AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Karine Laléchère (Traducteur)
EAN : 9782746759831
336 pages
Autrement (25/08/2021)
3.59/5   28 notes
Résumé :
Bibike, Ariyike, et leurs frères Peter et Andrew tombent dans la pauvreté du jour au lendemain. Pour ces quatre enfants de la classe moyenne aisée nigériane, ce qui hier semblait acquis devient l’enjeu d’une lutte constante. Abandonnés par leurs parents, ils se réfugient chez leur grand-mère et survivent comme ils le peuvent à Lagos, ville âpre et convulsive. Si la vie est difficile pour tous, elle est particulièrement cruelle pour le... >Voir plus
Que lire après Black sundayVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (16) Voir plus Ajouter une critique
3,59

sur 28 notes
5
2 avis
4
9 avis
3
4 avis
2
0 avis
1
0 avis
Rentrée littéraire 2021 # 7

Avec une intimité étonnante et une douloureuse sagesse, Tola Rotimi Abraham dresse le tranchant portrait combiné d'une fratrie, d'une ville et d'une culture, toutes semblant inexorablement au bord de l'autodestruction.

Les jumelles Bibike et Ariyike, leurs petits frères Andrew et Peter sont forcés de se frayer un destin dans la chaotique Lagos, hantés par les fantômes de leurs parents qui les ont abandonnés. le récit alterne ces quatre voix en épisodes dispersés, de 1996 à 2015, sans rechercher un linéaire lisible. Les ellipses sont très réussies car elles laissent toute la place aux lecteurs pour reconstruire les trouées temporelles. Les années invisibles semblent avoir une présence, tant pis si des éclaircissements nets peuvent manquer pour suivre les évolutions des personnages. Chaque chapitre est comme l'instantané d'un journal intime, soulignant l'inconsistance du destin et combien la tragédie court, toujours.

C'est la voix des filles qui portent le plus. Et ce qu'elles disent est terrible sur la condition féminine au Nigeria et sans doute plus largement en Afrique subsaharienne. Des proies, soumises à une hypersexualisation permanente et précoce, à des agressions sexuelles quasi inévitables. Toutes destinées à être possédées, les plus belles auront le choix du propriétaire. le recours à la gémellité prend ici tout son sens car, en découplant Bibike et Ariyike, qui ont pourtant les mêmes aspirations à la sécurité, il permet à l'auteure de proposer deux chemins différents. Chacune trouvera sa propre résilience, sa propre résistance pour accéder à l'indépendance. Leurs frères d'ailleurs sont tout aussi victimes du patriarcat car la virilité toxique est sublimée par les institutions ( école, mariage, église ) et ils devront trouver eux aussi à en contourner les pièges.

Au-delà des personnages, c'est toute la société nigériane et le fonctionnement du pays qui est dans le viseur de l'auteure. La critique de la corruption généralisée et de la fatuité des élites est acerbe, la dénonciation de la l'hypocrisie de la religion ( quelle qu'elle soit, ici essentiellement le christinianisme pentecôtiste ) tout aussi violente, se déployant dans des scènes à la crudité saisissante. Sans fard, d'autant plus que la plume de Tola Rotimi Abraham, à la fois puissante et singulière avec ces touches d'oralité yoruba, se prête parfaitement à la tragédie, avec une touche d'humour froid très pertinente.

J'ai refermé glacée ce détonnant premier roman, à défaut d'être totalement touchée par le sort des personnages.
Commenter  J’apprécie          958
Genèse d'une famille nigériane des années 90 à nos jours, ce roman quadriphonique est surtout un prétexte pour dénoncer les corruptions qui sévissent à Lagos. Lorsque du jour au lendemain, les parents des jumelles Bibike et Ariyike et de leurs jeunes frères Peter et Andrew perdent leur travail à cause d'un remaniement gouvernemental puis leur argent après un investissement au nom de leur nouvelle Eglise, la famille tombe dans la pauvreté. Les parents quittent l'un après l'autre le navire, laissant aux deux adolescentes le soin de payer le collège privé à leurs deux frères. Mais à Lagos, être une femme signifie être l'objet passif des désirs des mâles si elles veulent pouvoir travailler, monter les échelons, au risque de tout perdre du jour au lendemain si elles ne les satisfont plus. C'est en tout cas ainsi que l'auteure présente la situation du pays où elle a grandi. Hypocrisie d'une Eglise omnipotente dont les révérends ne sont pas en reste lorsqu'il s'agit de parties de jambes en l'air, que ce soit avec leurs épouses dévouées ou leurs ouailles innocentes (ou non), alors que toute relation avant et hors mariage est officiellement sévèrement réprimandé.
Les quatre voix alternées des frères et soeurs au fil des années qui passent nous donnent un aperçu élargi de la situation du pays et des différentes orientations possibles pour les jeunes d'aujourd'hui. C'est un roman où sourd une certaine cruauté car il faut se battre pour y arriver, parfois au détriment des autres. J'ai avalé le roman et j'aurais pu le continuer encore, un peu déçue de la manière dont il se termine.
Merci à Masse Critique, comme toujours!
Commenter  J’apprécie          170
Bibike, Ariyike, Peter et Andrew ont une vie tranquille, leur mère ayant un poste confortable dans un ministère, leur père vivotant davantage, mais gagnant tout de même assez d'argent pour assurer à la famille un train de vie tout à fait acceptable dans le Nigeria des années 1990. Mais, en 1996, année où débute le roman, une purge gouvernementale, dont la mère fait partie, passe par là, et la famille plonge brutalement dans la misère la plus totale, le père ayant en effet dilapidé le peu qu'il restait dans un investissement fantôme pour la Nouvelle Eglise évangélique, à laquelle tous, parents comme enfants, s'étaient raccrochés après leur première déconvenue financière. C'est alors que la mère disparaît, suivie par le père, qui laisse la fratrie chez sa mère à Lagos avant de l'abandonner à son sort. Les jumelles sont alors adolescentes, les garçons encore des enfants : ils vont tous les quatre apprendre à grandir, tant bien que mal, dans ce nouveau Nigeria, plus cruel, surtout pour les femmes, et nous les suivrons, l'un après l'autre à plusieurs reprises, au fil des ans, via des écarts temporels abyssaux – l'on passe en effet de 1996 à 2005 dans une logique davantage narrative que chronologique -.

Heureusement que la temporalité morcelée et anarchique choisie par Tola Rotimi Abraham est présente, car j'aurais sinon encore pesté contre un énième roman choral manquant d'originalité et de mordant : en effet, l'alternance des points de vue de la fratrie est quant à elle scolairement menée de chapitre en chapitre, ce qui n'apporte que peu au récit, au contraire de la fragmentation temporelle qui donne plus de corps, principalement aux personnages. de sauts de puce en sauts de puce, nous assistons à des passages clé de la vie de chacun, à des moments d'apprentissage souvent douloureux d'ailleurs, voire très violents ; et nous découvrons, dans le même temps, certains travers de la société dans laquelle chacun évolue, travers décrits avec précision et émotion, parfois avec ironie, laissant poindre subtilement la voix de la romancière.

Black Sunday est certes un roman que j'ai apprécié découvrir quant aux thèmes qu'il aborde, et quant à la description sans filtre qu'il nous propose du Nigeria, – corruption politique, mainmise religieuse, inégalités sociales… -, dans lequel les femmes, plus particulièrement, doivent faire preuve d'une sacrée force pour survivre aux outrages qui leur sont faits. Mais je n'en garderai pas un souvenir impérissable, gênée encore une fois par une construction trop académique, courue d'avance, qui limite vraiment les potentialités narratives et stylistiques de certains jeunes romanciers.
Lien : https://lartetletreblog.com/..
Commenter  J’apprécie          160
Du jour au lendemain, les jumelles Bibike et Ariyike et leurs frères Peter et Andrew tombent dans la pauvreté. Abandonnés par leurs parents, ils se réfugient chez leur grand-mère à Lagos. C'est là que les jumelles découvrent la difficulté de survivre dans une société gangrenée par la corruption et les violences envers les femmes.

Mon avis :

Ce livre est une pépite. Il est fortement féministe. Les deux héroïnes sont attachantes car responsables et courageuses. Elles assument pleinement le rôle traditionnel que la communauté nigérienne leur attribue : s'occuper des garçons de la fratrie, accepter que les hommes aient le pouvoir, plier l'échine sous le poids de la religion créé par et pour les hommes, survivre seule dans la pauvreté, écarter les cuisses en silence face à la force brute... tout en construisant avec finesse et subtilité les changements. Contraintes, elles acceptent leurs devoirs et obtiennent chèrement leurs droits : exister en tant qu'individu, être indépendantes et libres, avoir accès à l'éducation. Elles ont conscience que le chemin est actuellement quasiment impraticable. Elles savent qu'aucune aide extérieure n'est à envisager. Elles avancent, vaillamment, seules.

Cette non existence d'une sororité (même entre les jumelles) m'a fait penser au magnifique roman de Djaïli Amadou AmalLes Impatientes ”. Là aussi l'auteure déplorait l'absence de solidarité organisée entre femmes. Mais si, au Cameroun, les femmes apprennent la patience face aux épreuves ou se suicident pour échapper à leur destinée, au Niger, elles combattent, armée de leur intelligence, la cupidité, la violence et la sottise des hommes. Ariyike se vengera. Bibike gagnera son indépendance financière. Leur mère s'échappera aux USA.
Mais les femmes du Lagos ne sont jamais sereines car elles gardent profondément en mémoire l'idée transmises sous forme de contes par les grands-mères : le tricheur gagne à la fin.

La construction en chapitre chronologique de Tola Rotimi Abraham m'a transformé en lectrice captive. le récit court de 1996 à 2015 et donne la parole successivement à chacun des enfants de la fratrie. le regard de chacun est unique et complète l'histoire de la famille.
Dès le premier chapitre, je m'attache à Bibike. Une enfant merveilleuse. Elle m'entraîne dans un univers où les adultes se disputent, perdent leur travail et oublient leur progéniture.
Le second chapitre me donne l'opportunité de connaître la soeur jumelle de Bibike : Ariyike qui me fait découvrir les plats du Lagos, des chansons profanes et le business pas très catholique de la Nouvelle Eglise
Le troisième et le quatrième chapitre donnent successivement la parole à Andrew et Peter, les deux petits frères que les jumelles protègent et élèvent. La vision des garçons enrichit le témoignage des soeurs. Si la vie est difficile pour chacun, elle est cruelle pour les filles. Pour offrir un toit et nourrir leurs petits frères, les deux soeurs ainés vont travailler et subir l'exploitation des hommes.
Les chapitres se succèdent ainsi, donnant tour à tour la parole à chaque protagoniste de l'histoire. Ce choix narratif est parfait pour montrer la diversité et la richesse des univers intérieurs des êtres humains.

J'aime l'immersion progressive et totale dans l'univers intérieur de ces 4 enfants.
Je me régale des contes et histoires drôles qui transmettent de génération en génération la sagesse des Nigériens. Mais la vie romancée de ses deux jeunes jumelles souligne que la situation des enfants au Niger reste dramatique en terme de survie, de soin, d'éducation, de violence et d'abus. Depuis 1995, l'accroissement du nombre d'enfants mendiants, travaillants ou vivants dans la rue est constant. Ce roman permet d'entendre le chant des enfants qui survivent au Niger. Tola Rotimi Abraham crie aux lecteurs de ne pas les oublier.
Ce premier roman est une magistrale réussite.

Commenter  J’apprécie          41
Je rentre d'un voyage livresque à Lagos au Nigeria, avec des frissons, la chair de poule en fait. J'y ai côtoyé le chagrin des enfants abandonnés, la pauvreté, la peur, les abus sexuels, l'égoïsme, la manipulation des hommes d'Eglise, la corruption, les châtiments corporels des élèves. Mais aussi les légendes Yoruba. Et j'ai beaucoup appris sur un pays dont j'ignorais tout.
C'est toujours utile d'ouvrir un livre, et parfois primordial d'ouvrir les yeux sur la misère de ceux dont le destin n'intéresse à priori pas grand-monde ici.
L'autrice soulève une vraie question : les tricheurs gagnent-ils toujours à la fin ?

C'est l'histoire de quatre enfants (des jumelles et leurs deux petits frères) issus de la classe moyenne nigériane, pour qui la vie plutôt agréable va se transformer en un éclair en une survie, une lutte de chaque instant suite au départ-abandon de leurs parents. « Si la tristesse te retourne la tête quand tu es vieux, que peut-elle faire à un petit garçon ? »

Dans cette histoire hallucinante pour nous occidentaux mais somme toute assez banale au Nigeria, Tola Rotimi Abraham a choisi de donner à tour de rôle la parole à chacun des enfants. Ils donneront leur point de vue sur leurs expériences, leur ressenti, leur tentative de reconstruction entre 1996 et 2015.
« Notre cerveau était resté bloqué en mode survie, et cela nous poursuivrait toute notre vie ».

Comment une cellule familiale stable peut-elle exploser aussi facilement ? L'autrice nous livre froidement la réponse : une mère qui perd son emploi auprès du ministre suite au limogeage de celui-ci, un père beau-parleur sans le sou qui échoue dans toutes ses entreprises. Elle ajoute à ça un cruel égoïsme parental apparent –expliqué par de nombreuses blessures mais non pardonnable – et une lettre d'adieu déposée un matin sur la table du salon… et le tour est joué ! Les enfants se retrouvent sans rien, propulsés chez une grand-mère pauvre : la route toute tracée vers une vie agréable vient de laisser place à un chemin caillouteux, dangereux, plein de brigands…

Devant la pauvreté financière et affective qui les submerge, mieux vaut encore être né garçon. Andrew et Peter vont souffrir de maltraitance scolaire, d'humiliations et de coups, de colère, de manque d'affection.
« L'odeur du chagrin me collait à la peau ».
Mais pour leurs grandes soeurs Bibike et Ariyike, les choses prennent un tour encore plus affreux. Fini l'école ! Au boulot ! (petit boulot bien sûr). Elles n'auront de cesse que de gagner leur indépendance financière, chacune à sa manière, afin de nourrir la famille et de permettre des études aux garçons.

Mais la gente masculine rôde comme une bête féroce autour de tout ce qui ressemble à une fille. le sexe est imposé, partout, dans TOUS les milieux, tout le temps. Une seule façon pour elles de s'en sortir, le monnayer plutôt que de le subir gratuitement.
« Toutes les femmes sont la propriété d'un homme, certaines de plusieurs……..J'avais attendu trop longtemps pour choisir mon propriétaire, j'avais tergiversé par ignorance, alors j'avais été choisie » (Bibike)
« Je ne peux pas oublier ce sentiment, l'impression d'être un vieux chiffon sale qu'on peut utiliser et jeter « (Ariyike)

Beaucoup se tournent vers l'Eglise néo-pentecôtiste, le christianisme « born again », les prétendus sauveurs, les révérends hautement charismatiques, prêcheurs éloquents qui se révèlent vite des manipulateurs, pervers, hypocrites, certains même de beaux escrocs. le sens de l'entreprise est souvent plus présent que l'Esprit Saint …
Pourquoi alors ? Mais parce qu'elle promet la prospérité, la réussite, le bien-être matériel et spirituel… et plus si affinités !

L'autrice a choisi de mettre l'Eglise au coeur de son roman. Au coeur de la détresse, de la dépendance, de la maltraitance.
Un beau premier roman avec son intrigue, écrit dans un style direct, telle la dureté qui ne fait pas mille palabres et ne s'encombre pas de sentiments.
Je soulève une dernière question : à quand le permis de mettre des enfants au monde ?

« L'égoïsme est normal, il est humain. »

Commenter  J’apprécie          20

Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Si la beauté était un don, il ne me servait à rien. Je ne pouvais pas manger ma beauté, je ne pouvais pas améliorer mon existence grâce à elle seule.
Commenter  J’apprécie          40
Nous sommes ici
Nous sommes encore ici
L'aigle est le roi des oiseaux
Le lion est le roi des animaux de la forêt,
Nous les dépassons et de loin
Nous chantons, et nous dansons aussi.
Commenter  J’apprécie          00
Qu'elle est la valeur d'une chose, si ce n'est ce que l'on paye pour elle?
Commenter  J’apprécie          00

Video de Tola Rotimi Abraham (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Tola Rotimi Abraham
Cette semaine, la librairie Point Virgule est allée dénicher trois nouvelles plumes qui se sont faites remarquer lors de la rentrée littéraire.
- Black Sunday, Tola Rotimi Abraham, éditions Autrement, 21,90€ - Soleil Amer, Lilia Hassaine, Gallimard, 16,90€ - Blizzard, Marie Vingtras, éditions de l'Olivier, 17€
autres livres classés : littérature nigérianeVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus

Lecteurs (87) Voir plus




{* *} .._..