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EAN : 9782493322333
100 pages
L'Ire de l'Ours Editions (26/10/2022)
5/5   1 notes
Résumé :
En mars 2022, dans une maison d’arrêt des Comores, douze hommes ont écrit des poèmes et fait de la musique. Ils ont créé et défendu un spectacle au pied des grilles de la prison. Puis, ils se sont promis de continuer à porter leurs textes et leurs voix partout, tout le temps. Etienne et Samy les ont ramenés en Auvergne. Les voici.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Titre provocateur. Comment pouvons-nous avoir des grilles dans nos vies. Nous sommes libres comme des oiseaux, y compris pour mourir en hiver de froid, ou du COVD. Mais écoutez un peu la voix qui danse derrière cette conviction et qui te dit, « Idiot que tu es, les grilles sont partout. Les grilles du jardin du Luxembourg et du Sénat, les grilles du jardin des Tuileries, les grilles des campus de Vincennes Saint Denis ou de Paris Dauphine. Partout je vous dis. »

Mais ce sont des grilles protectrices, que diable !

« Ah ! Vraiment ! Mais que dire des grilles dans nos vies qui déterminent de quel côté d'une limite nous sommes ? Limite raciale, limite mentale, limite d'éducation, limite sexuelle ou limite d'âge. N'est pas femme qui veut, ni homme d'ailleurs. N'est pas jeune qui voudrait bien encore l'être, ni vieux d'ailleurs pour les gens pressés dans la vie. »

Alors je décolore mes nuits blanches, s'agit de mon être,
L'histoire d'un homme concret forme celles de tous les hommes honnêtes
À combien de nos rêves avons-nous tourné le dos ?
L'avenir est une note de musique, un do.
Rêver, c'est beau. (page 50 selon mon décompte)

Mais découvrir la vie de ceux que les grilles rendent invisibles ? D'abord accepter de les voir, de les entendre, de les traduire en simple langage humain, certains diront poétique. Laissons à nos mot la liberté de divaguer, de crapahuter, d'errer à la recherche et à la rencontre de l'autre, des autres. le pluriel n'est pas innocent. Avec un seul autre et en isolement la rencontre peut-être profonde et pleine d'inspiration. Jusqu'où oserons-nous lui et moi aller. On assume comme le fait l'auteur que l'autre est un mâle. Jusqu'à probablement ne jamais aller plus loin que l'insignifiant, bien que troublant et sans avenir, comme Moffie enfermé en 1981 dans l'armée blanche de défense de l'apartheid. Mais dès qu'il y a des témoins, on s'enferme dans des grilles plus épaisses encore que les grilles des prisons de haute sécurité, et tout se renferme dans les nuits blanches et qui ne son bien sûr pas de couleur, sinon à la marge. La marge du souvenir, la marge du rêve.

Dans ma chambre,
Les étoiles de Koki reprennent la plume
Et leur bruit berce les enfers.
Je donne la parole au noir
Qui me permet de tout voir.
Les possibles, oui.
Je suis seul mais plusieurs
Car demain est une poésie. (page 98 selon mon décompte)

Les grilles de la nuit et de la solitude enfermées dans une chambre permettent enfin de voir les visages des autres, mais derrière ces grilles, derrière les grilles de la prison. Mais c'est inimagiblement frustrant et enthousiasmant. Frustrant qu'ion ne puisse emporter avec nous que des images qu'on va rêver dans la nuit, mais enthousiasmant si nous avons laissé un peu d'espoir d'un jour sortir de ces grilles et faire oeuvre de vie.

J'ai vu enfin des visages derrière les grilles,
Le blanc des sourires
Et la beauté devant les yeux.
J'ai levé ce matin les miennes
Nous les avons effacées
Nos grilles
Elles sont là mes images.
Nos grilles sont le sourire d'un bandana rose fluo.
Le sourire d'un homme sous le genou d'un autre homme.
La beauté pour le barbe grise.
Nos grilles. (page 71 selon mon décompte)

Mais pensez un peu et essayer d'imaginer ce que cet homme sous le genou d'un autre homme peut bien être ? Un George Floyd local sous le genou d'un cerbère ? ou une rixe de prison par trop souvent trop fréquente ? Ou simplement le sourire du prisonnier sous le genou de la peine de prison décidée par le juge ?

Douze mois de prison ferme,
Si je pouvais bénéficier des remises de peine
Ça me serait convenable
J'ai perdu l'appétit du goût de la vie. (page 67 selon mon décompte)

Si ce groupe Semer en Territoire passe près de chez vous, allez les écouter et dites-vous bien que la poésie n'est qu'un cri tenu longtemps prisonnier au fond de votre tripe et qui soudain un jour se libère et illumine tout votre environnement. Certains esprits scatologiques parlent de dysenterie poétique. L'ennui pour ces esprits chagrins c'est que ce déferlement poétique est libératoire, cathartique, même s'il ne libère pas le poète de la prison où il croupit. Demandez à Apollinaire ce qu'il en pense de son amitié douteuse avec Géry Pierét qui vola la Joconde et la recéla chez Apollinaire.

Le soleil filtre à travers
Les vitres
Ses rayons font sur mes vers
Les pitres
Et dansent sur le papier
J'écoute
Quelqu'un qui frappe du pied
La voûte (youtube.com/watch?v=03OL0Pk5uA0)

Mais le même sentiment de vide total d'Apollinaire se retrouve page 30 :

Mes mots se sont échappés.
Je marche sur les océans pour trouver les jetées.
Mais rien n'y fait.
Mes idées se sont envolées sur les plantes.
[…] Les idées se sont échappées.
Fermer les yeux, penser au passé.
Aucune idée ne me parvient. (page 30 selon mon décompte)

Mais le déplacement jusqu'aux Comores en vaut la peine pour un bon vieux séjour de vacances dans une prison avec grille tout autour ou village de vacances avec plein de grilles protectrices de ces touristes par rapport à la population qu'on dira un peu barbare. J'ai conscience que j'ai pris pour l'essentiel le recueil dans le sens rétrograde, mais cela me semble correspondre au projet de pénétrer une prison pour découvrir l'inconscient des prisonniers, en sachant que de toute façon ce n'est pas pour durer.

Dr. Jacques COULARDEAU

Lien : https://jacquescoulardeau.me..
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