Holden Caulfield est un tueur.
L'Attrape-Coeurs est une tuerie. C'est un livre assez particulier, qu'on a retrouvé dans les affaires personnelles de plusieurs tueurs, serial-killers …
La phrase qui revient sans cesse dans ce livre le confirme : « Ca m'a tué. ». Qu'est-ce qui l'a tué Holden ? On apprend qu'il a déjà rencontré la mort Holden. C'est peut-être la mort qui l'a tué ?
Ce qui le tue encore plus, c'est tout ce qui fait qu'il déteste tout ce qu'il voit, tout ce qu'il entend, car il déteste tout et tout le monde Holden, il pousse le cynisme à son paroxysme. Et il est un brin barjot notre ado, il se retrouve souvent devant les fenêtres comme s'il avait envie de s'y jeter (il est manifestement dépressif), il est extrémiste aussi dans le sens où il est plus qu'extrême : il dramatise absolument et se met en situation d'échec en adoptant un comportement « borderline ». Il cherche les problèmes ou il les trouve, il raconte des conneries, des mensonges sans mentir, et se donne des airs de gros dur, de délinquant avec sa casquette qu'il porte à l'envers mais sa casquette, attention, c'est une casquette de tueur :
« Chez nous, putain, quand on porte une casquette comme ça c'est pour chasser le daim. C'est une casquette de chasse au daim.
- Tu déconnes. » J'ai ôté la casquette et je l'ai examinée. J'ai fermé un oeil comme si je voulais la prendre pour cible. J'ai dit « C'est une casquette de chasse à l'homme. Moi je la mets pour chasser l'homme. »
Du coup, faut pas s'étonner s'il a des pulsions de meurtre par moments sur son camarade de chambre par exemple : « j'ai voulu le frapper, de toutes mes forces, en plein sur la brosse à dents pour qu'elle lui transperce la gorge »
Plus loin ils se battent :
« Il me tenait les poignets alors je pouvais pas cogner. Je l'aurais tué. »
Mais c'est Holden qui se fait défoncer au final parce qu'il n'est pas un gros dur Holden (il s'en donne seulement l'air) :
« je suis allé regarder ma tête de con dans la glace. Vous avez jamais rien vu d'aussi sanglant. du sang, j'en avais partout, sur la bouche et le menton et même sur mon pyjama et ma robe de chambre. C'était un spectacle à faire peur et en même temps je trouvais ça fascinant. J'avais l'air d'un gros dur. Je m'étais battu à peu près deux fois dans ma vie et les deux fois j'avais dérouillé. Je suis pas un dur. Si vous voulez savoir, je suis un pacifiste. »
L'Attrape-Coeurs est un livre assez violent qu'on ne s'étonnera donc pas de retrouver dans les lectures favorites de tel ou tel tueur étant donné qu'un adolescent en crise peut facilement s'identifier à Holden et se retrouver dans cette crise existentielle et se satisfaire de cette violence, banalisée …
Mais attention ! C'est un livre qui nous arrache le coeur en plus de nous arracher les tripes …
Holden est tellement borderline qu'on s'attend à tout moment à un passage à l'acte, à une tentative de suicide, par exemple. Car Holden a le goût du drame comme le goût du sang. Il fait comme s'il s'était pris une balle à un moment, pour faire comme dans les films, pour se donner l'air d'un dur, d'un tueur, et pour se complaire dans sa blessure par balle imaginaire ( Ce moment est d'un drôle!) On s'attend à ce qu'il tue quelqu'un d'autre aussi, une fille par exemple car il a l'air particulièrement frustré sexuellement. Personnellement, je me suis attendue au pire lorsqu'il s'introduit de nuit dans la chambre de sa petite soeur, qu'il aime tant …On ressent comme un léger malaise … Parce qu'on s'attend tellement à ce qu'Holden fasse une énorme connerie ! …
L'Attrape-Coeurs c'est le livre de celui qui veut attraper des coeurs, des corps, d'enfants, pour les sauver de la chute …
Au final c'est l'Attrapeur-Coeurs qui se fait Attrapé-Coeurs !
PS : Ce qui m'a le plus attrapé le coeur dans
l'Attrape-Coeurs, c'est le coeur d'Holden parce qu'Holden a un grand coeur. Même s'il déteste tout et tout le monde. Il aime son petit frère, même s'il est mort, il aime sa petite soeur malgré son côté sale gosse, il aime plein de petits détails aussi, que Jane Gallagher se contente d'aligner ses dames au bout du plateau, par exemple ... il aime ... Et c'est parce qu'il aime, parce que c'est un passionné, qu'il est en crise ... Et sa crise existentielle se cristallise dans le lac gelé de Central Park car lorsqu'il est au plus mal, il s'inquiète pour les canards et demande à tous où s'en vont les canards en hiver ? C'est drôle quand même que quelqu'un qui déteste autant les connards et qui est un connard, aussi, par moments, s'inquiète autant pour les canards ...