Vous me direz : "elle n'a vraiment peur de rien."..après tant de commentaires sur cet ouvrage... Et vous aurez bien raison !!
Pourquoi une einième chronique, alors qu'au contraire , je tente habituellement de chroniquer des livres qui sont passés au travers des médias ou de trop abondantes critiques... Mais là, j'ai envie de parler de ce roman , car il nous questionne tous, de façon très dérangeante , sur notre sens de charité et de l'aide à autrui !!!
Je n'ai pas pris connaissance des autres critiques avant de rédiger mes propres impressions..; mais je persiste toutefois, car les thèmes engrangés m'interpellent beaucoup trop , pour que j'en reste là, après ma lecture !
Un roman sur les limites de l'action humanitaire, même si les protagonistes décrits, sont engagés volontaires et motivés...Ils portent en eux leurs propres blessures, leurs ambivalences...ainsi que des motivations plus ou moins convaincantes !!
" Mais qui sont-ils, au juste, ces réfugiés ?
Maud se rendait compte qu'elle s'était contentée jusque-là de notions assez vagues. Elle n'était pas la seule.
Dès son entrée dans l'association, elle avait été frappée par le côté abstrait de l'humanitaire. On discutait géopolitique, situation des forces sur le terrain, enjeux stratégiques mais, finalement, les gens qu'il s'agissait d'aider restaient assez virtuels. Ceux qu'on appelait les "victimes" ou, en parlant de l'aide, les "bénéficiaires" étaient des êtres irréels sur lesquels nul ne semblait désireux de mettre un visage. Et le pire, c'était que, jusque là, cela lui convenait assez bien. Elle avait besoin d'aider et elle était satisfaite de savoir qu'il existait quelque part des personnes qui avaient besoin de secours. Mais ce sentiment renvoyait plutôt à elle-même qu'à eux. "(p. 55)
4 hommes, une femme, Maud (21 ans) se trouvent réunis pour une mission humanitaire, en Bosnie. Chacun arrive avec son passé, ses failles, ses engagements mais aussi ses désirs de fuite , pas avoués... Cinq personnalités affirmées. Dès le départ de la mission, les tensions sont des plus tangibles...
Un roman dérangeant, qui montre à quel point "l'enfer est pavé de bonnes intentions !!.... "
Comme l'annonce fort justement le 4éme de couverture, il s'agit un vrai "thriller psychologique" !!
Une fiction qui dit le meilleur et le pire des hommes et de l'action dite "humanitaire"... rien n'est tout blanc ou tout noir... et l'altruisme, le souci d'autrui peut être à la fois, source de générosité, d'empathie réelle, ou de fuites, camouflages de motivations plus ambiguëes, personnelles !
Les humanitaires ne sont pas des "Saints", ils trimballent comme chacun de nous, leurs "casseroles", mais nous avons trop fréquemment le réflexe élémentaire de les imaginer comme des "sur-hommes"...Ce roman a le mérite, en dehors du suspens intense , de faire des mises au point et de bousculer tout manichéisme , dans ce domaine délicat de "L'humanitaire" et de toute action caritative !!
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Avec Check-point, Jean-Christophe Rufin nous emmène en Bosnie, au coeur du chaos et du morcellement d'un pays soumis à une guerre civile où dominent les changements imprévisibles et permanents.
1995, dans un convoi composé de deux camions, quatre hommes et une femme partent en mission humanitaire pour porter des vivres, des médicaments et des vêtements aux civils, victimes de la guerre. Alors que le convoi progresse lentement sur les routes de Bosnie, les personnages se découvrent et on apprend assez vite que le chargement des camions n'est pas exactement celui prévu au départ. La mission devient beaucoup plus dangereuse et l'incertitude et le doute s'installent, générant une angoisse à chaque point de contrôle qui sépare les régions ; la frontière et le danger sont partout car chacun devient le gardien de son propre territoire. L'histoire se déroule comme un huis-clos, avec une tension de plus en plus présente, chacun se méfiant des autres.
Jean-Christophe Rufin, pionnier du mouvement humanitaire, connaît bien son sujet et, grâce à son talent de conteur, le lecteur est vite captivé. Les motivations de ceux qui partent risquer leur vie dans des missions humanitaires sont quelquefois passionnelles et ambiguës, les démarches les plus altruistes peuvent cacher des motivations très diverses et malheureusement déboucher finalement sur un sentiment d'illusion, d'impuissance et de frustration.
La réflexion que pose Jean-Christophe Rufin sur l'humanitaire aujourd'hui est hélas toujours d'actualité et les questions soulevées par le roman valent de nos jours dans plusieurs pays (Syrie, Libye, Mali…). Les héros de ce livre vivent en quelque sorte une répétition générale des dilemmes actuels ; de quoi les réfugiés ont-ils vraiment besoin ? L'espoir peut-il encore exister ? Quelles sont les marges de manoeuvre dont disposent les ONG ? L'aide doit-elle se limiter à la nourriture, aux vêtements et aux médicaments ? Jean-Christophe Rufin nous donne sa réponse : ne jamais abandonner et continuer la lutte contre l'injustice envers des populations sans défenses et prises au piège de la guerre.
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Cinq personnages (quatre hommes et une femme), deux camions remplis de vêtements, un paysage vaste et blanc, hostile, un pays en plein conflit. Jean-Christophe Rufin nous invite à le suivre sur les routes en direction de la Bosnie. Les personnages sont troubles. Ils sont employés par une ONG, tous au service de cette grande cause qu’est l’humanitaire. Pourtant, derrière cette unité de façade, ils affichent des profils extrêmement différents, et les véritables buts des uns et des autres ne vont pas tarder à se dévoiler. Le pays n’est pas en reste. Les frontières semblent aussi mouvantes que les règles.
Je suis une nouvelle fois totalement convaincue par le talent de l’auteur. Dans ce dernier opus, Rufin instille une atmosphère tendue qui va crescendo et pose la question du rôle de l’humanitaire : aider les populations à survivre, est-ce aussi les aider à combattre ?
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L'univers des ONG est rarement exploré dans la littérature romanesque. Il l'est dans cet ouvrage de Jean-Christophe Ruffin. Certes pas forcément à son avantage. Mais après tout, ce n'est pas parce qu'elles oeuvrent dans l'humanitaire qu'elles devraient être exemptes de défauts. Elles aussi sont des entreprises humaines. Elles n'échappent donc pas aux rivalités de toutes sortes. C'est aussi ce qui donne sa crédibilité à pareil ouvrage.
Intervenant dans les zones de conflits, les ONG peuvent être malgré elles un canal d'infiltration pour des individus profitant de la couverture humanitaire et ainsi mener à bien des agissements partisans. Maud et Lionel, deux membres d'une ONG lyonnaise vont faire les frais de ces intentions divergentes. Les coéquipiers qui embarquent avec eux dans le convoi de ravitaillement affrété pour secourir des familles musulmanes encerclées dans la poche de Kakanj, au centre de la Bosnie alors en plein chaos, ne sont pas tous motivés que par des intentions humanitaires.
Les guerres civiles donnent champ libre à tout ce que la terre comporte de malfaisants pour commettre leurs crimes en toute impunité. Elles leur donnent l'occasion de s'approprier des biens et des territoires qu'ils contrôleront en installant ce genre de postes frontières, aussi mobiles qu'éphémères, que le langage moderne a retenu sous l'anglicisme de check-points.
Durant le conflit bosniaque des années 90, l'imbrication des zones ainsi contrôlées par les trois belligérants résultait de la même imbrication des communautés qui vivaient autrefois en harmonie. Avant que la haine ne se prenne à gouverner les esprits. Les frontières étaient alors devenues aussi mouvantes que fluctuants les rapports de force. Un parcours au travers de l'ex Yougoslavie était ainsi jalonné de franchissements de Check-points, le plus souvent improvisés par des milices de défense auto proclamées. Elles menaient alors leur entreprise scélérate sous couvert de motivation politique.
Jean-Chritophe Ruffin a donc choisi ce contexte pour mettre en scène son roman. L'intrigue conserve sa vraisemblance tout au long de ce road movie en presque huis clos, d'un check-point à un autre. La présence d'une femme dans l'aventure la supplémente avec avantage d'une affaire de coeur. Même si l'entreprise a une vocation humanitaire, le lecteur est préservé de la grandiloquence de bons sentiments sur vitaminés. Il est tenu en haleine jusqu'au tableau final où tout peut arriver.
En nous immergeant dans les péripéties de l'action humanitaire ce roman nous désigne ses acteurs comme de véritables aventuriers. Voilà un très bon ouvrage qui nous rappelle au passage à la précarité des situations de paix. Jean-Christophe Ruffin le souligne avec grande lucidité dans sa postface : "Il y a dans ce passé déjà lointain un peu de notre présent et, je le crains, beaucoup de notre futur". Restons vigilants.
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