont en commun : l'Empire.
Le message de l'auteur, c'est aussi que l'Empire, ce n'était pas seulement Vienne et Budapest (capitale de l'empire d'Autriche, du royaume d'Hongrie), l'Empire, c'était aussi tous ces lieux reculés, c'était la Galicie par exemple (lieu de naissance de l'auteur) tout autant que la Moravie ou la Bohême.



Mon avis en intégralité :
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Sans s'attarder sur la description d'un paradis perdu, Joseph Roth rédige le roman pudique de la chute, de la dislocation, au-delà de l'empire habsbourgeois, du mode de vie raffiné de l'élite viennoise d'avant-guerre.

Il ressort de ces lignes que l'Empire n'était certes pas parfait, mais y régnait un sentiment d'unité, souligné par l'uniformité de certains bâtiments (dans le roman, les gares, les cafés). Ainsi l'anniversaire de l'empereur célébré dans les zones les plus reculées... Et soudain, tout disparaît : il faut un passeport et une dizaine de visas pour circuler. Choc phénoménal.

J'ajouterai que la préface et la traduction contemporaines (1940 pour un ouvrage paru en 1938) par Blanche Gidon, proche de l'auteur, ajoutent un supplément d'âme à ce classique.
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Postérieur à La Marche de Radetsky, le roman-testament de Joseph Roth décrit de manière incandescente le crépuscule autrichien. Après la chute de l'Empire, Vienne toute entière se désagrège. Pour Franz Ferdinand Trotta, la vie sans ce père qu'était l'Empereur n'a plus ni sens ni intérêt. La crise s'infiltre dans la vie quotidienne. Les idéaux se dissolvent dans la guerre civile, jusqu'à l'annexion par l'Allemagne nazie. Dans sa langue fine, acerbe et noire, Roth ausculte le désespoir d'un pays mort.
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